N°16 – Juillet 2020

LA LETTRE DU CABINET

N°16 – Juillet 2020

Droit de la commande publique

6 juillet 2020 - Précision sur l’office du juge du référé-précontractuel en matière de contrats publics : il ne lui appartient pas de contrôler si, au regard de l'objet du contrat dont la passation est engagée, la personne publique est, à la date où elle signe le contrat, compétente à cette fin.

Le Conseil d’Etat, dans sa décision Société Les Voiliers du 9 juin 2020, vient rappeler l’office du juge des référés qui consiste « sur le fondement de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, [ à ] apprécier si ont été commis des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles d’avoir lésé ou ont risqué de léser, fût-ce de façon indirecte, l’entreprise qui le saisit » et préciser toutefois qu’« il ne lui appartient pas de contrôler si, au regard de l’objet du contrat dont la passation est engagée, la personne publique est, à la date où elle signe le contrat, compétente à cette fin ».

Autrement dit, le fait qu’une procédure de passation du contrat soit engagée et conduite par une personne publique qui n’est pas encore compétente pour le signer ne constitue pas un motif d’irrégularité sanctionnable par le juge du référé précontractuel.

Dans cette hypothèse, il énonce s’agissant d’une délégation de service public, que la commission de délégation de service public qui a procédé pour une personne publique qui n’est pas encore compétente à l’appréciation des offres n’est pas nécessairement irrégulièrement composée.

La Haute juridiction spécifie également les cas dans lesquels une personne publique peut être considérée comme n’étant pas encore compétente :

« lorsqu’une personne publique a vocation à exercer la compétence nécessaire à la conclusion et à l’exécution d’un contrat de la commande publique, notamment parce qu’elle est en cours de création ou de transformation ou parce qu’une procédure, par laquelle la compétence nécessaire doit lui être dévolue, est déjà engagée, aucune règle ni aucun principe ne font obstacle à ce qu’elle engage elle-même la procédure de passation du contrat, alors même qu’elle n’est pas encore compétente à cette date pour le conclure. Il en va notamment ainsi lorsque le contrat en cause a pour objet la gestion d’un service public. Il appartient seulement à la personne publique de faire savoir, dès le lancement de la procédure de passation, que le contrat ne sera signé qu’après qu’elle sera devenue compétente à cette fin. Une personne publique peut par ailleurs signer un contrat dont la procédure de passation a été engagée et conduite par une autre personne publique, à laquelle, à la date de la signature du contrat, elle est substituée de plein droit, sans que cette procédure soit, en l’absence de vice propre, entachée d’irrégularité ».

Au cas d’espèce, une procédure de passation d’une délégation de service public balnéaire, avait été conduite par la métropole Nice Côte d’Azur (après avoir fait jouer son droit de priorité prévu à l’article L. 2124-4 du code général de la propriété des personnes publiques pour bénéficier, à l’expiration, le 31 décembre 2019, de la concession des plages naturelles attribuée à la commune de Nice, de la future concession de ces plages pour la période du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2031) alors même que le contrat par lequel l’Etat était susceptible de lui attribuer la concession des plages naturelles de Nice (dont celle-ci était toujours attributaire) n’était pas encore signé et que l’enquête publique préalable n’était pas terminée.

Dans ces circonstances, le Tribunal administratif de Nice avait considéré que la métropole n’était pas compétente pour conclure le contrat quand elle a lancé la procédure de passation ni pendant qu’elle la conduite et qu’il en résultait nécessairement que la commission de délégation de service public de la métropole n’avait pu procéder régulièrement à l’analyse des offres, qui aurait dû être effectuée par la commission de la ville de Nice, et que la procédure de passation avait nécessairement été conduite par une autorité qui n’était pas habilitée à cette fin.

Le juge de cassation censure cette analyse du juge des référés du Tribunal administratif de Nice dans la mesure où d’une part, il ne relève aucun vice propre dans la composition ou le fonctionnement de la commission de délégation de service public de la métropole et d’autre part, l’Etat avait engagé la procédure d’attribution de la concession des plages naturelles de Nice à la métropole et que celle-ci avait expressément fait savoir, dès le 25 octobre 2019, que le contrat ne serait signé qu’après l’attribution de cette concession par l’Etat.

CE, 9 juin 2020, Société Les Voiliers, req. n° 436922 .

10 juillet 2020 - Accord de coopération entre communes portant sur l’organisation de services dont l’une des communes se voit transférer la responsabilité et champ d’application de la directive 2004/18/CE du 31 mars 2004

Par un accord de coopération entré en vigueur le 1er juillet 2012, plusieurs villes finlandaises ont décidé de confier à la ville de Pori certaines missions de transports, en sa qualité d’autorité locale compétente, celle-ci étant, dans ce cadre, chargée du fonctionnement des transports en commun des communes participant à la coopération.

On soulignera que la Cour de justice de l’Union Européenne relève que cet accord de coopération sur les transports en commun reposait sur le modèle dit de la « commune responsable » prévu par la loi finlandaise. Plus précisément, dans le cadre de ce modèle, la Cour énonce qu’une mission incombant aux différentes communes est assumée par l’une d’elles, qualifiée dès lors de « commune responsable », pour le compte de celles-ci.

Parallèlement à cet accord, certaines des villes parties à l’accord susvisé ont également convenu, par un accord de coopération relatif à l’organisation et à la fourniture de services sociaux et de santé conclu le 18 décembre 2012, de transférer à la ville de Pori la responsabilité de l’organisation des services sociaux et de santé pour l’ensemble de leur territoire.

Aussi, par une décision du 4 mai 2015, la commission de garantie des droits sociaux fondamentaux de la ville de Pori a décidé que les transports des personnes handicapées vers les unités de travail et d’activité de jour par des autobus seraient effectués, pour l’ensemble de la zone couverte par l’accord de coopération sur les services de santé, par la ville de Pori en tant que mission propre, par l’intermédiaire de Porin Linjat, société par actions que la Ville détenait intégralement.

Pour ce marché du transport des personnes handicapées, et donc en dehors de toute mise en concurrence, la Ville de Pori a ainsi directement attribué ce contrat selon le régime du contrat in house.

Lyttylän Liikenne Oy a contesté cette décision de la commission de garantie des droits sociaux fondamentaux de la ville de Pori devant la juridiction compétente finlandaise. Cette dernière a décidé d’annuler cette décision au motif, d’une part, que Porin Linjat ne saurait être qualifiée d’entité liée ou d’opérateur interne à la ville de Pori et, d’autre part, qu’aucun autre motif ne justifierait que le marché en cause soit en l’occurrence soustrait à l’obligation de mise en concurrence.

La Ville de Pori a formé un pourvoi devant la Cour administrative suprême finlandaise selon lequel elle soutenait que Porin Linjat constituerait bel et bien une entité qui lui serait liée. La juridiction saisie a décidé de surseoir à statuer et de poser plusieurs questions préjudicielles à la CJUE.

