N°2 – Mai 2019

LA LETTRE DU CABINET

N°2 – Mai 2019

Droit de la construction privée

22 mai 2019 - En marché à forfait, l’indemnisation par le maître d’ouvrage des travaux supplémentaires effectués par l’entrepreneur est conditionnée à ce que lesdits travaux soient nécessaires pour la construction de l’ouvrage

Dans le cadre de la rénovation de l’une de ses agences, la Caisse d’épargne et de prévoyance Bretagne-Pays de Loire avait conclu, en sa qualité de maître d’ouvrage de l’opération, un marché portant sur la réalisation des travaux de gros œuvre et de démolition avec un entrepreneur. Ce marché avait été conclu pour un prix global et forfaitaire.

Ayant dû effectuer des travaux de déroctage pour permettre l’abaissement de la dalle et le respect de la réglementation d’accessibilité aux personnes handicapées, l’entrepreneur a assigné le maître d’ouvrage en paiement des travaux supplémentaires.

Relevant que le devis quantitatif limitait les travaux à la démolition du plancher béton sur sous-sol, la Cour d’appel de Rennes avait fait droit à cette demande d’indemnisation dans la mesure où les travaux supplémentaires avaient été rendus indispensables après la démolition de la dalle en béton, en ce que celle-ci reposait sur une assiste granitique rocheuse compacte.

Toutefois, au visa de l’article 1793 du code civil, la Cour de cassation a cassé cet arrêt en considérant qu’« en cas de marché à forfait, les travaux supplémentaires relèvent du forfait s’ils sont nécessaires à la réalisation de l’ouvrage ».

Cass., 3e civ., 18 avril 2019, n° 18-18801

31 mai 2019 - Le maître d’ouvrage n’a pas à actionner la clause de conciliation préalable insérée au contrat de maîtrise d’œuvre postérieurement à la réception de l’ouvrage lorsque les désordres dont il demande réparation rendent l’ouvrage impropre à destination

Dans le cadre de l’édification d’une maison d’habitation, les maîtres d’ouvrage avaient confié les travaux de gros œuvre à la société Les Bâtiments artésiens et la maîtrise d’œuvre de l’opération à la société Aedifi.

Postérieurement à la réception des travaux de gros œuvre, l’entrepreneur a sollicité des maîtres d’ouvrage le paiement du solde restant dû. Invoquant des désordres, ces derniers ont appelé à l’instance le maître d’œuvre et ont sollicité du juge judiciaire, d’une part, la nomination d’un expert judiciaire, et, d’autre part, l’indemnisation de leurs préjudices.

Relevant que l’action à l’égard du maître d’œuvre n’avait pas été précédée de la saisine pour avis du conseil régional de l’ordre des architectes, ainsi qu’une clause du contrat de maîtrise d’œuvre le stipulait, et que le défaut de mise en œuvre de cette procédure contractuelle de conciliation préalable à toute action judiciaire avant saisine de la juridiction du premier degré ne pouvait être régularisée devant le juge d’appel, la Cour d’appel de Douai a considéré que les maîtres d’ouvrage étaient irrecevables à agir.

La Cour de cassation a cependant cassé l’interprétation retenue par le juge d’appel, ce dernier n’ayant pas recherché « au besoin d’office, si l’action, exercée postérieurement à la réception [par les maîtres d’ouvrage] en réparation de désordres rendant l’ouvrage impropres à sa destination, n’était pas fondée sur l’article 1792 du code civil », lequel rendait inapplicable la clause contractuelle de conciliation préalable.

Cass., 3e civ., 23 mai 2019, n° 18-15286

Droit public général

13 mai 2019 - Adoption définitive de la proposition de loi pour sécuriser l’actionnariat des entreprises publiques locales

Après l’adoption en première lecture par le Sénat, le 4 avril dernier  (https://ahavocats.fr/adoption-de-la-proposition-de-loi-pour-securiser-lactionnariat-des-entreprises-publiques-locales-en-premiere-lecture-par-le-senat/), de la proposition de loi tendant à sécuriser l’actionnariat des entreprises publiques locales l’Assemblée nationale a adopté ladite proposition le 9 mai 2019.

