N°17 – Août 2020

LA LETTRE DU CABINET

N°17 – Août 2020

Droit public général

5 août 2020 - Une ordonnance par laquelle le juge des référés accorde une provision constitue un titre exécutoire

Le Conseil d’Etat, dans sa décision Ville de Lyon du 22 juillet 2020, est venu préciser que, malgré l’absence au principal d’autorité de la chose jugée des décisions du juge des référés et compte tenu de leur caractère exécutoire, une ordonnance par laquelle il accorde une provision constitue un titre exécutoire dont le recouvrement peut être poursuivi directement :

« Aux termes de l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution :  » Seuls constituent des titres exécutoires : / 1° Les décisions des juridictions de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif lorsqu’elles ont force exécutoire (…) « . L’article R. 2342-4 du code général des collectivités territoriales précise que :  » Les produits des communes (…) qui ne sont pas assis et liquidés par les services fiscaux de l’Etat en exécution des lois et règlements en vigueur, sont recouvrés : / – soit en vertu de jugements ou de contrats exécutoires ; / – soit en vertu de titres de recettes ou de rôles émis et rendus exécutoires par le maire (…) « . Si les décisions du juge des référés n’ont pas, au principal, l’autorité de la chose jugée, elles sont néanmoins, conformément au principe rappelé à l’article L. 11 du code de justice administrative, exécutoires. Il suit de là, d’une part, qu’une ordonnance par laquelle le juge des référés accorde une provision constitue un titre exécutoire dont le recouvrement peut être poursuivi directement (…) ».

La qualification de titre exécutoire octroyée à cette provision implique, comme le relève par ailleurs le juge de cassation, « qu’un titre émis aux mêmes fins par l’ordonnateur de la collectivité n’a pas de portée juridique propre et ne peut recevoir aucune exécution en cas d’annulation de l’ordonnance du juge des référés par le juge d’appel ou le juge de cassation. ».

Au cas d’espèce, le maire de Lyon avait rendu et émis un titre d’un montant de 420 000 euros, afin d’assurer le recouvrement d’une provision de ce montant que la société Immobilière Massimi avait été condamnée à verser à la ville par ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lyon du 7 octobre 2013.

La Haute juridiction considère que ce titre n’avait pas de portée juridique propre et n’était dès lors pas susceptible de recours et que c’était dès lors sans commettre d’erreur de droit et en qualifiant exactement les faits que la Cour administrative d’appel de Lyon avait rejeté la demande d’annulation dudit titre qui lui avait été soumise.

En définitive, il n’est donc pas possible de solliciter l’annulation du titre exécutoire émis par la collectivité sur le fondement d’une ordonnance de provision du juge des référés dans la mesure où il n’a aucune portée juridique propre.

CE, 22 juillet 2020, Ville de Lyon, req. n° 426210.

26 août 2020 - En l’absence d’arrêté préfectoral rendant le port du masque obligatoire, le Maire peut-il prendre lui-même un arrêté rendant obligatoire, sur certains secteurs de la commune, le port du masque tous les jours et à toute heure jusqu’au 31 août 2020 ? Non, répond le juge des référés du tribunal administratif de Marseille dans une ordonnance du 21 août 2020, sauf si des raisons impérieuses liées à des circonstances propres justifient qu’une telle mesure soit prise afin de lutter contre l’épidémie de Covid-19

La question de l’articulation entre le pouvoir de police administrative générale du maire et le pouvoir de police spéciale détenu par le représentant de l’Etat en période de crise sanitaire constitue, en pratique, une source de difficulté pour les maires.

Il convient ici de retenir que depuis son ordonnance du 22 mars 2020, rendue en formation collégiale, le Conseil d’Etat est venu préciser les contours entre l’articulation de ces deux pouvoirs de police en jugeant que : «  […] le représentant de l’État dans le département et le maire disposent, dans les conditions et selon les modalités fixées en particulier par le code général des collectivités territoriales, du pouvoir d’adopter, dans le ressort du département ou de la commune, des mesures plus contraignantes permettant d’assurer la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques, notamment en cas d’épidémie et compte tenu du contexte local. Par ailleurs, le Parlement a été saisi d’un projet de loi pour faire face à l’épidémie de covid-19 permettant l’instauration d’un état d’urgence sanitaire […] 15. En troisième lieu, dans le cadre du pouvoir qui leur a été reconnu par ce décret ou en vertu de leur pouvoir de police les représentants de l’Etat dans les départements comme les maires en vertu de leur pouvoir de police générale ont l’obligation d’adopter, lorsque de telles mesures seraient nécessaires des interdictions plus sévères lorsque les circonstances locales le justifient. » 

Ainsi, lorsqu’il existe une mesure de police spéciale le maire peut, en application de son pouvoir de police administrative générale, prendre des mesures plus restrictives que celles prises par les représentants de l’Etat lorsque les circonstances locales le justifient.

A défaut et même si les mesures prises visaient à lutter contre la propagation du Covid-19, les mesures de police s’exposent à la censure du juge administratif (voir par exemple : TA Caen, ord., 31 mars 2020, Préfet du Calvados, req. n° 2000711).

