21 septembre 2020 - Le voisin immédiat d’un immeuble soumis au régime de la copropriété n’est pas fondé à engager la responsabilité du syndicat des copropriétaires lorsque les travaux objets du litige ont été réalisés dans les parties privatives
Des travaux, consistant notamment en l’implantation de fenêtres, ont été réalisés sur un immeuble soumis au statut de la copropriété, lequel jouxte la maison d’habitation de Mme Y.
Considérant que les fenêtres percées dans le mur en limite de propriété créaient des vues droites sur son terrain et que les tablettes des fenêtres débordaient sur sa propriété, Mme Y a assigné le syndicat des copropriétaires aux fins de voir ces vues et tablettes supprimées d’une part, et de voir son préjudice indemnisé d’autre part.
Les prétentions de Mme Y ont été rejetées par la cour d’appel de Dijon, par un arrêt rendu le 27 novembre 2018. Les juges d’appel ont notamment jugé que la demande de Mme Y, dirigée à l’encontre du syndicat des copropriétaires, était irrecevable, dans la mesure où les fenêtres et les tablettes ne constituent pas des parties communes, mais des parties privatives en application du règlement de copropriété.
Visiblement insatisfaite de cette décision, Mme Y s’est pourvue en cassation.
Elle reproche premièrement à l’arrêt d’avoir déclaré irrecevable sa demande en suppression des vues et tablettes, alors que le syndicat des copropriétaires, qui a pour fonction la conservation de l’immeuble et l’administration des parties communes, a qualité pour agir en vue de la sauvegarde des droits y afférents. Mme Y soutient ainsi que les articles 14 et 15 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ont été méconnus.
Néanmoins, la Cour de cassation fait valoir que si les travaux litigieux ont porté sur les murs de façades et la toiture, qui sont effectivement des parties communes, l’article 1er du règlement de propriété précise que les fenêtres et lucarnes éclairant des parties divises sont des parties privatives. Ainsi, si les ornements de façades étaient communs aux copropriétaires, ce n’étaient pas le cas des balustrades des balcons et balconnets, des persiennes, des fenêtres, des volets et accessoires.
Dès lors, en ayant déduit que les fenêtres percées dans le mur de façade, la fenêtre de toit installée en toiture et les tablettes constituaient des parties privatives, la cour d’appel a jugé à bon droit que l’action de Mme Y ne pouvait valablement être dirigée contre le syndicat des copropriétaires.
Ce premier moyen est donc rejeté par la Cour de cassation.
Secondement, sur le fondement de l’article 1240 du code civil, Mme Y reproche à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré irrecevable sa demande en réparation du préjudice résultant des vues droites et jours illicites, en ce que le syndicat des copropriétaires aurait commis une faute en autorisant le percement de fenêtres et jours illicites dans les parties communes de l’immeuble.
La troisième chambre civile relève cependant que, dans ses précédentes écritures, Mme Y n’avait jamais soutenu que le syndicat des copropriétaires avait commis une faute. S’agissant donc d’un moyen nouveau, il est rejeté pour irrecevabilité sans développement supplémentaire.
En définitive, la Cour de cassation confirme l’appréciation de la cour d’appel et rejette le pourvoi formé par Mme Y.
Cass., 3e civ., 10 septembre 2020, n° 19-13373
25 septembre 2020 - Modification de l’arrêté du 24 décembre 2015 relatif à l’accessibilité aux personnes handicapées des bâtiments d’habitation collectifs et des maisons individuelles lors de leur construction
Le 17 septembre dernier, est paru au Journal Officiel de la République Française l’arrêté du 11 septembre 2020 qui a modifié l’arrêté du 24 décembre 2015 relatif à l’accessibilité aux personnes handicapées des bâtiments d’habitation collectifs et des maisons individuelles lors de leur construction.
Les nouvelles dispositions prévues par l’arrêté du 11 septembre 2020 portent sur l’accessibilité des douches.
A cet égard, l’arrêté du 11 septembre 2020 modifie l’article 15 de l’arrêté du 24 décembre 2015, relatif à l’adaptabilité de la salle d’eau, dont les dispositions prévoient désormais ce qui suit :
« I.-Usages attendus :
« Dans les logements situés en rez-de-chaussée ou en étages desservis par ascenseur, au moins une salle d’eau, située au niveau d’accès du logement, est équipée d’une zone de douche accessible dont l’accès se fait sans ressaut ou d’une baignoire.
« En cas d’installation d’une baignoire, l’aménagement ultérieur de cette zone de douche est possible sans interventions sur le gros œuvre.