Plus précisément, la première question préjudicielle posée à la Cour était la suivante, à savoir si un accord, aux termes duquel les communes parties à cet accord confiraient à l’une d’elles la responsabilité de l’organisation de services à leur profit, serait ou non exclu du champ d’application de la directive 2004/18.

A cette première question, la CJUE considère qu’un tel accord est bel et bien exclu du champ d’application de la directive précitée dès lors qu’il constitue un transfert de compétences : « l’article 1er, paragraphe 2, sous a), de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, doit être interprété en ce sens qu’un accord, aux termes duquel les communes parties à cet accord confient à l’une d’elles la responsabilité de l’organisation de services au profit de ces communes, est exclu du champ d’application de cette directive au motif qu’il constitue un transfert de compétences, au sens de l’article 4, paragraphe 2, TUE, tel qu’interprété dans l’arrêt du 21 décembre 2016, Remondis (C51/15, EU:C:2016:985) ».

On relèvera que la CJUE se réfère ici à la solution tirée de l’arrêt Remondis en date du 21 décembre 2016 par lequel le juge européen avait en effet estimé qu’un transfert de compétence entre entité publique ne présentait pas de caractère onéreux, de sorte qu’il ne répondait pas à la notion de marché public au sens de la directive 2004/18.

En outre, la deuxième question posée à la Cour portait sur la question était de savoir si un accord de coopération, selon lequel les parties à l’accord transféraient à l’une d’elles la responsabilité de l’organisation de services à leur profit, permet de considérer cette commune comme un pouvoir adjudicateur qui serait habilité à confier à un opérateur in house – et donc en dehors de toute mise en concurrence – des services couvrant à la fois ses besoins mais aussi ceux des communes parties à cet accord.

A cette question, la Cour répond par la positive en énonçant que  « l’article 1er, paragraphe 2, sous a), de la directive 2004/18 doit être interprété en ce sens qu’un accord de coopération, aux termes duquel les communes parties à cet accord transfèrent à l’une d’elles la responsabilité de l’organisation de services au profit de ces communes, permet de considérer cette commune, lors des attributions postérieures audit transfert, comme un pouvoir adjudicateur et l’habilite à confier, sans mise en concurrence préalable, à une entité in house, des services couvrant non seulement ses propres besoins mais également ceux des autres communes parties audit accord, alors que, sans ce transfert de compétences, lesdites communes auraient dû pourvoir elles-mêmes à leurs propres besoins ».

CJUE, 18 juin 2020, Porin kaupunki, aff. C-328/19

15 juillet 2020 - Précision par le Conseil d’Etat des conditions dans lesquelles un contrat administratif entaché d’illégalité peut être unilatéralement résilié pour ce motif par l’administration

L’une des prérogatives exorbitantes reconnue à la personne publique dans l’exécution de tout contrat administratif est son pouvoir de résiliation unilatérale pour motif d’intérêt général.

L’usage de ce pouvoir se traduit, dans le silence du contrat, par l’indemnisation des dépenses engagées par le cocontractant pour l’exécution du contrat et non amorties à la date de la résiliation et, le cas échéant, du gain dont il est privé du fait de la résiliation anticipée du contrat. Les parties disposent toutefois de la possibilité d’aménager les conséquences indemnitaires de cette résiliation, sous réserve de respecter le principe de l’interdiction des libéralités et de ne pas retenir des conditions qui aboutiraient à dissuader, par principe, la personne publique d’exercer son pouvoir de résiliation.

La question se posait, au regard notamment de l’exigence de loyauté des relations contractuelles consacrée par la jurisprudence du Conseil d’Etat (CE Ass. 28 décembre 2009, Commune de Béziers, req. n° 304802), des conditions dans lesquelles la personne publique peut décider de résilier unilatéralement un contrat administratif au motif que celui-ci est entaché d’illégalité.

L’on sait, en effet, que l’exigence de loyauté des relations contractuelles impose désormais en principe de rester sur le terrain contractuel dans le cadre des litiges relatifs à l’exécution du contrat, et que seules certaines irrégularités d’une gravité particulière (contenu illicite du contrat, illégalité des conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, etc.) peuvent conduire à écarter le contrat et à régler le litige sur un terrain extracontractuel (ibid.).

En écho à cette solution, il apparaissait logique d’estimer que le pouvoir de résiliation unilatérale du contrat par l’administration du fait de l’irrégularité dont celui-ci est entaché ne pouvait plus s’exercer que dans les cas où l’exigence de loyauté des relations contractuelles ne commandait pas la poursuite de son exécution, c’est-à-dire lorsque le contrat était entaché d’un vice d’une gravité particulière.

Dans une décision rendue le 10 juillet 2020, le Conseil d’Etat, confirmant implicitement qu’il s’agit là d’un cas de résiliation pour motif d’intérêt général, est venu préciser que « dans le cas particulier d’un contrat entaché d’une irrégularité d’une gravité telle que, s’il était saisi, le juge du contrat pourrait en prononcer l’annulation ou la résiliation, la personne publique peut, sous réserve de l’exigence de loyauté des relations contractuelles, résilier unilatéralement le contrat sans qu’il soit besoin qu’elle saisisse au préalable le juge ».

Il apparaît ainsi (i) que le pouvoir de résilier unilatéralement un contrat administratif au motif de son illégalité, sans saisine préalable du juge, ne demeure que dans l’hypothèse où le contrat est entaché d’une irrégularité grave, selon la typologie dégagée par la jurisprudence du Conseil d’Etat, et que (ii) cette résiliation ne peut intervenir que « sous réserve de l’exigence de loyauté des relations contractuelles ». Cette dernière mention peut surprendre, a priori, dans la mesure où la première condition pourrait déjà n’englober que des vices suffisamment graves pour neutraliser le jeu de l’exigence de loyauté des relations contractuelles. Elle pourrait induire qu’à cette condition de gravité du vice, s’ajoute une condition liée à la cause et à l’imputabilité de cette illégalité : un vice résultant d’un manquement commis exclusivement par l’administration pourrait ainsi ne pas permettre de fonder la résiliation du contrat par l’administration, quelle que soit sa gravité. La lecture des conclusions du rapporteur public sera probablement éclairante à cet égard.

S’agissant des conséquences indemnitaires d’une telle résiliation, la décision du Conseil d’Etat apporte également d’utiles éclairages.

Ainsi :

« le cocontractant peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, pour la période postérieure à la date d’effet de la résiliation, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s’était engagé. Si l’irrégularité du contrat résulte d’une faute de l’administration, le cocontractant peut, en outre, sous réserve du partage de responsabilités découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l’administration. Saisi d’une demande d’indemnité sur ce second fondement, il appartient au juge d’apprécier si le préjudice allégué présente un caractère certain et s’il existe un lien de causalité direct entre la faute de l’administration et le préjudice ».

Ces conditions indemnitaires, fidèles aux principes classiques applicables au droit indemnitaire du titulaire d’un contrat administratif entaché de nullité (CE Sect. 10 avril 2008, Société JC Decaux, req. n° 244950), sont plus favorables à la personne publique que les conditions habituelles en matière de résiliation pour motif d’intérêt général (cf. supra), ce qui peut augurer d’un contentieux subtil quant à l’usage – potentiellement déloyal ? – que pourraient être tentées de faire les personnes publiques de ce fondement spécifique de résiliation pour motif d’intérêt général lorsqu’elles envisagent de résilier un contrat.