C’est dans ce cadre que, à la suite de l’introduction d’un référé liberté, le Tribunal administratif de Marseille s’est prononcé, dans une ordonnance du 21 août 2020, sur l’articulation entre, d’une part, le pouvoir de police détenu par le maire en application des dispositions des articles L. 2212-1 et L. 2122-2 du CGCT et, d’autre part, le pouvoir de police spéciale du préfet que ce dernier détient en application de l’article L. 2215-1 du CGC, mais également de l’article 1er du décret n° 2020-944 du 30 juillet 2020, lequel prévoit que : « Dans les cas où le port du masque n’est pas prescrit par le présent décret, le préfet de département est habilité à le rendre obligatoire, sauf dans les locaux d’habitation, lorsque les circonstances locales l’exigent » (voir en ce sens : article 1, II du décret n° 2020-860 du 10 juillet 2020).

 

C’est ainsi que, concernant l’arrêté du maire de Gans « portant notamment obligation de port du masque tous les jours et à toute heure jusqu’au 31 août 2020 sur certains secteurs de la commune », le juge des référés a d’abord rappelé que : Les articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, cités au point 4, autorisent le maire, y compris en période d’état d’urgence sanitaire, à prendre les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques dans sa commune. Le maire peut, le cas échéant, à ce titre, prendre des dispositions destinées à contribuer à la bonne application, sur le territoire de la commune, des mesures décidées par les autorités compétentes de l’Etat, notamment en interdisant, au vu des circonstances locales, l’accès à des lieux où sont susceptibles de se produire des rassemblements. En revanche, la police spéciale confiée au préfet de département fait obstacle, pendant la période où elle trouve à s’appliquer, à ce que le maire prenne au titre de son pouvoir de police générale des mesures destinées à lutter contre la catastrophe sanitaire, à moins que des raisons impérieuses liées à des circonstances locales en rendent l’édiction indispensable et à condition de ne pas compromettre, ce faisant, la cohérence et l’efficacité de celles prises dans ce but par les autorités compétentes de l’Etat. » .

C’est donc logiquement que le juge des référés a considéré que : « En application de ces dispositions, par un arrêté du 15 août 2020, le préfet des Bouches-du-Rhône a étendu à plusieurs communes du département l’obligation du port du masque de protection, pour toute personne de onze ans ou plus. La commune de Grans ne fait pas partie des communes concernées par cet arrêté. Or, en se bornant à faire état de la difficulté à faire respecter les mesures barrière dans l’hyper centre du territoire de la commune et de la recrudescence de la pandémie ainsi qu’en témoigne la détection de 5 personnes contaminées sur 170 personnes testées, la commune de Grans ne justifie pas des raisons impérieuses liées à des circonstances locales propres à celles-ci et qui exigeraient que soit prononcée sur son territoire, en vue de lutter contre l’épidémie de covid-19, l’obligation jusqu’au 31 août 2020 pour les personnes âgées de plus de 11 ans de se déplacer en portant un masque couvrant la bouche et le nez dans les lieux mentionnés par l’arrêté. 8. L’arrêté contesté porte ainsi à la liberté d’aller et venir et au droit de chacun au respect de sa liberté personnelle une atteinte grave et manifestement illégale […]  »

TA Marseille, Ord., 21 août 2020, M. C. X c/ Commune de Gans, req. n° 2006246

Droit de la domanialité publique

14 août 2020 - Responsabilité de l’Etat du fait des dommages subis par des propriétés voisines des cours d’eaux non domaniaux malgré la carence des propriétaires riverains

Le Conseil d’Etat, dans sa décision SCI Les Vigneux du 22 juillet 2020, est venu rappeler que, malgré le principe posé à l’article L. 215-14 du code de l’environnement qui prévoit « le principe de l’entretien des cours d’eau non domaniaux par les propriétaires riverains », la responsabilité de l’Etat est susceptible d’être engagée lorsque des propriétés voisines des cours d’eau non domaniaux ont été endommagées du fait de l’action naturelle des eaux, compte tenu des fautes commises par le préfet dans l’exercice de la mission qui, sur le fondement de l’article L. 215-7 du code de l’environnement, doit « prendre toutes dispositions pour assurer le libre cours des eaux » :

« en cas de dommages causés aux propriétés voisines des cours d’eau non domaniaux du fait de l’action naturelle des eaux, sans préjudice de la responsabilité qu’il peut encourir lorsque ces dommages ont été provoqués ou aggravés par l’existence ou le mauvais état d’entretien d’ouvrages publics lui appartenant, la responsabilité de l’Etat peut être engagée par une faute commise par le préfet dans l’exercice de la mission qui lui incombe, en vertu de l’article L. 215-7 du code de l’environnement, d’exercer la police des cours d’eau non domaniaux et de prendre toutes les dispositions pour y assurer le libre cours des eaux. ».

Il avait déjà eu l’occasion d’affirmer ce principe dans une décision Syndicat intercommunal de l’Huveaune et autre (CE, 2 mars 1984, Syndicat intercommunal de l’Huveaune et autre, req. n° 35524 35874).