« II.-Caractéristiques minimales :
« Pour répondre aux exigences décrites au précédent I, une zone de douche accessible correspond à un volume d’une surface rectangulaire de dimensions minimales 0,90 m × 1,20 m et d’une hauteur minimale de 1,80 m. Cette zone est accessible sans ressaut par un espace d’usage parallèle, situé au droit de son côté le plus grand.
« Lorsque la zone de douche accessible n’est pas installée dès l’origine, son aménagement ultérieur est possible sans modification du volume de la salle d’eau à l’exception de l’éventuelle réintégration des cabinets d’aisance tel que décrit au 1 du II de l’article 13 ».
Ainsi, dans les logements accessibles, évolutifs et les maisons individuelles – à l’exception de celles construites pour le propre usage du propriétaire –, la zone de douche accessible se fait sans ressaut.
Au surplus, la rédaction de l’annexe 2 de l’arrêté du 24 décembre 2015 est également modifiée, par l’ajout du dernier alinéa :
« Les personnes concernées par le handicap moteur (personnes en fauteuil roulant ou personnes avec des cannes) ont besoin d’espaces libres de tout obstacle pour trois raisons principales :
Ces espaces doivent être horizontaux au dévers près (2 %).
En outre, lorsque la zone de douche accessible est aménagée dès la livraison du logement, l’espace de manœuvre avec possibilité de demi-tour peut se superposer à cette zone ».
A noter que ces nouvelles dispositions ont vocation à s’appliquer :
2 septembre 2020 - Une vente de biens relevant du domaine public entre deux personnes publiques peut être parfaite par la seule délibération d’un conseil municipal lorsque les parties se sont clairement entendues sur l'objet de la vente et le prix de la transaction et qu’elle n’est pas conditionnée
Le Conseil d’Etat, dans sa décision Syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM) de la région de Chevreuse du 29 juillet 2020, vient préciser qu’une vente de biens relevant du domaine public entre deux personnes publiques peut être parfaite par la seule délibération d’un conseil municipal lorsque les parties se sont clairement entendues sur l’objet de la vente et le prix de la transaction et qu’elle n’est pas conditionnée. :
« la délibération du conseil municipal d’une commune autorisant, décidant ou approuvant le transfert de propriété de biens immobiliers relevant de son domaine public au profit d’une autre personne publique, dans les conditions mentionnées à l’article L. 3112-1 du code général de la propriété des personnes publiques, constitue un acte créateur de droits dès lors que les parties ont marqué leur accord sur l’objet et les conditions financières de l’opération et que la réalisation du transfert de propriété n’est soumise à aucune condition ».
Il avait déjà eu l’occasion d’affirmer ce principe à propos des biens relevant du domaine privé dans une décision SARL Bowling du Hainaut (CE, 15 mars 2017, SARL Bowling du Hainaut, req. n° 393407 et CE, 8 janvier 1982, Epoux X, req. n° 21510).
En effet, une délibération autorisant la vente de biens pour un prix donné, sans subordonner celle-ci à une quelconque condition, ne peut être retirée par les parties lorsqu’elles se sont clairement entendues sur l’objet de la vente et le prix de la transaction. La vente est ainsi parfaite, au sens de l’article 1583 du code civil et la délibération n’a alors pour seul effet que de transférer la propriété des biens.
A ce titre et comme le relève le juge de cassation, il n’était pas nécessaire au cas d’espèce qu’un acte en la forme administrative ou un acte notarié entérine la cession amiable de biens du domaine public entre personnes publiques. Il censure ainsi l’argumentation retenue en ce sens par la cour administrative d’appel pour erreur de droit.
CE, 29 juillet 2020, SIVOM de la région de Chevreuse, req. n° 427738.
11 septembre 2020 - Une condition de paiement du forfait de post-stationnement préalable à toute contestation jugée inconstitutionnelle par le Conseil constitutionnel
Dans le cadre de cette affaire, le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de se prononcer sur la constitutionnalité de l’article L. 2333-87-5 du code général des collectivités territoriales (ci-après, « CGCT »), dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2015-401 du 9 avril 2015, subordonnant la recevabilité du recours permettant la contestation du forfait de post-stationnement (forfait qui remplace l’amende de 17 € en cas de stationnement non payé ou insuffisamment réglé) et de sa majoration devant la commission du contentieux du stationnement payant à son paiement préalable :
« La recevabilité du recours contentieux contre la décision rendue à l’issue du recours administratif préalable obligatoire et contre le titre exécutoire émis est subordonnée au paiement préalable du montant de l’avis de paiement du forfait de post-stationnement et de la majoration prévue au IV de l’article L. 2333-87 si un titre exécutoire a été émis ».