En l’espèce, l’arrêt rendu par la Cour administrative de Nancy est censuré pour erreur de droit, dans la mesure les juges d’appel s’étaient abstenus de vérifier si l’irrégularité résultant de spécifications techniques imposées dans le dossier de consultation des entreprises pour l’attribution d’un marché public pouvait être invoquée par la personne publique au regard de l’exigence de loyauté des relations contractuelles et si elle était d’une gravité suffisante telle que, si le juge du contrat avait été saisi, il aurait pu prononcer l’annulation ou la résiliation du marché en litige.

CE, 10 juillet 2020, Comptoir Négoce Equipements, req. n° 430864

17 juillet 2020 - L’absence d’intérêt transfrontalier certain ne dispense pas le Sénat d’organiser une procédure de mise en concurrence avant la signature du contrat portant occupation du domaine public.

Le 12 janvier 2016, le Sénat a conclu avec la Ligue de Paris de Tennis une convention d’autorisation d’occupation temporaire du domaine public en vue de l’exploitation des six courts de tennis situés dans le jardin du Luxembourg, pour une durée de quinze ans.

La société Paris Tennis, qui sollicite l’annulation de cette convention, a vu sa demande rejetée tant par le tribunal administratif de Paris que par la cour administrative d’appel de Paris.

La société Paris Tennis a donc décidé de se pourvoir en cassation.

Le Conseil d’Etat commence par relever que si l’article 8 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, dans sa rédaction issue de l’article 60 de la loi du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, ne prévoit pas explicitement la compétence de la juridiction administrative pour se prononcer sur les litiges relatifs aux contrats publics passés par les assemblées parlementaires, les travaux parlementaires quant à eux révèlent l’intention du législateur de rendre compatibles les dispositions de l’ordonnance avec les exigences de publicité et de mise en concurrence découlant notamment du droit de l’Union européenne.

Ainsi, le Conseil d’Etat en déduit que le juge administratif est compétent pour statuer sur les recours en contestation de la validité de contrats passés par les assemblées parlementaires et susceptibles d’être soumis à des obligations de publicité et de mise en concurrence.

Après avoir rappelé ce principe, la Haute Assemblée procède à la qualification du contrat dont l’annulation est réclamée par la société Paris Tennis. En l’occurrence, le contrat conclu entre le Sénat et la Ligue de Paris de Tennis a pour objet d’autoriser cette dernière à occuper temporairement une partie des dépendances domaniales affectées au Sénat, afin d’y exploiter six courts de tennis, ainsi que des locaux d’accueil, des vestiaires et des sanitaires.

La cour administrative d’appel de Paris a considéré que le contrat en cause doit être regardé comme un contrat d’occupation du domaine public, et non comme une concession de service public, en l’absence de mission de service public d’une part, et de droit de contrôle sur la gestion de l’activité sportive de la Ligue de Paris de Tennis par le Sénat d’autre part.

Ce raisonnement est confirmé par le Conseil d’Etat, lequel constate qu’aucune erreur de qualification juridique n’a été commise par les juges d’appel.

S’agissant désormais de la procédure de passation applicable à un tel contrat, l’article L. 2122-1-1 du code général de la propriété des personnes publiques dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques – qui instaure une procédure de publicité et de mise en concurrence dans le cadre de la conclusion d’un contrat d’occupation ou d’utilisation du domaine public en vue d’une exploitation économique – n’était pas encore entré en vigueur à la date de la signature de la convention conclue entre le Sénat et la Ligue de Paris de Tennis.

Cependant, le Conseil d’Etat considère que les dispositions prévues par l’article 12 de la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur sont susceptibles de s’appliquer aux autorisations d’occupation du domaine public. Le juge de cassation se fonde sur ce point sur la jurisprudence rendue par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 14 juillet 2016, Promoimpresa Srl, aff. C-458/14 et C-67/15 ; CJUE, 30 janvier 2018, College van Burgemeester en Wethouders van de gemeente Amersfoort c./ X BV et Visser Vastgoed Beleggingen BV c./ Raad van de gemeente Appingedam, aff. C-360/15 et C-31/16).

Pourtant, saisie d’un moyen tiré de ce que la réglementation édictée par le Sénat en matière de contrats d’occupation du domaine public méconnaissait le droit de l’Union européenne à la fois au regard du principe de non-discrimination issu de l’article 49 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et des dispositions de la directive du 12 décembre 2006, la cour administrative d’appel de Paris a jugé que la convention conclue entre le Sénat et la Ligue de Paris de Tennis ne présentait pas d’intérêt frontalier certain.

Or, les juges d’appel ont commis une erreur de droit en considérant que l’absence d’intérêt transfrontalier certain avait permis de dispenser le Sénat d’organiser une procédure de mise en concurrence avant la signature du contrat, alors qu’une telle circonstance était sans incidence sur l’application de la directive du 12 décembre 2006.

Le Conseil d’Etat admet donc le pourvoi formé par la société Paris Tennis et annule l’arrêt rendu par la cour administrative d’appel de Paris.

CE, 10 juillet 2020, Société Paris Tennis, req. n° 434582

20 juillet 2020 - En cas d’absence de notification du décompte général par le maître d’ouvrage après mise en demeure par le titulaire du marché, le juge des référés provision saisi peut l’établir

En matière de marchés de travaux, en application de l’article 13.4.2 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) qui leur est applicable, le représentant du pouvoir adjudicateur doit notifier au titulaire du marché le décompte général avant la plus tardive des deux dates ci-après, soit quarante jours après la date de remise au maître d’œuvre du projet de décompte final par le titulaire, soit douze jours après la publication de l’index de référence permettant la révision du solde. Autrement, ce dernier peut, lui adresser une mise en demeure. Dans ce cas, lorsqu’il ne reçoit pas ledit décompte dans un délai de trente jours à compter de cette mise en demeure, le titulaire du marché peut « saisir le tribunal administratif compétent en cas de désaccord. ».

Le Conseil d’Etat, dans sa décision commentée Société Bonaud du 10 juin 2020, vient préciser que les stipulations de l’article 13.4.2 précité devaient être interprétées comme permettant au titulaire du marché, lorsque le pouvoir adjudicateur ne défère pas à la mise en demeure de notifier le décompte général, de saisir le tribunal administratif de conclusions tendant à ce que celui-ci établisse le décompte général, mais également de conclusions tendant au règlement du solde du marché.