Cette décision est, par ailleurs, l’occasion de préciser que la responsabilité de la commune – qui en vertu de l’article L. 215-16 du code de l’environnement peut après une mise en demeure restée infructueuse à l’issue d’un délai déterminé pourvoir d’office à l’entretien régulier du cours d’eau à la charge des riverains défaillants – n’est pas susceptible être recherchée dans ce cadre.

En définitive, seule la responsabilité de l’Etat peut être recherchée pour une carence fautive commise par le préfet dans l’exercice des pouvoirs de police qu’il tient de l’article L. 215-17 du code de l’environnement qui impliquent qu’il assure le libre cours des eaux et relevant du régime de la faute simple.

CE, 22 juillet 2020, SCI Les Vigneux, req. n° 425969.

Droit de l'urbanisme

11 août 2020 - Contestation du sursis à statuer opposé à une demande de permis de construire : le Conseil d’Etat admet la recevabilité de l’exception d’illégalité dirigée contre le futur plan local d’urbanisme

Le code de l’urbanisme prévoit un certain nombre de cas dans lesquels l’autorité administrative peut, en dépit des règles d’urbanisme effectivement applicables, surseoir à statuer sur une demande d’autorisation dont la délivrance serait de nature à affecter une perspective future.

L’article L. 153-11 du code de l’urbanisme dispose ainsi qu’un sursis à statuer peut être opposé sur les demandes d’autorisation qui concernent des constructions, installations ou opérations de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur plan local d’urbanisme, dès lors qu’a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d’aménagement et de développement durable.

Plus généralement, ce sont les dispositions de l’article L. 424-1 du code qui définissent les différents cas dans lesquels un sursis peut être prononcé : c’est notamment le cas dans le périmètre d’une opération ayant fait l’objet d’une demande de déclaration d’utilité publique, dès la date d’ouverture de l’enquête publique préalable à celle-ci, c’est également le cas lorsque l’opération qui fait l’objet de la demande d’autorisation est de nature à affecter la réalisation d’une opération d’aménagement ou l’exécution de travaux publics.

S’agissant des sursis fondés sur l’affectation d’un futur document d’urbanisme, le Conseil d’Etat jugeait classiquement que, dans le cadre d’un recours dirigé contre la décision de l’autorité compétente de surseoir à statuer sur la demande d’autorisation, il n’était pas possible d’exciper de l’illégalité du document d’urbanisme prescrit (CE, 17 mars 1982, SCI Le Bas Chevincourt, req. n° 24962).

Dans une décision rendue le 22 juillet 2020, le Conseil d’Etat est revenu sur cette jurisprudence, pour admettre désormais la possibilité de se prévaloir, par la voie de l’exception, de l’illégalité du futur plan local d’urbanisme dont le contenu fonde la décision de sursis.

Le Conseil d’Etat y a jugé qu’« un sursis à statuer ne peut être opposé à une demande de permis de construire qu’en vertu d’orientations ou de règles que le futur plan local d’urbanisme pourrait légalement prévoir, et à la condition que la construction, l’installation ou l’opération envisagée soit de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse son exécution ».

Partant, c’est sans commettre d’erreur de droit que la cour administrative d’appel de Versailles avait, pour apprécier la légalité de la décision de sursis à statuer, examiné la légalité du futur plan local d’urbanisme.

Cette importante évolution, qui apparaît un contrepoids raisonnable à l’atteinte susceptible d’être portée aux droits des pétitionnaires par la mécanique du sursis à statuer, offre ainsi de nouvelles perspectives contentieuses dont on peut penser qu’elles seront étendues aux autres hypothèses dans lesquelles un sursis peut être prononcé.

Conseil d’État, 22 juillet 2020, Commune de La Queue-Les-Yvelines, req. n° 427163, Publié au recueil Lebon

19 août 2020 - Article L. 600-5 du code de l’urbanisme : le Conseil d’Etat rappelle que lorsque le permis de construire est, dans son entier, vicié par une illégalité alors aucune annulation partielle ne peut être prononcée par le juge administratif

Le Conseil d’Etat a eu récemment l’occasion de revenir sur les pouvoirs que le juge détient en application des dispositions de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme.

Pour mémoire, il convient de rappeler qu’aux termes de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme – dans sa version actuellement en vigueur – le juge administratif qui estime qu’un vice qui n’affecte qu’une partie du projet ne peut être régularisé limite, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, à cette partie la portée de l’annulation qu’il prononce à l’encontre d’un permis de construire, de démolir, d’aménager ou encore d’une décision de non-opposition à déclaration préalable.

En outre, il est également rappelé que la régularisation visée à l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme peut intervenir y compris après l’achèvement des travaux.

C’est dans ce cadre que, très logiquement, dans un arrêt du 5 août 2020, le Conseil d’Etat est venu rappeler que : « Lorsque le premier juge prononce l’annulation partielle d’un permis de construire sur le fondement des dispositions de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme alors que l’illégalité qu’il a relevée viciait le permis de construire dans son entier, il se méprend sur les pouvoirs qu’il tient de cet article et méconnaît son office. Il appartient à la cour administrative d’appel, même d’office, de censurer une telle irrégularité, puis de statuer sur la demande présentée devant les premiers juges par la voie de l’évocation. »

Autrement dit, saisi, en application de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme, de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir, d’aménager ou encore d’un recours dirigé contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, le juge administratif :

  • peut limiter l’annulation du permis ou de la décision de non-opposition à déclaration préalable qu’à la seule partie du projet entachée d’illégalité ;
  • ne peut pas prononcer une annulation partielle lorsque l’illégalité entache le permis ou la décision de non-opposition à déclaration préalable dans son entier.