Il résultait de ces dispositions, selon la requérante, une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif.
Le Conseil constitutionnel saisi sur ce point le 11 juin 2020 par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité (ci-après, « QPC ») considère que, au regard de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ces dispositions doivent être déclarées contraires à la Constitution dans la mesure où aucun recours préalable au paiement du forfait post-stationnement et de sa majoration n’était envisagée par les textes en vigueur :
«6. En imposant ainsi que le forfait et la majoration soient acquittés avant de pouvoir les contester devant le juge, le législateur a entendu, dans un but de bonne administration de la justice, prévenir les recours dilatoires dans un contentieux exclusivement pécuniaire susceptible de concerner un très grand nombre de personnes.
Le Conseil constitutionnel précise enfin que cette déclaration d’inconstitutionnalité est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à la date de ce jour.
Décision n° 2020-855 QPC du 9 septembre 2020.
7 septembre 2020 - Un fonctionnaire territorial victime d’un accident de service doit être placé en congé maladie lorsque les troubles de santé affectant sa situation présentent un lien direct et certain avec ledit accident, et ce quand bien même ce lien ne serait pas exclusif
A la faveur d’un arrêt rendu le 25 août dernier, la Cour administrative d’appel de Lyon est revenue sur le régime juridique applicable à un agent victime d’un accident imputable au service.
En l’espèce, alors qu’elle était affectée à des fonctions d’auxiliaire de vie au sein d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes de la commune de Chaponost, Mme A, agent social de première classe, a été victime d’un accident en soulevant une personne âgée, le 15 juin 2012.
Consécutivement à cet accident, Mme A a été placée en arrêt de travail, d’abord jusqu’à début août 2012, puis à compter du 19 septembre 2012 suivant, sans qu’elle n’ait jamais pu reprendre le travail depuis cette date.
Tant l’accident que la rechute subie au mois de septembre 2012 ont été reconnus imputables au service.
Et, du fait que Mme A n’était plus apte à la reprise de ses fonctions et qu’aucun reclassement n’avait pu être effectué, la commune de Chaponost a décidé, par arrêté du 5 juin 2015, de la placer en congé de maladie ordinaire à plein traitement du 5 novembre 2014 au 2 février 2015, puis à demi-traitement du 3 février au 21 avril 2015.
Visiblement insatisfaite de sa situation, Mme A a déféré l’arrêté du 5 juin 2015 à la censure du tribunal administratif de Lyon. Ce dernier a annulé la décision querellée et a enjoint au maire de la commune de Chaponost de placer Mme A en congé de maladie pour accident de service, et ce dans les deux mois de la notification du jugement.
La commune de Chaponost a interjeté appel de ce jugement.
Ainsi saisie de ce litige, la Cour administrative d’appel de Lyon rappelle, en application du 2° de l’article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction alors en vigueur, qu’en cas de maladie le mettant en impossibilité d’exercer ses fonctions, le fonctionnaire en activité a droit à des congés lors desquels il conserve l’intégralité de son traitement jusqu’à ce qu’il soit en état de reprendre son service, ou jusqu’à la mise à la retraite, dès lors que cette maladie provient d’un accident survenu dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions.
Les juges d’appel précisent, en outre, que le bénéfice de congé maladie est subordonné à l’existence de troubles présentant un lien direct et certain, mais non nécessairement exclusif, avec l’accident de service, étant indiqué que l’existence d’un état antérieur, qu’il soit évolutif, ne permet d’écarter l’imputabilité au service de l’affection d’un agent que lorsqu’il apparaît que cet état antérieur détermine, à lui seul, l’incapacité professionnelle de l’intéressé.
Or, en l’occurrence, s’il est vrai que l’affection de Mme A est le résultat d’une évolution d’un état antérieur, elle provient également de l’accident de service dont elle a été victime, qui en a d’ailleurs provoqué l’aggravation.
Pour corroborer sa démonstration, la Cour s’appuie sur les deux rapports d’expertise versés au débat qui font tous deux état d’une aggravation du taux d’incapacité permanente partielle de Mme A consécutivement à son accident.
Partant, la Cour administrative d’appel de Lyon considère que le tribunal administratif de Lyon n’a commis aucune erreur en retenant que les troubles de santé de Mme A justifiant son maintien en arrêt maladie étaient en lien direct et certain, quoique non exclusif, avec son accident de service.
En conséquence, la commune de Chaponost aurait dû placer Mme A en congé de maladie pour accident de service. Son appel est donc rejeté.