Autrement dit, en cas d’inertie de ce pouvoir adjudicateur, il appartient au juge administratif d’établir le décompte général et donc le solde du marché – étant précisé que la production du décompte en cours d’instance ne fait pas perdre à la requête son objet :

« Il résulte de ces stipulations que lorsque le pouvoir adjudicateur, mis en demeure de notifier le décompte général, s’abstient d’y procéder dans le délai de trente jours qui lui est imparti, le titulaire du marché peut saisir le tribunal administratif d’une demande visant à obtenir le paiement des sommes qu’il estime lui être dues au titre du solde du marché. Dans l’hypothèse où la personne publique notifie le décompte général postérieurement à la saisine du tribunal, le litige conserve son objet et y a lieu pour le juge de le trancher au vu de l’ensemble des éléments à sa disposition, sans que le titulaire du marché soit tenu présenter de mémoire de réclamation contre ce décompte. »

La Haute juridiction précise, en outre, qu’aux termes de l’article R. 541-1 du code de justice administrative « le titulaire du marché peut obtenir du juge des référés qu’il ordonne au pouvoir adjudicateur le versement d’une indemnité provisionnelle et qu’il n’est pas tenu de saisir, par ailleurs, le juge du contrat d’une demande au fond. Dès lors, la saisine du juge des référés, sur le fondement des articles R. 541-1 et suivants du code de justice administrative, de conclusions tendant au versement d’une provision sur le solde du marché doit être regardée comme la saisine du tribunal administratif compétent au sens de l’article 13.4.2 du CCAG applicable aux marchés de travaux ».

Dans ces conditions, la saisine du juge des référés provision par le titulaire du marché peut être regardée comme la saisine du tribunal administratif compétent au sens de l’article 13.4.2 précité.

CE, 10 juin 2020, Société Bonaud, req. n° 436922 .

24 juillet 2020 - Relèvement temporaire du seuil de dispense de procédure pour les marchés de travaux et certains marchés de denrées alimentaires

Le décret n°2020-893 du 22 juillet 2020, publié au Journal officiel du 23 juillet 2020, prévoit un relèvement temporaire des seuils de certains marchés en vue, justement, de relancer l’économie.

L’article 1er de ce décret prévoit en effet que, jusqu’au 10 juillet 2021 inclus, les marchés de travaux, dont le montant est inférieur à 70.000 euros HT, peuvent être passés sans publicité ni mise en concurrence :

« Jusqu’au 10 juillet 2021 inclus, les acheteurs peuvent conclure un marché de travaux sans publicité ni mise en concurrence préalables pour répondre à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 70 000 euros hors taxes.

Ces dispositions sont applicables aux lots qui portent sur des travaux et dont le montant est inférieur à 70 000 euros hors taxes, à condition que le montant cumulé de ces lots n’excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots.

Les acheteurs veillent à choisir une offre pertinente, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur économique lorsqu’il existe une pluralité d’offres susceptibles de répondre au besoin ».

Ce même article précise, en outre, que cette disposition est applicable aux lots qui portent sur des travaux dont le montant est inférieur à 70.000 euros HT à condition toutefois que le montant cumulé de ces lots n’excède pas 20 % de la valeur totale de tous les lots. Cette précision s’inscrit dans la veine des dispositions de l’article R. 2122-8 du code de la commande publique qui prévoit en effet que les « petits lots », remplissant les conditions prévues au b du 2° de l’article R. 2123-1, peuvent être passés sans publicité ni mise en concurrence.

En outre, l’article 2 de ce décret prévoit que, pour les produits livrés avant le 10 décembre 2020, les acheteurs peuvent conclure, sans publicité ni mise en concurrence, un marché répondant à un besoin inférieur à 100.000 euros et qui porte exclusivement sur la fourniture de denrées alimentaires produites, transformées et stockées avant la date de cessation de l’état d’urgence :

« Pour des produits livrés avant le 10 décembre 2020, les acheteurs peuvent conclure sans publicité ni mise en concurrence préalables un marché répondant à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 100 000 euros hors taxes portant sur la fourniture de denrées alimentaires produites, transformées et stockées avant la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée.

Ces dispositions sont applicables aux lots dont le montant est inférieur à 80 000 euros hors taxes, à condition que le montant cumulé de ces lots n’excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots.

Les acheteurs veillent à choisir une offre pertinente, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur économique lorsqu’il existe une pluralité d’offres susceptibles de répondre au besoin ».

Là-aussi, cet article précise que cette disposition est applicable aux lots dont le montant est inférieur à 80.000 euros HT à condition que le montant cumulé des lots n’excède pas 20% de la valeur totale estimée de tous les lots.

On relèvera que chacun de ces articles rappelle le principe en vertu lequel l’acheteur demeure tenu d’assurer une bonne gestion des deniers publics tout en veillant à ne pas contracter systématiquement avec une seule et même entreprise lorsque existerait une pluralité d’offres pouvant répondre à son besoin.

En résumé, le relèvement des seuils est donc temporaire et ne concerne strictement que les marchés de travaux et les marchés de fourniture de denrées alimentaires produites, transformées et stockées avant la date de cessation de l’état d’urgence.

Décret n° 2020-893 du 22 juillet 2020 portant relèvement temporaire du seuil de dispense de procédure pour les marchés publics de travaux et de fourniture de denrées alimentaires

 

Droit de la fonction publique

8 juillet 2020 - Protection fonctionnelle : l’agent public victime d’un différend avec son supérieur hiérarchique peut prétendre au bénéfice de la protection fonctionnelle à la condition que les actes dont il a été victime soient, par leur nature ou leur gravité, insusceptibles de se rattacher à l’exercice normal du pouvoir hiérarchique

Très vive altercation a opposé, dans le couloir d’un centre hospitalier, un praticien hospitalier à son directeur. Soutenant avoir fait l’objet, dans le cadre de son service, d’une agression verbale et physique de la part du directeur du centre hospitalier, l’agent public a demandé le bénéfice de la protection fonctionnelle. Par une décision du 26 avril 2014, le directeur du centre hospitalier mis en cause a rejeté la demande. Par un jugement du 3 décembre 2015, le Tribunal administratif de Saint-Martin a, sur la demande de l’agent public soutenant avoir été agressé, annulé la décision par laquelle le directeur du centre hospitalier a refusé l’octroi de la protection fonctionnelle. Cependant, par un arrêt du 10 juillet 2018, la Cour administrative de Bordeaux a annulé ce jugement aux motifs qu’un agent ne peut utilement se prévaloir du principe général d’impartialité « à l’encontre d’une décision prise à son encontre par une autorité administrative dans l’exercice de son pouvoir hiérarchique. Une Par suite, c’est à tort que le tribunal administratif a annulé, au motif de la méconnaissance du principe général d’impartialité, la décision du 26 avril 2014. » (CAA Bordeaux, 10 juillet 2018, Centre hospitalier Louis-Constant Fleming, req. n° 16BX00550).

C’est dans ce cadre que le Conseil d’Etat a été saisi de cette affaire, laquelle a été l’occasion pour la Haute juridiction de revenir sur la question de l’octroi de la protection fonctionnelle en cas de différend entre en agent public et son supérieur hiérarchique, mais également concernant l’application du principe d’impartialité.