CE, 5 août 2020, M.E c/ Commune de Donville-les-Bains, req. n° 427553

24 août 2020 - Le régime de la notification du recours contentieux en matière d’urbanisme une nouvelle fois précisé par le Conseil d’Etat

A la faveur d’une décision rendue le 5 août dernier, le Conseil d’Etat a rappelé une nouvelle fois les règles applicables à la notification du recours contentieux en matière d’urbanisme.

En l’espèce, le 28 novembre 2017, le maire de la commune de Beaurecueil a délivré à M. C un permis de construire un immeuble à usage d’habitation comportant deux logements. Cet arrêté a été déféré à la censure du tribunal administratif de Marseille par la société E Beaurecueil ainsi que par M. et Mme E.

Cependant, la requête formée par ces derniers a été rejetée par ordonnance du 18 avril 2019.

Contestant cette décision, la société E Beaurecueil et M. et Mme E se sont pourvus en cassation.

Aux visas de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme, le Conseil d’Etat rappelle qu’en cas de recours contentieux contre un permis de construire, de même qu’en cas de demande tendant à l’annulation d’une décision juridictionnelle concernant un permis de construire, l’auteur du recours doit impérativement notifier son recours tant à l’auteur de la décision qu’au pétitionnaire, sous peine d’irrecevabilité.

Aux termes de cet article, il est également précisé que la notification doit être effectuée par lettre recommandée avec accusé de réception, et ce dans un délai de 15 jours francs à compter du dépôt du recours, étant précisé que la notification est réputée accomplie à la date d’envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception.

La Haute Juridiction précise néanmoins que le régime de notification institué par l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme doit être combiné avec l’article R. 424-15 du même code, lequel prescrit les conditions d’affichage du permis de construire sur le terrain d’assiette de la construction.

En effet, il faut souligner que l’irrecevabilité résultant de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme ne peut être opposée en première instance, en appel ou en cassation, qu’à la condition que l’affichage du permis de construire ait fait mention de cette obligation, conformément à l’article R. 424-15 du même code.

Or, en l’occurrence, le Conseil d’Etat relève que si le permis a effectivement été affiché par les pétitionnaires, le constat d’huissier produit par les requérants atteste que celui-ci était vierge de toute inscription, méconnaissant ainsi les dispositions de l’article R. 424-15 du code de l’urbanisme.

Ainsi, dans la mesure où l’affichage du permis de construire n’a pas fait mention de l’obligation de notification prévue par l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme, le pourvoi formé par les requérants ne saurait être considéré comme irrecevable, au motif qu’ils ne l’auraient pas notifié.

S’agissant désormais de l’ordonnance attaquée, le Conseil d’Etat précise, en application de l’article R. 222-1 du code de justice administrative, que s’il appartient au juge administratif de rejeter, au besoin d’office, le recours comme irrecevable dès lors qu’après y avoir été invité, son auteur n’a pas justifié de l’accomplissement des formalités de notification requises par l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme, en revanche, la production du certificat de dépôt des lettres recommandées suffit à justifier de cet accomplissement, et ce notamment lorsque le contenu de ces lettres n’est pas débattu devant le juge.

Dans le cas d’espèce, le Conseil d’Etat juge que le président de la quatrième chambre du tribunal administratif de Marseille a commis une erreur de droit en rejetant comme manifestement irrecevable la demande formée par la société E Beaurecueil et M. et Mme E, en se fondant sur le fait que les requérants n’avaient transmis au tribunal que les certificats de dépôts des lettres recommandées sans les accompagner de la copie de ces lettres, et ce alors que le contenu de la notification n’avait pas pu être contestée ni par la commune, ni par le pétitionnaire, dans la mesure où la requête ne leur avait pas été communiquée.

En conséquence, le Conseil d’Etat annule l’ordonnance et renvoie l’affaire au tribunal administratif de Marseille.

CE, 5 août 2020, Société E Beaurecueil et M. et Mme E, req. n° 432010

Droit des marchés publics

7 août 2020 - Rappel de l’obligation de vigilance incombant au maître d’œuvre lors de la réception des travaux

En l’occurrence, le centre de gestion de la fonction publique territoriale de Meurthe-et-Moselle (ci-après, le « CGFPT ») a entrepris des travaux de rénovation de son siège social et de construction d’une extension.

A cet égard, le CGFPT a lancé la passation d’un marché de maîtrise d’œuvre, celui-ci a été conclu, le 1er décembre 2011, avec un groupement d’entreprises, composé des sociétés A., mandataire, et de la société E.

Dans le cadre du marché de travaux, le lot n°2 portant sur les travaux de gros œuvres a été confié à la société G., le lot n°5 relatif à des travaux de menuiserie extérieur a, quant à lui, été confié à la société L. et le lot n°13 intitulé « ascenseur » a lui été attribué à la société T.