CAA Lyon, 25 août 2020, Commune de Chaponost, req. n° 18LY01870
18 septembre 2020 - Le fait que le marché public soit défini comme un « contrat à titre onéreux » ne constitue pas une base légale permettant de rejeter une offre dont le prix est de zéro euro
Dans cette espèce, un Ministère slovène a publié un avis de marché, découpé en deux lots, pour la passation d’un marché public portant sur l’accès à un système informatique juridique pour une durée de 24 mois. La valeur estimée de ce marché avait été déterminée à hauteur de 39 959,01 euros par l’acheteur.
La société T. a remis une offre pour le premier lot en proposant toutefois un prix de zéro euro.
Par une décision en date du 11 janvier 2019, le Ministère a informé la société T. du rejet de son offre au motif que le prix final de son offre est de zéro euro, ce qui, selon l’acheteur, était contraire aux règles des marchés publics.
La société T. a saisi le Ministère d’une demande de révision de sa décision portant rejet de son offre. Le Ministère a toutefois rejeté sa demande tout en renvoyant l’affaire devant la juridiction de renvoi compétente.
La juridiction saisie dudit litige a décidé de surseoir à statuer et de poser plusieurs questions préjudicielles à la CJUE.
Une des questions préjudicielles posée à la CJUE était de savoir d’interpréter l’article 2, paragraphe 1, point 5, de la directive 2014/24 en ce sens qu’il constitue une base légale de rejet d’une offre à un prix de zéro euro.
On rappellera en effet que l’article en question définit la notion de marché public comme un « contrat écrit conclu à titre onéreux entre un ou plusieurs opérateurs économiques et un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs et ayant pour objet l’exécution de travaux, la fourniture de produits ou la prestation de services ».
A l’appui de son raisonnement, la CJUE relève notamment que « l’article 2, paragraphe 1, point 5, de la directive 2014/24 ne saurait constituer une base juridique susceptible de fonder le rejet d’une offre proposant un prix de zéro euro. Dès lors, cette disposition ne permet pas d’écarter automatiquement une offre soumise dans le cadre d’un marché public, telle qu’une offre au prix de zéro euro, par laquelle un opérateur propose de fournir au pouvoir adjudicateur les travaux, les fournitures ou les services que celui‑ci souhaite acquérir sans demander de contrepartie ».
Plus encore, la CJUE souligne que, dans une telle hypothèse, et dans la mesure où une offre au prix de zéro euro pourrait être qualifiée d’offre anormalement basse, il incombe à l’acheteur de mettre en œuvre les la procédure prévue par l’article 69 de la directive 2014/24 et qui tend à détecter l’existence d’une potentielle offre anormalement basse.
La CJUE retient en effet qu’en application des dispositions de l’article 69 de la de la directive 2014/24, l’acheteur ne pourra automatiquement rejeter une offre au seul motif que son prix est de zéro euros sans avoir a minima obtenu des explications de la part de l’opérateur économique.
Partant, à la question de savoir si la notion même de marché public, telle que définie par la directive 2014/24, permet de rejeter directement une offre financière à hauteur de zéro euro, la Cour répond ainsi que l’article 2 paragraphe 1er « doit être interprété en ce sens qu’il ne constitue pas une base légale de rejet de l’offre d’un soumissionnaire dans le cadre d’une procédure de passation de marché public, au seul motif que le prix proposé dans l’offre est de zéro euro ».
CJUE, 10 septembre 2020, Tax-Fin-Lex d.o.o., C-367/19
30 septembre 2020 - Un contrat passé par une commune à titre onéreux avec un opérateur économique en vue de répondre à ses besoins en matière de services de télécommunications est un marché public et relève, au regard de ses caractéristiques, de la compétence de la juridiction administrative
Dans le cadre de cette affaire, le Conseil d’Etat a eu l’occasion de se prononcer sur la qualification d’un contrat passé par une commune à titre onéreux avec un opérateur économique en vue de répondre à ses besoins en matière de services de télécommunications.
Les faits ayant conduit à cette jurisprudence sont pour le moins fortuits. A la suite de l’arrachage d’un poteau soutenant une ligne aérienne de télécommunications alimentant la commune de Belvezet, celle-ci, dépourvue de ces services essentiels, a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes afin qu’il soit enjoint à la société Orange, titulaire du contrat de fourniture des services téléphoniques et internet, de prendre « toute mesure nécessaire pour rétablir les télécommunications sur son territoire ».
Celui-ci a alors fait droit à cette demande par une ordonnance du 27 juin 2019 contre laquelle la société Orange s’est pourvue en cassation (vraisemblablement en qu’elle considérait que le litige relevait du juge judiciaire, notamment en application de la jurisprudence traditionnelle en matière d’usagers de services publics industriels et commerciaux – voir par exemple : TC, 17 décembre 1962, Dame Bertrand : Rec. CE, p. 831. – CE, 13 octobre 1961, Société des Établissements Campagnon-Rey : Rec. CE, p. 567).