Ainsi, par l’arrêt commenté, la Haute juridiction est venue rappeler que, en principe, le bénéfice de la protection fonctionnelle ne peut être accordé aux « différends susceptibles de survenir, dans le cadre du service, entre un agent public et l’un de ses supérieurs hiérarchiques ». Toutefois, le juge vient préciser qu’il en va « différemment lorsque les actes du supérieur hiérarchique sont, par leur nature ou leur gravité, insusceptibles de se rattacher à l’exercice normal du pouvoir hiérarchique. ». Tel est par exemple le cas lorsque l’agent a été victime de la part de son supérieur hiérarchique d’agissements excessifs ne se rattachant pas à l’exercice normal du pouvoir hiérarchique ou encore lorsque les agissements dénoncés sont guidés par des motivations étrangères à l’intérêt du service.

Ensuite, la Haute juridiction est venue rappeler les contours, déjà bien connus, du principe d’impartialité (CE, sect., 29 avril 1949, Bourdeaux, req. n° 82790, Rec. 188).

En effet, dans la présente affaire, le Conseil d’Etat est venu rappeler que « le principe d’impartialité, rappelé par l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, s’impose à toute autorité administrative dans toute l’étendue de son action, y compris dans l’exercice du pouvoir hiérarchique. ». Ainsi, c’est tout logiquement que le Conseil d’Etat est venu rajouter que « Il résulte du principe d’impartialité que le supérieur hiérarchique mis en cause à raison de tels actes ne peut régulièrement, quand bien même il serait en principe l’autorité compétente pour prendre une telle décision, statuer sur la demande de protection fonctionnelle présentée pour ce motif par son subordonné. »

CE, 29 juin 2020, Centre hospitalier Louis Constant Fleming de Saint-Martin, req. n° 423996, à paraître au Recueil

13 juillet 2020 - Réduction de la pollution de l’air : le Conseil d’Etat enjoint sous astreinte à l’Etat de renforcer les mesures existantes dans les six mois

Les dispositions de l’article 13 de la directive n° 2008/50/CE du 21 mai 2008 concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe font obligation aux Etats membres de veiller à ce que, dans l’ensemble de leurs zones et agglomérations, certaines concentrations en particules fines et en dioxyde d’azote ne soient pas dépassées.  Ces dispositions ont été transposées aux articles L. 221-1 et R. 221-1 et suivants du code de l’environnement.

A la suite du dépassement récurrent de ces valeurs, l’Etat s’était déjà vu enjoindre, par une décision rendue par le Conseil d’Etat le 12 juillet 2017 (Association les Amis de la Terre France, req. n° 394254), de prendre « toutes les mesures nécessaires pour que soit élaboré et mis en œuvre [pour un certain nombre de zones territoriales] un plan relatif à la qualité de l’air permettant de ramener les concentrations (…) sous les valeurs limites fixées par l’article R. 221-1 du code de l’environnement dans le délai le plus court possible », lequel devait être transmis à la Commission européenne au plus tard le 31 mai 2018.

Face à l’inefficacité des mesures adoptées par l’Etat à la suite de cette décision, près de 70 associations, huit personnes physiques et une commune (Marennes) ont saisi le Conseil d’Etat d’une demande tendant, en vertu de l’article L. 911-5 du code de justice administrative, à constater l’inexécution de la décision du 12 juillet 2017 par l’Etat et de prononcer à son encontre une astreinte d’un montant de 100.000 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la décision à intervenir.

Dans une décision rendue le 10 juillet 2020, le Conseil d’Etat, au terme d’une analyse circonstanciée des mesures relevées dans les différentes zones territoriales concernées par la décision du 12 juillet 2017, a relevé que les concentrations cibles avaient encore été dépassées, s’agissant du dioxyde d’azote, pour dix d’entre elles en 2018, tendance confirmée en 2019 et sur le début de l’année 2020. Il a également constaté que dans trois des zones concernées, la concentration journalière limite en particules fines avait été dépassée, et que dans le secteur parisien, la concentration moyenne annuelle avait également été dépassée.

Il relève, par ailleurs, que les « feuilles de route » établies par le Gouvernement pour chaque zone et transmises à la commission européenne ne comportent « aucune estimation de l’amélioration de la qualité de l’air qui en est escomptée, ni aucune précision concernant les délais prévus pour la réalisation de ces objectifs », en méconnaissance des dispositions de la directive précitée.

Il relève, encore, que les plans de protection de l’environnement en vigueur n’ont été révisés, depuis l’intervention de la décision du 12 juillet 2017, que dans deux des zones concernées par cette dernière. Seul le plan établi pour la vallée de l’Arve recueille un satisfecit du Conseil d’Etat, notamment compte tenu du fait que les mesures qu’il contient visent au respect des valeurs limites d’ici 2022. Le plan établi pour la région Ile-de-France ne visant que l’année 2025 et ne démontrant pas que cet horizon correspond au délai le plus court possible au sens des textes précités, est, lui, jugé insuffisant pour être regardé comme assurant la mise en œuvre de la décision du 12 juillet 2017.

Tenant compte du délai important écoulé depuis cette dernière, des enjeux graves qui s’attachent au respect des exigences de réduction de la pollution de l’air et de l’urgence qu’ils présentent, le Conseil d’Etat a prononcé une astreinte de dix millions d’euros par semestre (« le montant le plus élevé qui ait jamais été imposé », d’après le communiqué de presse officiel de la juridiction) dans l’hypothèse où l’Etat ne justifierait pas avoir exécuté la décision du 12 juillet 2017 dans l’ensemble des zones encore concernées.

CE, 10 juillet 2020, Association Les Amis de la Terre France et a., req. n° 428409

Communiqué de presse du conseil d’Etat

22 juillet 2020 - Article R. 600-1 du code de l’urbanisme : la notification d’un recours administratif et / ou d’un recours dirigé contre un certificat d'urbanisme, ou d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol accordé aux membres d’une indivision peut être effectuée sous un même pli seulement si celui-ci mentionne nommément les co-indivisaires ayant présenté la demande et sous réserve d’être envoyé à l’adresse unique figurant dans la décision attaquée

Le Conseil d’Etat a eu récemment l’occasion de revenir sur l’application des dispositions de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme dans l’hypothèse où le certificat d’urbanisme ou une décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol a été délivré aux membres d’une indivision.

En effet, dans cette espèce, par un arrêté du 24 mai 2018, le maire de Sanary-sur-Mer a accordé aux propriétaires indivis d’un terrain un permis de construire un immeuble d’habitation comprenant 5 logements et des garages, et ce après démolition de la maison existante.

Souhaitant attaquer ce permis de construire, les voisins du terrain d’assiette ont, après le rejet de leur recours gracieux, saisi le Tribunal administratif de Toulon d’une demande tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de l’arrêté du 24 mai 2018 et de la décision rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement du 11 juin 2019, le Tribunal administratif de Toulon a toutefois jugé comme irrecevable leur demande au motif que les notifications des recours gracieux et contentieux ont été adressées aux deux bénéficiaires sous un même pli, et ce en méconnaissance des dispositions de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme.

Saisi de la présente affaire, le Conseil d’Etat est tout d’abord venu confirmer le principe posé dans son arrêt du 4 décembre 2017 (CE, 4 décembre 2017, M. et Mme H c/ Commune d’Eclance, req. n° 407165).