Cette proposition de loi avait été rendue nécessaire après que le conseil d’Etat ait adopté, le 14 novembre 2018, une décision SEMERAP source d’incertitudes juridiques.

Aux termes de cette décision, le Conseil d’Etat avait considéré qu’une collectivité territoriale ne pouvait participer au capital d’une SPL que si l’intégralité de l’activité de la SPL relevait des compétences de ladite collectivité.

La proposition de loi définitivement adoptée le 9 mai 2019 vise à lever les incertitudes juridiques induites par cette décision pour les sociétés publiques locales et les sociétés d’économie mixte déjà constituées, en prévoyant notamment, que « la réalisation de l’objet de ces sociétés concourt à l’exercice d’au moins une compétence de chacune des collectivités territoriales et de chacun des groupements de collectivités territoriales qui en sont actionnaires ».

Le texte de loi sera applicable dès sa publication au journal officiel.

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl18-303.html

Droit de la fonction publique

3 mai 2019 - La demande d’imputabilité au service de la maladie peut être présentée par un fonctionnaire territorial sans condition de délai

Les fonctionnaires territoriaux peuvent, au contraire des fonctionnaires d’Etat, solliciter la reconnaissance de l’imputabilité au service de leur maladie sans aucune condition de délai.

Saisi par la Cour Administrative d’appel de Versailles d’une question portant sur le délai au sein duquel doit être présentée une demande d’imputabilité au service de la maladie par un fonctionnaire territorial, le Conseil d’Etat a apporté une réponse dénuée d’ambiguïtés.

Le Conseil d’Etat précise tout d’abord que « le décret du 14 mars 1986 a été pris pour l’application des articles 34 et 35 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat. Ses dispositions, notamment celles de l’article 32 citées au point 1, ne s’appliquent qu’aux fonctionnaires régis par cette loi, à savoir les fonctionnaires de l’Etat ».

Et le Conseil d’Etat d’ajouter dans un second temps que « les fonctionnaires territoriaux sont régis, s’agissant de l’organisation des comités médicaux, des conditions d’aptitude physique et du régime des congés de maladie, par les dispositions du décret du 30 juillet 1987 pris pour l’application des articles 57 et 58 de la loi du 26 janvier 1984. Aucune disposition de ce décret ni aucun autre texte réglementaire ou principe général ne rend applicables aux fonctionnaires territoriaux les dispositions de l’article 32 du décret du 14 mars 1986 relatives au délai de quatre ans dans lequel la demande tendant à ce que la maladie soit reconnue comme ayant été contractée dans l’exercice des fonctions doit être présentée par le fonctionnaire. Ce délai de quatre ans ne peut, en conséquence, être opposé aux fonctionnaires territoriaux qui demandent, en application de l’article 23 du décret du 30 juillet 1987 cité au point 2, à ce que leur maladie soit reconnue comme ayant été contractée dans l’exercice de leurs fonctions ».

CE, Avis, 5 avril 2019, A c/ Conseil général des Yvelines, n°426281

29 mai 2019 - Une commune ne peut solliciter la condamnation de son agent reconnu coupable d’avoir exercé illégalement sa fonction de policier municipal à lui rembourser les traitements qu’il a perçus au titre de cette fonction

Alors qu’il avait fait l’objet d’un arrêté d’agrément en tant qu’agent de police municipale délivré par le préfet des Yvelines, un fonctionnaire territorial a vu son agrément lui être retiré à la suite des révélations de sa compagne, selon lesquelles cette dernière aurait passé les épreuves écrites du concours de gardien de police en lieu et place de son mari.