Le Conseil d’Etat estime pourtant que le litige relève bien de la juridiction administrative puisque ce contrat constitue un marché public et présente, par suite, eu égard à ses caractéristiques, le caractère d’un contrat administratif en vertu de la loi :
« Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le litige engagé par la commune porte sur l’exécution d’un contrat passé à titre onéreux par la commune avec un opérateur économique, en vue de répondre à ses besoins en matière de services de télécommunications. Ce contrat constitue ainsi un marché public et présente, par suite, eu égard à ses caractéristiques, le caractère d’un contrat administratif en vertu de la loi. Il s’ensuit que le juge des référés n’a pas commis d’erreur de droit en retenant que le litige, relatif à l’exécution de ce contrat, relevait de la compétence de la juridiction administrative.».
Toutefois, au cas d’espèce, les travaux de réparation de la ligne, qui avaient été engagés et réalisés par la société Orange indépendamment de l’ordonnance attaquée, étaient achevés au moment de l’instance. Aussi, les conclusions de la société Orange dirigées contre cette ordonnance sont-elles devenues sans objet et il n’y avait, dès lors, plus lieu d’y statuer.
CE, 25 septembre 2020, Commune de Belvezet, req. n° 432727.
11 septembre 2020 - Nouvelles précisions concernant les comités de concertation : l’arrêté du 24 août 2020 relatif aux comités de concertation pour la gestion des gares ferroviaires de voyageurs publié au JOFR du 5 septembre 2020 est venu préciser, notamment, que les gares d’intérêt national, dont la fréquentation annuelle est supérieure à sept millions de voyageurs à la date du 5 septembre 2020, sont suivies par un comité de concertation particulier. La gestion des autres grandes gares ou ensembles pertinents de gares de voyageurs dont la fréquentation est inférieure à sept millions de voyageurs font, quant à elle, l’objet d’un suivi par les comités de concertation régionaux
Lors des travaux parlementaires relatifs au projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable avait, afin de renforcer l’association des collectivités territoriales au pilotage des activités des gares de voyageurs, adopté un amendement tendant à créer pour chaque grande gare ou ensemble de gares, des comités de concertation associés à la gouvernance des gares, et consultés sur les projets d’aménagements, les services en gare, l’intermodalité ou encore l’information des voyageurs. En effet, il était alors précisé que « Ces comités auront vocation à se subsister aux instances régionales de concertation (IRC) actuelles, en élargissant leur composition, afin d’y associer non seulement les autorités organisatrices de transport, mais aussi les autres collectivités concernées, et en particulier les intercommunalités.».
C’est dans ce contexte que la loi n° 2018-515 du 27 juin 2018 a inséré dans le code des transports un nouvel article L. 2111-9-3 aux termes duquel :
« La gestion des grandes gares ou ensembles pertinents de gares de voyageurs est suivie par un comité de concertation. Ce comité est notamment composé de représentants du gestionnaire des gares, des autorités organisatrices de transport concernées, des autorités organisatrices de la mobilité et des autres collectivités territoriales concernées, des entreprises de transport ferroviaire et des usagers. Il est notamment consulté sur les projets d’investissement dans et autour de la gare, les services en gare, la coordination des offres et la multimodalité, l’information des voyageurs, la qualité de service et, de façon générale, sur toute question relative aux prestations rendues dans la gare […] »
Depuis la parution du décret n° 2019-728 du 11 juillet 2019 relatif aux comités de concertation pour la gestion des gares ferroviaires de voyageurs nous savons, notamment, que :
L’arrêté du 24 août 2020 portant application de l’article 1er du décret n° 2019-728 précité est venu préciser que :
Par ailleurs, l’arrêté du 24 août 2020 est venu préciser que : « Les gares d’intérêt national au sens de l’article 13-1 du décret n° 2003-194 du 7 mars 2003 relatif à l’utilisation du réseau ferroviaire, dont la fréquentation est supérieure à sept millions de voyageurs à la date de publication de l’arrêté, réévaluée tous les 6 ans, sont suivies par un comité de concertation particulier. ». Il en résulte, a contrario, que la gestion des grandes gares ou ensembles pertinents de gares de voyageurs dont la fréquentation est inférieure à sept millions de voyageurs sont suivies, quant à elle, par les comités de concertation régionaux.