En effet, après avoir rappelé que « lorsqu’un permis de construire est délivré à plusieurs bénéficiaires, la notification doit être effectuée à l’égard de chacun d’entre eux, tels que désignés, avec leur adresse, dans l’acte attaqué. En particulier, dans le cas où le permis est délivré aux membres d’une indivision, la notification doit être faite à ceux des co-indivisaires qui ont présenté la demande de permis et dont le nom comme l’adresse, figure dans l’acte attaqué ou, lorsque les co-indivisaires ont désigné un mandataire, à ce dernier à l’adresse figurant dans l’acte attaqué. », la Haute juridiction a jugé en l’espèce que :

« il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les notifications des recours gracieux et contentieux de M. et Mme A…, adressées par ces derniers en application de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme, ont été envoyées aux deux bénéficiaires désignées par le permis de construire, à l’adresse unique qui était mentionnée sur le permis. En jugeant irrégulières les notifications de ces deux recours au seul motif qu’elles ont été adressées aux deux bénéficiaires sous un même pli, alors qu’il incombe seulement à l’auteur du recours de justifier de l’envoi des notifications aux bénéficiaires de l’autorisation d’urbanisme désignés par celle-ci, à l’adresse qu’elle mentionne, le tribunal administratif de Toulon a commis une erreur de droit. Par suite, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, les requérants sont fondés à demander l’annulation du jugement du tribunal administratif de Toulon qu’ils attaquent. »

Autrement dit, l’obligation de notification prévue à l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme n’est pas méconnue lorsque les auteurs d’un recours administratif et / ou d’un certificat d’urbanisme, ou d’une décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol ont notifié leur(s) recours sous un pli unique lorsque, d’une part, le recours est adressé nommément aux co-indivisaires ayant présenté la demande et, d’autre part, lorsque le recours est envoyé à l’adresse figurant dans l’acte attaqué.

CE, 15 juillet 2020, M. et Mme C et Rose A c/ Commune de Sanary-sur-Mer, req. n° 433332

Droit public général

3 juillet 2020 - Publication au Journal Officiel du 30 juin 2020 du décret n° 2020-797 du 29 juin 2020 relatif à la mise à la disposition du public des décisions des juridictions judiciaires et administratives

Pour mémoire, les articles 20 et 21 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique avait contribué à la mise en place d’un régime de mise à disposition du public des décisions de justice des juridictions administratives et judiciaires, par la modification de l’article L. 10 du code de justice administrative et l’introduction de l’article L. 111-13 dans le code de l’organisation judiciaire.

Ces dispositions, parmi d’autres, avaient par la suite été modifiées par l’article 33 de la loi n° 2019-2022 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

Le décret n° 2020-797 du 29 juin 2020 intervient ainsi dans le cadre de l’application de l’article 33 de la loi n° 2019-2022 et précise les conditions de la mise à disposition du public des décisions des juridictions administratives d’une part, et judiciaires d’autre part.

S’agissant d’abord de la mise à disposition des décisions des juridictions administratives, l’article 1er du décret du 29 juin 2020 introduit une section 6 intitulée « mise à disposition du public, sous forme électronique, des décisions rendues par les juridictions administratives » au sein du chapitre premier du titre IV du livre VII de la partie réglementaire du code de justice administrative.

Cette section 6 est composée des articles R. 741-13 à R. 741-15, lesquels prévoient que :

  • Le Conseil d’Etat est responsable de la mise à disposition du public des décisions rendues par les juridictions administratives, sous forme électronique. A cet égard, il appartient au Conseil d’Etat de mettre à la disposition du public les décisions rendues par les juridictions administratives dans un délai de deux mois à compter de leur date (article R. 741-13) ;
  • Dans l’hypothèse où malgré l’occultation des nom et prénoms, la mise à disposition d’une décision est de nature à porter atteinte à la sécurité ou au respect de la vie privée des personnes physiques mentionnées dans celle-ci, ou de leur entourage, le président de la formation de jugement ou le juge ayant rendu la décision peut décider d’occulter tout autre élément d’identification (article R. 741-14) ;
  • Une demande d’occultation ou, au contraire, de levée d’occultation des éléments d’identification, peut être introduite à tout moment par une personne intéressée auprès d’un membre du Conseil d’Etat, désigné par le vice-président du Conseil d’Etat (article R. 741-15).

L’article 2 du décret du 29 juin 2020 modifie l’article R. 751-7 du code de justice administrative, lequel prévoit désormais ce qui suit :

« Des expéditions supplémentaires de la décision peuvent être délivrées aux parties à leur demande.

Les tiers peuvent se faire délivrer, dans les conditions et limites prévues à l’article L. 10-1, une copie simple de décisions précisément identifiées.

Les éléments permettant d’identifier les personnes physiques mentionnées dans la décision, lorsqu’elles sont parties ou tiers, sont préalablement occultés si leur divulgation est de nature à porter atteinte à la sécurité ou au respect de la vie privée de ces personnes ou de leur entourage. En tout état de cause, il est procédé à cette occultation lorsqu’elle a été décidée, pour ces personnes, en application des articles R. 741-14 ou R. 741-15.

Lorsque des éléments de la décision ont été occultés en application du dernier alinéa de l’article R. 741-14, il est procédé à la même occultation sur la copie de la décision.

Ces dispositions ne s’appliquent pas à l’accès aux jugements exercé en application des articles L. 213-1 à L. 213-5 du code du patrimoine ».

L’article 3 I modifie pour sa part l’article R. 311-1 du même code par l’ajout d’un 8°, indiquant que le Conseil d’Etat est compétent en premier et dernier ressort pour statuer sur les « recours de plein contentieux dirigés contre les décisions d’occultation ou de levée d’occultation prises en application des dispositions de l’article R. 741-15 ou du troisième alinéa de l’article R. 751-7 ».

Il est également rétabli un article R. 122-13, aux termes duquel, « le président ou un président-adjoint de la section du contentieux du Conseil d’Etat statue par ordonnance sur les recours mentionnés au 8° de l’article R. 311-1 ».

S’agissant ensuite de la mise à disposition du public des décisions des juridictions judiciaires, l’article 4 du décret n° 2020-797 procède par l’ajout du chapitre III intitulé « la mise à disposition du public des décisions de justice sous forme électronique » au titre Ier du livre Ier du code de l’organisation judiciaire.