Toutefois, en 2015, le CGFPT a constaté une consommation anormale d’eau concomitamment à l’exécution du chantier ainsi qu’un dysfonctionnement d’un ascenseur. Aussi, face à ces constats, la CGFPT a introduit une requête tendant à la désignation d’un expert devant le Tribunal administratif de Nancy.

L’Expert désigné a remis un rapport, le 9 avril 2018, sur le fondement duquel le CGFTP a saisi le juge des référés du Tribunal administratif de Nancy d’une demande tendant à l’allocation d’une provision de 62.800 euros par la société A., maître d’œuvre de l’opération, en vue d’obtenir la réparation des préjudices subis par celle-ci du fait des désordres constatés.

Le juge des référés a, par une ordonnance du 22 avril 2020, condamné la société A., sur le fondement de la garantie décennale, à verser à la CGFPT une provision d’un montant de 57.800 euros TTC majorée des intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2019. La société A., maître d’œuvre de l’opération, a interjeté appel de l’ordonnance rendue.

S’agissant du désordre tiré de la surconsommation durant le chantier, la Cour administrative d’appel de Nancy rappelle tout d’abord le principe fermement établi selon lequel « lorsqu’il [le maître d’œuvre] a connaissance de désordres survenus en cours de chantier qui, sans affecter l’état de l’ouvrage achevé, ont causé des dommages au maître de l’ouvrage, il appartient au maître d’oeuvre chargé d’établir le décompte général du marché, soit d’inclure dans ce décompte, au passif de l’entreprise responsable de ces désordres, les sommes correspondant aux conséquences de ces derniers, soit, s’il n’est pas alors en mesure de chiffrer lesdites conséquences avec certitude, d’attirer l’attention du maître de l’ouvrage sur la nécessité pour lui, en vue de sauvegarder ses droits, d’assortir la signature du décompte général de réserves relatives à ces conséquences. A défaut, il commet une faute de nature à engager sa responsabilité à l’égard du maître de l’ouvrage » (CE, 6 avril 2007 Centre hospitalier général de Boulogne sur mer, req. n° 264490)

Puis, la Cour administrative d’appel de Nancy relève que le CGFPT avait été informé d’une consommation importante d’eau en comparaison des consommations antérieures par la communauté urbaine de Nancy.

Aussi, par courrier du 5 février 2015, le maître d’œuvre avait informé le CGFPT des investigations entreprises par celui-ci pour déceler l’origine de cette surconsommation, tout en indiquant la possible implication de la société G, titulaire du lot 2, à qui ce dernier allait demander des informations complémentaires.

On relèvera que, selon le rapport d’expertise, cette surconsommation résulte de travaux défaillants effectuées par la société G. qui, en application de l’article 3.1.6 du CCTP aurait dû prendre à sa charge les frais d’embranchement d’installation, de consommation et d’abonnement des réseaux nécessaires pour le chantier.

Le 25 novembre 2015, le maître d’œuvre a transmis au CGFPT, pour règlement, le projet de décompte général de la société G. qu’il avait établi, et au sein duquel ce dernier n’avait toutefois pas intégrer le coût de la surconsommation d’eau.

Sur ce point, la CAA de Nancy considère dès lors que c’est à bon droit que le Tribunal administratif de Nancy a jugé que la société A. a commis une faute de nature à engager sa responsabilité à l’égard du maître d’ouvrage en s’abstenant « d’intégrer au sein de ce décompte le coût de la surconsommation d’eau le privant ainsi, du fait du caractère intangible du décompte général devenu définitif, de la possibilité d’obtenir réparation auprès de l’entreprise G. ».

Cependant, la CAA de Nancy relève que le CGFPT a également commis une négligence de nature à atténuer la responsabilité de la maîtrise d’œuvre en relevant que celui-ci avait été, antérieurement à la signature du décompte général de la société G, informé de l’origine de la surconsommation d’eau et de sa probable imputabilité à cette société. La CAA concluant dès lors qu’une juste appréciation des responsabilités du CGFTP et du maître d’œuvre devra être faite en condamnant ce dernier à réparer « à concurrence de 50 %, le coût de la surconsommation d’eau imputable à la société G. ».

Aussi, le rapport d’expertise ayant fixé le montant de la surconsommation d’eau à hauteur de 36.800 euros TTC, la CAA de Nancy considère, dès lors, que l’existence d’une obligation de créance présente un caractère non sérieusement contestable à hauteur de 18 400 euros TTC.

Partant, le montant de la provision, qui avait été fixée à hauteur de de 57.800 euros TTC par l’ordonnance attaquée en l’occurrence, est ramené à 39.400 euros TTC.

CAA Nancy, 7 août 2020, Société A., req. n° 20NC01030

17 août 2020 - Illustration de l’application de la théorie des vices cachés par le juge administratif dans le cadre d’un litige portant sur l’exécution d’un marché public de fournitures

Par un contrat de gré à gré conclu le 27 juin 2014, la commune de Saales a acquis un véhicule de type Berlingo de marque Citroën auprès de la société Citroën BSA Automobiles. Cette société a également adressé une facture complémentaire à la commune correspondant à la transformation de ce véhicule en 4×4 par la société Dangel.