4 septembre 2020 - Pas de dispositif de remboursement des frais de mise en fourrière des propriétaires n'ayant pas pu récupérer leurs véhicules gardés dans des fourrières, relevant de la compétence de l'État, durant le confinement
A la faveur d’une question écrite du 9 juin 2020, Monsieur le Député Bruno Fuchs a exposé les difficultés rencontrées par les propriétaires de véhicules placés en fourrière avant les mesures de confinement quant aux frais de gardiennage qui leurs sont demandés.
Celui-ci souligne en effet que les propriétaires qui ont vu leur véhicule mis en fourrière avant les mesures de confinement strict du 17 mars 2020, sont aujourd’hui contraints de payer des frais de gardiennage pour l’ensemble de la période de confinement.
Monsieur le Députe expose en outre qu’aucune exception à l’article R. 325-29 du code de la route qui prévoit, notamment, la règle selon laquelle le propriétaire d’un véhicule est tenu de rembourser les frais afférents à la mise en fourrière de celui-ci, n’aurait été consentie par les fourrières.
Dans ce contexte, Monsieur le Député interroge Monsieur le Ministre de l’intérieur afin de savoir si d’éventuelle disposition réglementaire, permettant de limiter les frais de gardiennage en fourrière correspondant à la période de confinement du 17 mars au 11 mai 2020, seront pris en compte.
Pour répondre à cette question, Monsieur le Ministre de l’intérieur rappelle tout d’abord que l’activité de fourrière en automobile constitue un service public local facultatif relevant de la responsabilité des collectivités territoriales ou de leur groupement, ou à défaut, de l’État par substitution.
Le Ministre de l’Intérieur rappelle en outre que la mise en fourrière a pour objet de sanctionner de nombreuses infractions aux règles de la circulation et du stationnement et permet, en autres, de préserver la sécurité des usagers de la route, ainsi que la tranquillité, l’esthétique ou l’hygiène publique.
Aussi, s’agissant de la période de confinement, le Ministre de l’intérieur rappelle que le Gouvernement à veiller à assurer « la continuité de l’activité de ces services publics locaux et à autoriser les propriétaires de véhicules placés en fourrière à se déplacer pour les récupérer dès lors qu’ils étaient en possession d’une attestation de déplacement dérogatoire établissant la nécessité de posséder ledit véhicule pour satisfaire des déplacements essentiels (du domicile au lieu de travail, pour effectuer des achats de première nécessité, pour motif de santé ou pour motif familial impérieux, etc.) ».
Celui-ci allant, en outre, jusqu’à énoncer que les forces de sécurité avaient été informées de ces dispositions dès le début de la période de confinement.
Partant, compte-tenu de ce qui précède, le Ministre de l’intérieur précise qu’il n’est pas prévu de mettre en place un dispositif général de remboursement des frais de fourrière à destination des propriétaires n’ayant pu récupérer leurs véhicules gardés dans des fourrières relevant de la compétence de l’État.
Le Ministre de l’Intérieur précise néanmoins qu’il revient à chaque autorité publique qui aurait décidé toutefois de la fermeture de leurs services durant la période de confinement de proposer des dispositifs de nature à faciliter la récupération des véhicules placés en fourrière et d’exonérer, le cas échéant, les propriétaires des véhicules des frais de garde.
Rép. Min. à Q.E. n°30142, JO du 1er septembre 2020, page 5799
9 septembre 2020 - Dans une circulaire du 7 septembre 2020, le garde des sceaux, ministre de la justice a invité les procureurs généraux et procureurs de la République à « retenir la qualification d’outrage sur personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public plutôt que celle d’injures » en cas d’insultes dirigées à l’encontre d’un maire, mais également de renforcer le suivi judiciaire des auteurs d’infractions commises à l’encontre des élus locaux
Pour mémoire, le 2 septembre 2020, les associations nationales d’élus avaient été invitées par le Premier ministre afin d’échanger sur les solutions pouvant être apportées afin de lutter contre le niveau « très élevé » des agressions dirigées à l’encontre d’élus.
Et de fait, du 1er janvier 2019 au 7 septembre 2020, le ministère de la justice a recensé 263 affaires d’atteintes aux élus, lesquelles ont été signalisées à la Direction des affaires criminelles et des grâces par les parquets généraux.
C’est donc à la suite de cette réunion que le garde des sceaux, ministre de la justice a diffusé la circulaire n° NOR JUSD2023661 C du 7 septembre 2020 par laquelle ce dernier a invité les procureurs généraux et procureurs de la République à « retenir la qualification d’outrage sur personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public plutôt que celle d’injures » de sorte qu’aux termes de l’article 433-5 du code pénal :
En outre et de la même façon, le garde des sceaux, ministre de la justice a invité les membres du parquet a apporté « une réponse pénale systématique et rapide » et d’éviter « les simples rappels à la loi » tout en privilégiant « le déferrement, notamment en cas de réitération de comportements qui pourraient apparaître, pris isolément, de faible intensité ».