Ce chapitre III comporte des articles R. 111-10 à R. 111-13, lesquels disposent que :

  • Le Cour de cassation est responsable de la mise à disposition du public des décisions rendues par les juridictions judiciaires, sous forme électronique. A cet égard, il appartient à la Cour de cassation de mettre à la disposition du public les décisions rendues par les juridictions judiciaires dans un délai de six mois à compter de leur mise à disposition au greffe de la juridiction (article R. 111-10) ;
  • Par principe, les décisions mentionnées à l’article R. 111-10 sont les décisions rendues publiquement et accessibles à toute personne sans autorisation préalable. Cependant, une décision dont la communication à des tiers est soumise à autorisation préalable peut être mise à la disposition du public lorsqu’elle présente un intérêt particulier. Lorsqu’elle est rendue par une juridiction du fond, la décision est communiquée à la Cour de cassation par le président de la juridiction. Lorsque la loi ou le règlement prévoit que la délivrance d’une copie peut n’être accordée qu’après occultation de tout ou partie des motifs de la décision, celle-ci est mise à la disposition du public dans les mêmes conditions. Lorsque la loi ou le règlement prévoit que seul un extrait de la décision est public ou accessible à toute personne sans autorisation préalable, seul cet extrait est mis à la disposition du public (R. 111-11) ;
  • Dans l’hypothèse où, malgré l’occultation des nom et prénoms, la mise à disposition de la décision est de nature à porter atteinte à la sécurité ou au respect de la vie privée des personnes physiques mentionnées dans celle-ci, ou de leur entourage, le président de la formation de jugement ou le magistrat ayant rendu la décision peut décider d’occulter tout autre élément d’identification (R. 111-12) ;
  • Une demande d’occultation ou, au contraire, de levée d’occultation des éléments d’identification, peut être introduite à tout moment par une personne intéressée devant un magistrat de la Cour de cassation, désigné par le premier président (article R. 111-13).

L’article 4 modifie également l’article R. 433-3 du code de l’organisation judicaire en remplaçant ses dispositions par celles-ci :

« Le service de documentation et d’études tient une base de données rassemblant les décisions et avis de la Cour de cassation et des juridictions ou commissions juridictionnelles placées auprès d’elle, publiés ou non publiés aux bulletins mensuels mentionnés à l’article R. 433-4, ainsi que les décisions présentant un intérêt particulier rendues par les autres juridictions de l’ordre judiciaire. Cette base de données a pour objet de mettre ces décisions à la disposition du public dans les conditions définies aux articles R. 111-10 et R. 111-11, ainsi que d’assurer la diffusion de la jurisprudence.

Aux mêmes fins et dans les mêmes conditions, le service de documentation et d’études tient une base de données rassemblant les décisions des premier et second degrés rendues par les juridictions de l’ordre judiciaire. Les conditions dans lesquelles ces décisions lui sont transmises sont fixées par les dispositions régissant les applications informatiques du ministère de la justice et du conseil national des greffiers des tribunaux de commerce ».

Les articles 5 et 6 du décret du 29 juin 2020 portent sur la délivrance de copie aux tiers.

L’article 5 ajoute essentiellement les articles 1440-1 et 1440-1-1 au code de procédure civile, et remplace les dispositions de l’article 1441.

Pour sa part, l’article 6 modifie le code de procédure pénale, par l’abrogation de l’article R. 156, et l’introduction d’un c « délivrance de copie aux tiers » au sein de la section 5 du chapitre II du titre X du livre V. Cette partie c intègre les articles R. 166 à R. 172 au sein du code de procédure pénale.

S’agissant enfin des dispositions diverses, l’article 7 du décret n° 2020-797 dispose que la mise à la disposition du public des décisions de justice des juridictions administratives et judiciaires est réalisée sur un portail internet.

A cela s’ajoute que le Conseil d’Etat et la Cour de cassation doivent mettre à la disposition du public les décisions de justices de leur ordre juridictionnel respectif sur le site internet respectif.

Pour finir, il s’évince de l’article 9 qu’un arrêté du ministre de la justice doit prochainement déterminer, pour chacun des ordres judiciaire et administratif, la date à compter de laquelle les décisions de justice seront mises à la disposition du public.

Décret n° 2020-797 du 29 juin 2020 relatif à la mise à la disposition du public des décisions des juridictions judiciaires et administratives

 

27 juillet 2020 -

Le Conseil d’Etat, dans sa décision Association Les droits du piéton en Vendée du 8 juillet 2020, est venu préciser qu’il appartient au maire, dans l’exercice des pouvoirs de police qui lui sont confiés en vertu de l’article L. 2213-1 et du 2° de l’article L. 2213-2 du code général des collectivités territoriales, de prendre les mesures nécessaires pour concilier les droits de l’ensemble des usagers de la voie publique et les contraintes liées, le cas échéant, à la circulation et au stationnement de leurs véhicules.

Ainsi s’il ne peut pas, dans l’exercice de ces pouvoirs, prendre des mesures contraires au code de la route, les dispositions de l’article R. 417-10 de ce code ne font cependant pas obstacle à ce que, lorsque les besoins du stationnement et la configuration de la voie publique le rendent nécessaire, il autorise le stationnement de véhicules sur une partie des trottoirs, à condition qu’un passage suffisant soit réservé au cheminement des piétons, notamment de ceux qui sont à mobilité réduite, ainsi qu’à leur accès aux habitations et aux commerces riverains et qu’une signalisation adéquate précise les emplacements autorisés.

La Haute juridiction avait déjà eu l’occasion d’opérer une conciliation similaire entre les pouvoirs du préfet de police de Paris et le code de la route. Elle avait ainsi retenu qu’aucune disposition du code de la route, n’interdisait au préfet de police d’autoriser par ordonnance les conducteurs à faire stationner les voitures particulières sur certains trottoirs, terre-pleins et contre-allées ne comportant qu’une « signalisation d’indication appropriée » compte tenu des difficultés particulières de la circulation automobile dans la ville de Paris et des caractéristiques des trottoirs sur lesquels le stationnement a été autorisé qui « n’imposent pas aux piétons des sujétions qui excéderaient celles que le préfet de police pouvait légalement leur imposer dans l’intérêt général et qu’elles réservent le droit d’accès des riverains à leurs immeubles » (CE, Assemblée, 23 mars 1973, Association Les droits du piéton, req. n° 80599).

Dans l’affaire commentée, le maire d’Olonne-sur-Mer avait ainsi pu, compte tenu de la configuration des voies concernées (qui laissaient un espace suffisant pour le cheminement des piétons et pour leur accès aux habitations et aux commerces) et des besoins du stationnement automobile dans la commune, légalement autoriser le stationnement litigieux.

CE, 8 juillet 2020, Association Les droits du piéton, req. n° 436922 .

29 juillet 2020 - Parution du décret n°2020-904 du 24 juillet 2020 fixant les conditions de réunion par téléconférence du conseil communautaire dans les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre

Pour mémoire, l’article 11 de la loi n° 2019-141 du 27 décembre 2019 est venu insérer dans le Code général des collectivités territoriales un nouvel article L. 5211-11-1 rédigé comme suit :

« Dans les communautés de communes, les communautés d’agglomération, les communautés urbaines et les métropoles, le président peut décider que la réunion du conseil communautaire se tient par téléconférence, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. Le quorum est alors apprécié en fonction de la présence des conseillers communautaires dans les différents lieux de réunion. Les votes ne peuvent avoir lieu qu’au scrutin public. La réunion du conseil communautaire ne peut se tenir en plusieurs lieux pour l’élection du président et du bureau, pour l’adoption du budget primitif, pour l’élection des délégués aux établissements publics de coopération intercommunale et pour l’application de l’article L. 2121-33. ».