Cet agent a fait l’objet de poursuites pénales pour avoir exercé illégalement la fonction de policier municipal, action à laquelle la commune d’Hérouville Saint-Clair, qui l’employait, s’est constituée partie civile pour solliciter le remboursement sur trois ans des traitements versés au prévenu.

Si le tribunal correctionnel a déclaré l’agent coupable et l’a condamné à verser la somme de 4.700 euros à titre de dommages-intérêts, il a toutefois rejeté la demande tendant au remboursement des trois années de traitement.

Saisie du litige, la Cour d’appel a infirmé le jugement seulement en ce qu’il avait condamné le prévenu au versement de la somme de 4.700 euros, si bien que la commune d’Hérouville Saint-Clair s’est pourvue en cassation.

Et, par un arrêt du 14 mai dernier, la chambre criminelle de la Cour de cassation a considéré que les juges d’appel avaient justifié leur décision en rejetant la demande de la commune afférente au remboursement des salaires motif pris de ce que « les traitements, dont il est réclamé le remboursement sur trois ans correspondant à la période retenue par la prévention, ne constituent pas un préjudice pour la commune puisqu’elle a bénéficié en contrepartie du service rendu par M. X… au titre de son travail, dont l’exécution n’est pas entamée par le fait qu’il l’ait exercé sans en remplir les conditions légales ».

Néanmoins, la chambre criminelle casse et annule l’arrêt rendu par la Cour d’appel au visa de l’article 515 du code de procédure pénale en ce qu’il a infirmé le jugement qui avait condamné l’agent à payer à la commune la somme de 4.700 euros au titre du préjudice matériel.

Cass., crim., 14 mai 2019, n° 17-87259

Droit de la commande publique

15 mai 2019 - Incompétence du juge du référé précontractuel pour connaître des contrats d’exploitation des installations annexes passés par les sociétés concessionnaires d’autoroute

Ayant été admise à présenter sa candidature à une consultation portant sur la conclusion d’un contrat d’occupation du domaine public en vue de l’exercice d’activités de boutique, de restauration et de commercialisation des carburants sur l’aire de service de Dracé, mais n’ayant pas présenté d’offre, la société Total Marketing France a, sur le fondement de l’article L.551-1 du code de justice administrative, demandé au juge administratif l’annulation de la procédure de passation de ce contrat.

Par une ordonnance du 14 décembre 2018, le juge des référés du Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande, et la société Total Marketing France s’est pourvue en cassation.

Par un arrêt du 30 avril 2019, le Conseil d’Etat a refusé de faire droit aux prétentions de la société requérante.

Si la Haute juridiction relève d’abord, eu visa de l’article L.2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques, que le juge administratif est compétent pour connaître les litiges concernant « la conclusion, par une société concessionnaire d’autoroutes, d’un contrat comportant occupation du domaine public autoroutier », elle considère ensuite que le juge du référé précontractuel ne peut pour autant être saisi.

En effet, le Conseil d’Etat a d’une part jugé, en vertu de l’article 9 de l’ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession, que la société APRR ne peut ni être regardée comme un pouvoir adjudicateur, ni comme une entité adjudicatrice :

« Si les missions de construction, d’entretien et d’exploitation des autoroutes dont sont chargées à titre principal les sociétés d’autoroutes visent à satisfaire des besoins d’intérêt général au sens des dispositions qui précèdent, la société APRR, qui est une société concessionnaire d’autoroutes à capitaux majoritairement privés, ne répond à aucune des conditions mentionnées aux a, b et c de l’article 9 de l’ordonnance de 2016. Elle ne peut, par suite, être regardée comme un pouvoir adjudicateur ni, en tout état de cause, comme une entité adjudicatrice, ce dont il découle que le juge du référé précontractuel n’est pas compétent pour connaître du contrat litigieux par application des articles L. 551-1 et L. 551-2 du code de justice administrative ».