Néanmoins, à compter de l’année 2017, la boîte de vitesses du véhicule a présenté des dysfonctionnements. N’ayant pu obtenir la prise en charge de la réparation intégrale du véhicule par la société Citroën BSA Automobiles postérieurement à une expertise diligentée par son assurance, la commune a sollicité du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg la condamnation de la société Citroën BSA Automobiles à lui verser une provision au titre de la réparation de ses préjudices.

Le juge des référés de première instance ayant fait droit à cette demande par une ordonnance en date du 3 avril 2020, la société Citroën BSA Automobiles a interjeté appel devant la cour administrative d’appel de Nancy.

S’agissant d’abord de l’exception d’incompétence soulevée par l’appelante, la cour rappelle, en application des articles 1 et 2 du code des marchés publics alors en vigueur, que la commune de Saales est un pouvoir adjudicateur. De telle manière, le contrat de fournitures conclu par la commune de Saales avec la société Citroën BSA Automobiles en vue de l’acquisition d’un véhicule de type Berlingo pour les besoins du service communal d’eau potable est bien un marché public, dont le litige relatif à son exécution relève de la compétence du juge administratif.

S’agissant ensuite de l’exception de nullité du contrat alléguée par la société Citroën BSA Automobiles reposant sur la circonstance que la commune n’aurait pas respecté la procédure de passation applicable à un marché public de fournitures, les juges d’appel considèrent qu’un tel vice, si tant est qu’il aurait affecté les conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, ne saurait être regardé, du fait de l’exigence de loyauté des relations contractuelles, comme d’une gravité telle que le juge doive écarter le contrat et que le litige qui oppose les parties ne doive pas être tranché sur le terrain contractuel.

Ainsi, après avoir écarté ces deux moyens, la cour administrative d’appel de Nancy en vient à l’analyse de la demande de provision formée par la commune de Saales.

Aux visas des articles 1641, 1645 et 1648 du code civil formant la théorie des vices cachés, la cour rappelle non seulement que les règles prévues par ces dispositions sont applicables à un marché de fournitures, mais de surcroît que le délai institué par l’article 1648 du code civil pour exercer une action en garantie court à compter de la découverte du vice par l’acheteur.

Or, en l’espèce, la cour relève que si le véhicule objet du litige a été acquis par la commune en juin 2014, celle-ci n’a eu connaissance des vices affectant la boîte de vitesse qu’au mois de décembre 2017, lors du contrôle qu’elle a fait effectuer par la société Citroën BSA Automobiles, et des causes et de l’ampleur de ces vices qu’au mois d’avril 2018, lors de la remise du rapport d’expertise diligentée à la demande de son assureur.

Il est également relevé que la commune a introduit sa demande de provision le 4 janvier 2019 auprès du tribunal administratif de Strasbourg.

Dans ces conditions, la cour conclu que la société Citroën BSA Automobiles n’est pas fondée à soutenir que l’action en garantie des vices cachés envisagée par la commune, qui emporte une présomption irréfragable de connaissance par le vendeur professionnel du vice de la chose vendue, serait intentée hors du délai prescrit par l’article 1648 du code civil ou se heurterait à une clause contractuelle ayant prévu une garantie spécifique se substituant au régime légal de garantie, dont l’existence n’est d’ailleurs pas formellement démontrée.

En l’occurrence, le véhicule acquis par la commune, qui a subi une transformation en 4×4 réalisée par la société Dangel sous l’égide de la société Citroën BSA Automobiles, est affecté d’un vice tenant à des désordres internes de la boite de vitesse empêchant le passage du second rapport, dont l’origine ne peut être liée à une mauvaise utilisation du véhicule par l’acquéreur ou à un défaut d’entretien. En effet, ce vice était inconnu de l’acheteur, non professionnel, lors de la conclusion de la vente, et ne pouvait être décelé par celui-ci.

Dès lors, remplissant les conditions d’engagement de la garantie par l’acheteur de vices cachés de la chose vendue, la commune de Saales est fondée à solliciter le versement d’une provision au titre de l’indemnisation des préjudices subis.

Enfin, un dernier moyen est soulevé par la société Citroën BSA Automobiles, portant sur l’appel en garantie formé à l’encontre de la société Dangel, qui a procédé à la transformation du véhicule en 4×4. La cour constate que la commune a passé directement commande auprès de la société Citroën BSA Automobiles, sans avoir contracté avec la société Dangel. Ainsi, il ne revenait pas à la commune de se retourner contre la société Dangel.

Les juges d’appel précisent, pour finir, que les conclusions de la société Citroën BSA Automobiles tendant à être garantie des condamnations prononcées à son encontre par la société Dangel ne relèvent pas de la compétence de la juridiction administrative, dès lors que ces deux entreprises sont liées par un contrat de droit privé.