Ainsi, si la possibilité pour les conseillers communautaires et métropolitains de recourir à la téléconférence – y compris après la fin de l’état d’urgence sanitaire – ne faisait plus aucun doute, il convenait néanmoins d’attendre la parution du décret en Conseil d’Etat venant fixer les conditions de mise en œuvre de cet article.

C’est dans ce cadre qu’a été publié, le 25 juillet 2020, le décret n° 2020-904 du 24 juillet 2020 fixant les conditions de réunion par téléconférence du conseil communautaire dans les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, lequel a créé les articles R. 5211-2, R. 5211-2-1 et R. 5211-2-2 du CGCT.

Pour l’essentiel, il convient de retenir que, à compter du 1er novembre 2020 (sauf si la durée de l’état d’urgence sanitaire est prolongée au-delà du 30 octobre 2020), le Président d’un EPCI à fiscalité propre cité à l’article L. 5211-11-1 du CGCT peut légalement décider que la réunion de l’organe délibérant se tiendra par téléconférence. Pour ce faire :

  • Le conseil communautaire devra préalablement désigner par délibération les salles équipées du système de téléconférence dans les communes membres en s’assurant que ces lieux respectent le principe de neutralité et garantissent les conditions d’accessibilité et de sécurité ;
  • Les modalités d’enregistrement et de conservation des débats devront préalablement être fixées par le conseil communautaire ou métropolitain ;
  • La téléconférence se tiendra par visioconférence ou à défaut audioconférence, étant précisé qu’un agent de l’EPCI devra être présent durant toute la durée de la réunion et devra, notamment, assurer les fonctions d’auxiliaire du secrétaire de séance. A ce titre, il lui appartient de recenser les entrées et sorties du ou des conseillers communautaires présents, mais également de recenser les pouvoirs éventuels ;
  • A l’initiative du président de l’EPCI à fiscalité propre, la réunion du conseil communautaire ou métropolitain débutera lorsque l’ensemble des conseillers ont un accès effectif aux moyens de transmission ;
  • Les votes devront avoir lieu au scrutin public, étant précisé que le caractère public des délibérations et des votes est assuré dans les salles équipées d’un système de téléconférence, lesquelles sont rendues accessibles au public ;
  • En cas d’adoption d’une demande de vote secret selon les modalités prévues à l’article L. 2121-21, 1° du CGCT, le président de l’EPCI concerné reporte ce point de l’ordre du jour à une séance ultérieure.

Décret n° 2020-904 du 24 juillet 2020 fixant les conditions de réunion par téléconférence du conseil communautaire dans les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre

 

31 juillet 2020 - Revalorisations exceptionnelles du revenu de solidarité active (RSA) : le cabinet obtient qu’il soit enjoint à l’Etat de compenser les dépenses engendrées pour les départements entre 2013 et 2017

Parmi les principes fondamentaux qui régissent le transfert de compétences aux collectivités territoriales et l’exercice de celles-ci, figure la règle aujourd’hui contenue à l’article L. 1614-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) selon laquelle le transfert d’une compétence à une collectivité territoriale, lorsqu’il induit un accroissement net de charges pour celle-ci, donne lieu au transfert concomitant des ressources nécessaires à l’exercice normal de cette compétence. L’article L. 1614-2 du CGCT précise qu’en cas de charge nouvelle pesant sur les collectivités du fait de la modification par l’Etat des règles relatives à l’exercice des compétences transférées, cela donne également lieu à compensation. Enfin, les articles L. 1614-3 et L. 1614-5-1 du CGCT disposent (i) qu’en cas d’accroissement de charges, le montant des dépenses corrélatives pour chaque collectivité concernée est constaté par arrêté conjoint des ministres chargés de l’intérieur et du budget, après avis de la commission consultative sur l’évaluation des charges du Comité des finances locales et (ii) que cet arrêté conjoint intervient dans les six mois suivant la publication des dispositions législatives ou réglementaires auxquelles il se rapporte.

L’attribution du revenu de solidarité active (RSA) relève, en vertu de l’article L. 262-13 du code de l’action sociale et des familles, de la compétence des départements. Les modalités de détermination du montant du RSA sont fixées aux articles L. 262-2 et suivants du même code, et reposent notamment sur un montant forfaitaire fixé par décret, lequel doit faire l’objet d’une revalorisation annuelle assise sur une évolution indiciaire et peut également faire l’objet de revalorisations exceptionnelles.

Cinq décrets (n° 2013-793 du 30 août 2013, n° 2014-1127 du 3 octobre 2014, n° 2015-1231 du 6 octobre 2015, n° 2016-2176 du 29 septembre 2016 et n° 2017-739 du 4 mai 2017) avaient été adoptés entre 2013 et 2017 pour revaloriser de manière exceptionnelle (c’est-à-dire hors revalorisation annuelle) le montant forfaitaire du RSA, sans être suivies de l’adoption d’un arrêté interministériel qui serait venu constater l’accroissement des charges pesant, du fait de ces revalorisations, sur les départements. Le surcroît de dépenses engendré par ces revalorisations n’avait ainsi pas été compensé selon les conditions prévues par le CGCT.

Trois départements normands (Calvados, Manche et Orne) ont, par conséquent, saisi les deux ministres concernés d’une demande tendant à l’édiction de l’arrêté prévu par l’article L. 1641-3 du CGCT, en lien avec les accroissements de charge induits par chacun des décrets susvisés. Leurs demandes ayant été implicitement rejetées, les trois départements ont saisi le Tribunal administratif de Paris d’une requête en annulation de ces rejets implicites et tendant à ce qu’il soit enjoint à l’Etat d’adopter les arrêtés considérés.

En défense, l’Etat soutenait, en particulier, que des compensations avaient été accordées aux départements par la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

Dans un jugement rendu le 30 juin 2020, le Tribunal administratif de Paris a estimé qu’à la différence des revalorisations annuelles indiciaires du RSA, les revalorisations exceptionnelles présentent le caractère de modifications « des règles relatives à l’exercice des compétences transférées » au sens de l’article L. 1614-2 du CGCT, qui entraînent des dépenses nouvelles et doivent donner lieu à compensation.

Il a également jugé que les mesures contenues par la loi du 29 décembre 2013 précitée ne « saurai[en]t rendre inutile (…) l’édiction des arrêtés litigieux constatant le droit à compensation des départements » et que les départements requérants étaient ainsi fondés à prétendre à l’annulation des décisions de rejet contestées.

Le Tribunal a également fait droit à la demande d’injonction formulée par les départements, et a enjoint aux ministres concernés d’adopter un arrêté conjoint, dans les conditions définies à l’article L. 1614-3 du CGCT, pour chacun des cinq décrets considérés, dans les six mois suivant la notification du jugement.

La revalorisation du RSA a représenté plusieurs milliards d’euros pour l’ensemble des départements français …

https://www.lagazettedescommunes.com/690111/financement-du-rsa-les-departements-gagnent-une-importante-bataille/