Par ailleurs, concernant plus précisément l’accueil réservé au maire victimes d’une infraction, le garde des sceaux, ministre de la justice a précisé qu’il « importe que les élus victimes reçoivent un accueil personnalisé avec un rendez-vous programmé et adapté aux contraintes liées à leurs fonctions électives »
16 septembre 2020 - Précisions sur les considérations juridiques et factuelles permettant d’apprécier le caractère proportionné des mesures de police imposant le port du masque sur certains territoires
Le juge de référés du Conseil d’Etat, par deux ordonnances du 6 septembre 2020, est venu préciser les considérations tant juridiques que factuelles qui permettent d’apprécier le caractère proportionné ou non des mesures de police adoptées pour imposer de manière général le port du masque à toute personne d’au moins onze ans sur le territoire des communes sur la voie publique ou dans les lieux ouverts au public :
Il commence par rappeler qu’en vertu du I de l’article 1er de la loi du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire, du 11 juillet 2020 au 30 octobre 2020 inclus, le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, réglementer la circulation des personnes jusqu’au 30 octobre 2020 et, en vertu du deuxième alinéa du II du même article, lorsque cette réglementation se situe dans un champ géographique qui n’excède pas le territoire d’un département, ce dernier peut habiliter le représentant de l’État dans le département à prendre lui-même des mesures relatives à la circulation des personnes, après avis, rendu public, du directeur général de l’agence régionale de santé. Ces mesures doivent cependant toujours être, en vertu du III de cet article, « strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu » et peuvent faire l’objet d’un référé devant le juge administratif.
Il relève ensuite les recommandations des autorités sanitaires de porter systématiquement un masque en plein air lors de la présence d’une forte densité de personnes ou lorsque le respect de la distance physique ne peut être garantie, par exemple en cas de rassemblement, regroupement, file d’attente, ou dans les lieux de forte circulation.
Il ajoute que le caractère strictement proportionné des mesures de police adoptées s’analyse au regard des considérations suivantes :
« Le caractère proportionné d’une mesure de police s’apprécie nécessairement en tenant compte de ses conséquences pour les personnes concernées et de son caractère approprié pour atteindre le but d’intérêt général poursuivi. Sa simplicité et sa lisibilité, nécessaires à sa bonne connaissance et à sa correcte application par les personnes auxquelles elle s’adresse, sont un élément de son effectivité qui doivent, à ce titre, être prises en considération.».
Et il conclut qu’ « il en résulte que le préfet, lorsqu’il détermine les lieux dans lesquels il rend obligatoire le port du masque, est en droit de délimiter des zones suffisamment larges pour englober de façon cohérente les points du territoire caractérisés par une forte densité de personnes ou une difficulté à assurer le respect de la distance physique, de sorte que les personnes qui s’y rendent puissent avoir aisément connaissance de la règle applicable et ne soient pas incitées à enlever puis remettre leur masque à plusieurs reprises au cours d’une même sortie. Il peut, de même, définir les horaires d’application de cette règle de façon uniforme dans l’ensemble d’une même commune, voire d’un même département, en considération des risques encourus dans les différentes zones couvertes par la mesure qu’il adopte. Il doit, toutefois, tenir compte de la contrainte que représente, même si elle reste mesurée, le port d’un masque par les habitants des communes concernées, qui doivent également respecter cette obligation dans les transports en commun et, le plus souvent, dans leur établissement scolaire ou universitaire ou sur leur lieu de travail ».
Compte tenu de ces éléments, le juge des référés du Conseil d’Etat considère, dans les deux cas d’espèces qu’il n’y avait aucune atteinte manifestement illégale à une liberté fondamentale en n’excluant pas de l’obligation de port du masque certaines périodes horaires notamment la période nocturne dans la mesure où elle aurait un intérêt très limité.
Il conclut également :
CE, 6 septembre 2020, M. A, req. n° 443750.
23 septembre 2020 - Dans un arrêt du 21 septembre 2020 publié au Recueil, le Conseil d’Etat est venu apporter quelques précisions concernant les lignes directrices
La question de la valeur normative des « lignes directrices » ou encore des « orientations générales » peut parfois se poser avec une certaine acuité pour le justiciable, lequel n’arrive pas toujours à déterminer s’il est en droit, ou non, de les invoquer devant le juge administratif.
Nous rappellerons brièvement ici que si les « orientations générales » ne peuvent utilement être invoquées par un administré, les « lignes directrices », quant à elles, peuvent être invoquées.