D’autre part, le Conseil d’Etat rappelle qu’en application de l’article 34 de la Constitution, il appartient au législateur « de rendre applicable à des contrats passés par des personnes privées le recours au juge du référé précontractuel ». Ainsi, et quand bien même l’article L.122-20 du code de la voirie routière issu de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a étendu la compétence du juge du référé précontractuel aux marchés publics passés par les sociétés concessionnaires d’autoroute, « aucune disposition législative n’a étendu cette compétence aux contrats, tel celui de l’espèce, d’exploitation des installations annexes passés par les sociétés concessionnaires d’autoroute, lorsque ces sociétés n’ont ni la qualité de pouvoir adjudicateur ni celle d’entité adjudicatrice, alors même que la loi du 6 août 2015 a soumis la passation de ces contrats à des règles de procédure ».

Partant, le Conseil d’Etat rejette le pourvoi formé par la société Total Marketing France.

CE, 30 avril 2019, Société Total Marketing France, req. n° 426698

17 mai 2019 - L’appel en garantie formé par le maître d’ouvrage à l’encontre du titulaire du marché dont le décompte général est devenu définitif n’est recevable qu’à condition que le maître d’ouvrage ait assorti le décompte d’une réserve concernant le litige ayant donné lieu à sa condamnation

Par un arrêt rendu le 6 mai 2019 qui sera mentionné dans les tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat a précisé le régime de l’appel en garantie effectué par le maître de l’ouvrage une fois que le décompte général du marché est devenu définitif.

En effet, après avoir rappelé son considérant de principe portant sur les éléments susceptibles d’entrer dans le décompte, la Haute juridiction relève que, même si le décompte général a acquis un caractère définitif, le maître d’ouvrage est recevable à former un appel en garantie à l’encontre du titulaire du marché, sauf si ce premier avait eu connaissance d’un litige avant l’établissement du décompte général et qu’il n’avait assorti ledit décompte d’aucune réserve :

« 5. L’ensemble des opérations auxquelles donne lieu l’exécution d’un marché public est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l’établissement du décompte général et définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties. L’ensemble des conséquences financières de l’exécution du marché sont retracées dans ce décompte même lorsqu’elles ne correspondent pas aux prévisions initiales. Toutefois, la circonstance que le décompte général d’un marché public soit devenu définitif ne fait pas, par elle-même, obstacle à la recevabilité de conclusions d’appel en garantie du maître d’ouvrage contre le titulaire du marché, sauf s’il est établi que le maître d’ouvrage avait eu connaissance de l’existence du litige avant qu’il n’établisse le décompte général du marché et qu’il n’a pas assorti le décompte d’une réserve, même non chiffrée, concernant ce litige ».

Or, en l’espèce, constatant que lors de l’établissement du décompte du marché d’assistance à maîtrise d’ouvrage dont était titulaire la société Icade Promotion, le centre hospitalier universitaire de Reims avait eu connaissance d’un litige avec le groupement titulaire des travaux d’électricité portant sur le décompte des travaux via une réclamation formé par celui-ci, le Conseil d’Etat a jugé que le centre hospitalier n’était donc pas recevable à appeler la société Icade Promotion à le garantir des condamnations prononcées à son encontre, et ce dans la mesure où il n’avait assorti son décompte d’aucune réserve concernant le litige en cours avec les sociétés titulaires du marché de travaux.

Partant, le Conseil d’Etat n’a d’autre choix que de rejeter les conclusions d’appel en garantie formées par le centre hospitalier.

CE, 6 mai 2019, Société Icade Promotion, req. n° 420765 

Droit des transports publics

6 mai 2019 - CDG Express : le projet de création d’une entreprise commune par RATP Dev et Keolis pour l’exploitation du service de transport autorisé sous conditions par l’Autorité de la concurrence

Dans la perspective de sa mise en service à l’horizon 2024, le projet de liaison ferroviaire entre la gare de l’Est à Paris et l’aéroport Paris – Charles de Gaulle (CDG Express) poursuit sa progression.