CAA Nancy, 5 août 2020, Société Citroën BSA Automobiles, req. n° 20NC00939

 

25 août 2020 - Rappel des effets de la réception de travaux dans les relations entre le maître d’ouvrage et l’entrepreneur

La Cour administrative d’appel de Lyon est récemment venue faire une application classique de la règle selon laquelle le prononcé de la réception définitive et sans réserve de travaux empêche le maître d’ouvrage de rechercher postérieurement la responsabilité contractuelle de l’entrepreneur.

Dans cette espèce, la Commune B. avait confié, le 21 mai 2014, à la société E.P la réalisation de travaux d’édification d’un muret de soutènement. Toutefois, le 3 juin 2014, un arc électrique s’est produit après qu’un câble enterré d’une ligne à haute tension ait été détérioré par un engin de chantier utilisé par la société E.P dans le cadre des travaux d’édification du muret.

Par un courrier daté du 16 juin 2015, la commune B. a constaté le dépérissement de plusieurs platanes à proximité des travaux effectués par la société E.P et a informé cette dernière que ce dommage pourrait être consécutif à l’arc électrique causé par la détérioration du câble à haute tension lors des travaux.

Dans ce contexte, la Commune B a décidé de saisir le Tribunal administratif de Lyon sur le fondement de la responsabilité contractuelle de la société E.P en raison des préjudices subies par celle-ci à la suite de ce phénomène.

Les juges de première instance ont toutefois rejeté sa demande, de sorte que la commune a décidé d’interjeter appel de cette décision.

Saisie de ce litige, la Cour administrative d’appel de Lyon rappelle, tout d’abord, le principe fermement établi selon lequel « la réception est l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserve. Elle met fin aux rapports contractuels entre le maître de l’ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l’ouvrage. En l’absence de stipulations particulières prévues par les documents contractuels, lorsque la réception est prononcée avec réserves, les rapports contractuels entre le maître de l’ouvrage et les constructeurs ne se poursuivent qu’au titre des travaux ou des parties de l’ouvrage ayant fait l’objet des réserves et tant que celles-ci ne sont pas levées »

En l’occurrence, il résulte de l’instruction qu’à la date du courrier susvisé, la commune B. avait pris possession de l’ouvrage résultant des travaux effectués par la société E.P et avait réglé l’intégralité du solde du marché à l’entreprise le 4 juillet 2014.

La Cour administrative d’appel de Lyon relève ainsi qu’à la date de paiement de l’intégralité du solde du marché, la commune n’avait émis aucune réserve « alors même qu’elle avait connaissance de la détérioration du câble de ligne à haute tension survenue le 3 juin 2014 ».

La Cour administrative d’appel de Lyon considère ainsi qu’à la date du 4 juillet 2014, la commune intention des parties avait été de procéder à la réception définitive des travaux, celle-ci devant être regardée comme acquise sans réserve.

Cette réception des travaux a eu pour conséquence de mettre fin à l’ensemble des rapports contractuels nés du marché passé entre la commune et la société E.P, et ce même quand bien même les désordres en cause n’étaient, à la date de cette réception, ni apparents, ni connus des parties.

Par conséquent, la demande de la commune sur le fondement de la responsabilité contractuelle tendant à ce que la société E.P soit condamnée à lui verser une indemnité en réparation du préjudice subie était vouée, ce dommage s’étant produit après la réception définitive et sans réserve des travaux.

La requête de la commune est donc rejetée.

CAA Lyon, 25 août 2020, Commune B., req. n°19LY00297

 

Droit des transports publics

26 août 2020 - Tarif d’accès du parking du Mont-Saint-Michel : l’Autorité de régulation des transports enjoint à l’exploitant du parking de revoir ses tarifs à la baisse et apporte des précisions s’agissant des modalités d’application dans le temps de ses décisions de règlement de différend

Parmi ses attributions, l’Autorité de régulation des transports (ART) est notamment chargée de la régulation des aménagements de transport routier, et doit veiller au respect des principes fixés aux articles L. 3114-5 à L. 3114-7 du code des transports. Les exploitants d’aménagements routiers sont astreints, à ce titre, à tenir une comptabilité propre à cette exploitation et à définir des règles d’accès aux équipements régulés, portant notamment sur leurs tarifs d’utilisation. En vertu de l’article L. 3114-12 du code des transports l’ART a précisé, par décision motivée du 4 octobre 2017, les règles relatives aux tarifs et à la comptabilité propre à ces aménagements.

L’ART peut être saisie d’une demande de règlement de différend notamment par toute entreprise ayant vocation à utiliser ces infrastructures, qui estimerait que les règles d’accès, y compris tarifaires, définies par l’exploitant ne respectent pas les règles fixées par le code des transports ou par l’ART.

En l’espèce, saisie d’une demande de règlement de différend par la société FlixBus France, entreprise de transport public routier de personnes, tendant à la modification, y compris pour le passé, des tarifs appliqués par l’exploitant du parc de stationnement du Mont-Saint-Michel pour l’accès au parking P7 de ce parc, l’Autorité de régulation des transports (ART) a enjoint, par décision rendue le 16 juillet 2020, à cet exploitant de modifier, uniquement pour l’avenir, les tarifs considérés.

Le parking P7 est celui destiné à accueillir les autocars autres que ceux réalisant des services conventionnés organisés par les régions Normandie et Bretagne.