En effet, il est de jurisprudence constante que les administrés peuvent, dans le cadre d’un contentieux, soulever un moyen tiré de la non-application ou encore de l’application d’une ligne directrice.
Dans un arrêt du 21 septembre 2020, le Conseil d’Etat est venu apporter quelques précisions intéressantes concernant les lignes directrices.
La Haute juridiction a jugé que dans le cas où un texte prévoit l’attribution d’un avantage sans avoir défini l’ensemble des conditions permettant de déterminer à qui l’attribuer parmi ceux qui sont en droit d’y prétendre ou de fixer le montant à leur attribuer individuellement, l’autorité compétente peut « qu’elle dispose ou non en la matière du pouvoir réglementaire, encadrer l’action de l’administration, dans le but d’en assurer la cohérence, en déterminant, par la voie de lignes directrices, sans édicter aucune condition nouvelle, des critères permettant de mettre en oeuvre le texte en cause. Sous réserve de motifs d’intérêt général conduisant à y déroger et de l’appréciation particulière de chaque situation ».
Autrement dit, alors même que l’autorité compétente (au cas présent le Ministre chargé de l’éducation nationale) dispose du pouvoir réglementaire, celle-ci a possibilité de procéder par la voie des lignes directrices pour fixer des critères permettant de mettre en œuvre l’attribution d’un avantage.
« Dans ce cas », précise bien le Conseil d’Etat, « la personne en droit de prétendre à l’avantage en cause peut se prévaloir, devant le juge administratif, de telles directives si elles sont publiées ».
En revanche, en ce qui concerne les « orientations générales », le Conseil d’Etat rappelle, de manière classique, que l’administré ne saurait se prévaloir de telles orientations à l’appui d’un recours formé devant le juge administratif.
CE, 21 septembre 2020, M. A c/ Etat, req. n° 428683, publié au recueil
28 septembre 2020 - Les règles de calcul de la dotation globale de fonctionnement applicables en cas de division de communes ne s’appliquent pas à la suite de l’annulation d’une décision de fusion de communes
L’existence de règles spécifiques au calcul de la dotation globale de fonctionnement (DGF) en cas de division de communes pouvait susciter quelques interrogations quant à leur applicabilité dans l’hypothèse où deux communes qui ont fusionné se retrouvent de nouveau scindées à la suite de l’annulation de la décision qui en portait fusion.
C’est la situation à laquelle le Préfet de la Seine-Maritime a été confronté à la suite de l’annulation, par le Tribunal administratif de Rouen, de sa décision du 29 août 2011 portant fusion, à compter du 1er janvier 2012, des communes de Bois-Guillaume et Bihorel. Le Tribunal administratif avait décidé de ne prononcer cette annulation qu’à compter du 31 décembre 2013 et de réputer définitifs les effets produits par la fusion avant cette date, rendant la situation d’autant plus délicate à appréhender au regard des textes qui régissent le calcul de la DGF.
La question se posait ainsi des modalités de calculs de la dotation forfaitaire due au titre de la DGF aux deux communes pour l’année 2014, qui pouvaient être celles prévues par le droit commun (art. L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales (CGCT)) ou celles, spécifiques, contenues à l’article L. 2334-12 du CGCT, applicables en cas de division de communes.
Le Préfet avait, lui-même, quelque peu tergiversé puisqu’il avait, dans un premier temps, fait application des dispositions spécifiques de l’article L. 2334-12 du CGCT, avant de se reprendre et de faire application des dispositions de droit commun qui aboutissaient à un montant significativement moindre pour la commune de Bois-Guillaume.
Saisi d’un recours en annulation par la commune contre cette dernière décision, le Tribunal administratif de Rouen y avait fait droit (considérant donc qu’il convenait de faire application des dispositions propres aux divisions de communes), avant que la Cour administrative d’appel de Douai ne retienne une solution contraire.
Par un arrêt rendu le 21 septembre 2020, le Conseil d’Etat a confirmé l’arrêt d’appel, jugeant que les dispositions spécifiques de l’article L. 2334-12 du CGCT ne s’appliquent « qu’aux situations résultant de décisions administratives de division de communes et non à celles résultant de l’annulation juridictionnelle d’une décision de fusion de communes ».
Il précise, de manière intéressante au regard du contexte particulier du dossier, qu’est « sans incidence à cet égard la circonstance que le juge aurait décidé, tout en prononçant l’annulation de la décision de fusion de communes, de réputer définitifs tout ou partie des effets produits par cette décision de fusion avant son annulation ».
Conseil d’Etat, 21 septembre 2020, Commune de Bois-Guillaume, req. n° 426859, aux Tables