Pour conclure en ce sens, l’ART a d’abord écarté plusieurs fins de non-recevoir, considérant que :

  • l’autorité délégante de la gestion et de l’exploitation de cet aménagement – le syndicat mixte Baie du Mont-Saint-Michel – détenait bien une compétence en matière de création et d’exploitation d’un aménagement de transport routier ;
  • le parking P7 constituait bien un aménagement routier, dans la mesure où il est accessible au public et est bien destiné à faciliter la prise en charge ou la dépose de passagers de services réguliers de transport routier, au sens de l’article L. 3114-1 du code des transports, l’ART ayant notamment constaté, à la suite de mesures d’instruction, que les services librement organisés accèdent au parking P7 ;
  • le parking P7 constituait bien un aménagement régulé, dès lors qu’il avait fait l’objet d’une demande de desserte de la part d’un opérateur souhaitant exploiter un service librement organisé.

 

S’agissant du montant du tarif appliqué (compris entre 23 et 63 euros TTC, selon la durée du stationnement envisagé et la saison concernée), l’Autorité a tout d’abord constaté qu’il intégrait une quote-part des charges liées à l’exploitation des navettes de l’exploitant de l’aménagement et qu’il excédait donc le simple coût du service rendu majoré d’une rémunération des capitaux investis, méconnaissant ainsi les articles 20 et 22 de la décision adoptée par l’ART le 4 octobre 2017 relative aux règles d’accès aux aménagements routiers.

En l’absence de transmission de données comptables par l’autorité délégante ou par l’exploitant de l’aménagement concerné, permettant d’isoler les coûts du parking P7 des autres coûts supportés par l’exploitant, l’Autorité a procédé selon une méthodologie en trois étapes successives, soumise à la contradiction des parties, reposant sur i) l’établissement d’une liste d’aménagements de transport routier, ii) l’identification des facteurs expliquant le niveau des tarifs d’accès à ces aménagements et iii) l’estimation, en conséquence, du tarif d’accès à cet aménagement pour une durée de stationnement inférieure à 30 minutes.

Au titre de la première étape, l’ART a établi une analyse comparative des tarifs d’accès aux aménagements routiers, relevant que le tarif est compris entre 0,6 et 13 euros TTC et en moyenne légèrement supérieur à 5 euros TTC.

Elle relève, ensuite, que parmi les facteurs déterminants du niveau des tarifs appliqués, figurent principalement le niveau de qualité de service et la taille de l’aménagement, le trafic ne constituant en revanche pas un facteur pertinent.

Au regard des caractéristiques du parking P7 (grande taille, qualité de service élevée), l’ART conclut que le tarif d’accès pour une durée de stationnement de 30 minutes ne peut excéder la borne haute constatée pour des aménagements comparables, soit 11,44 euros TTC.

Ce faisant, contrainte de raisonner à l’aveugle sur le plan comptable, l’ART a procédé à une analyse comparative pour fixer un tarif maximal susceptible d’être appliqué, par analogie avec les tarifs pratiqués pour des aménagements comparables. Cette méthode permet, faute de mieux, de parvenir à une estimation vraisemblablement plus fidèle au principe de couverture du coût du service rendu que les tarifs pratiqués par l’exploitant, dont celui-ci n’a pas été en mesure de démontrer le bienfondé dans le cadre de la procédure.

S’agissant de l’effet temporel de sa décision, et à notre connaissance pour la première fois dans sa pratique décisionnelle, l’ART a précisé, après avoir rappelé qu’elle tient de l’article L. 1263-3 du code des transports le pouvoir d’appliquer rétroactivement la modification des règles d’accès à un aménagement routier lorsque cela est nécessaire pour régler pleinement le différend dont elle est saisie, que s’il apparaît « que le caractère rétroactif de la décision est de nature à emporter des effets manifestement excessifs en raison notamment des situations qui ont pu se constituer lorsque le tarif initial était en vigueur ou de l’intérêt général pouvant s’attacher à un maintien de ses effets, il appartient à l’Autorité de limiter ou d’encadrer les effets temporels de sa décision », s’inspirant manifestement des principes appliqués par le juge administratif en matière de modulation dans le temps des effets d’une annulation contentieuse (voir, notamment, CE Ass. 11 mai 2004, Association AC !, req. n° 255886).

En l’espèce, l’ART considère qu’une modification rétroactive du tarif d’accès au parking P7 risquerait d’enrichir indûment les entreprises de transport public routier utilisatrices du parking, dans la mesure où elles ne sont pas en situation d’identifier le nombre de clients qu’il conviendrait de rembourser à la suite de la modification des tarifs appliqués pour le passé.

L’ART enjoint donc, en conclusion, à l’exploitant du parking P7 de modifier dans un délai de 15 jours suivant la notification de la décision le tarif d’accès au parking, pour le fixer à un montant maximal de 11,44 euros TTC pour une durée de stationnement de 30 minutes.

Autorité de régulation des transports Décision n° 2020-042 du 16 juillet 2020 portant règlement du différend entre la société FlixBus France et la société Transdev Mont-Saint-Michel relatif au tarif d’accès du parking P7 du Mont-Saint-Michel