Le projet repose, d’une part, pour le financement, la réalisation et l’exploitation de l’infrastructure ferroviaire, sur un contrat de concession confié par l’Etat sans mise en concurrence à une société filiale de SNCF Réseau et d’Aéroports de Paris. Le Conseil d’Etat avait rejeté, en octobre 2018, un recours formé contre la déclaration d’utilité publique du projet (CE, 22 octobre 2018, Commune de Mitry-Mory et autres, req. n° 411086).

Il repose, d’autre part, sur la désignation d’un opérateur pour l’exploitation du service de transport de personnes sur cette liaison ferroviaire. C’est dans ce contexte que le groupement constitué par les sociétés Keolis et RATP Développement a été désigné attributaire pressenti par l’Etat et que celles-ci ont notifié à l’Autorité de la concurrence, au titre du contrôle des concentrations, leur projet de création d’une entreprise commune chargée de l’exploitation de cette liaison.

Au terme de l’examen des effets possibles de l’opération sur les marchés concernés, l’Autorité s’est prononcée, dans une décision attendue (19-DCC-76 du 26 avril 2019) qui sera prochainement publiée, en autorisant sous conditions la création de cette entreprise commune.

En premier lieu, alors même que les parties n’auront aucun concurrent sur la liaison ferroviaire entre Paris intramuros et l’aéroport Paris – Charles de Gaulle, l’Autorité a exclu tout risque d’augmentation des tarifs ou de dégradation de la qualité des services sur les marchés du transport public de voyageurs en Ile-de-France. En particulier, elle a relevé que les conditions juridiques dans lesquelles elles exploiteront la liaison CDG Express et dans lesquelles elles opèrent les autres services de transport reliant l’aéroport à Paris permettent d’exclure tout risque de cette nature, les parties étant tenues par des engagements contractuels relatifs aux tarifs pratiqués et à la qualité des services proposés.

En second lieu, l’Autorité a identifié un risque de pratique anti-concurrentielle lié à l’éventuelle vente couplée du futur ticket CDG Express avec des services d’enregistrement et de transports de bagages, lesquels pourraient être proposés à des conditions préférentielles par l’entreprise commune dont la création est projetée par les parties. Celle-ci n’a été autorisée par l’Autorité qu’en considération de l’engagement souscrit par les parties, pour toute la durée de l’exploitation de la liaison (15 ans à compter de sa mise en service), de confier l’exploitation de tout éventuel service lié aux bagages qui serait proposé aux usagers de la liaison CDG Express à un opérateur « indépendant disposant d’une autonomie dans la détermination de sa politique commerciale ». Le contrat conclu en ce sens devra être agréé par l’Autorité.

Autorité de la concurrence, décision 19-DCC-76 du 26 avril 2019

 

 

 

20 mai 2019 - Services librement organisés de transport ferroviaire de voyageurs : consultation publique lancée par l’ARAFER sur les modalités de notification et de limitation/interdiction des futurs services

A compter de l’horaire de service 2021, les entreprises ferroviaires disposeront d’un droit d’accès à l’infrastructure ferroviaire des Etats membres en vue d’exploiter des services de transport ferroviaire de voyageurs. Il s’agit là d’un pas supplémentaire accompli dans le sens de l’ouverture à la concurrence des services intérieurs de transport ferroviaire de voyageurs, dans le cadre de la mise en œuvre du quatrième paquet ferroviaire.

Dans ce futur contexte réglementaire, et de manière comparable à ce qui existe déjà en matière de services routiers librement organisés de transport de voyageurs (services proposés par les cars dits « Macron ») mais également en matière de cabotage international, le développement des futurs services ferroviaires pourra être limité, à la demande des parties intéressées, si de tels services devaient porter atteinte à l’équilibre économique de services ferroviaires existant exploités dans le cadre de contrats de service public.

Conformément à l’article 11 de la directive 2012/34/UE du 21 novembre 2012, telle que modifiée par la directive 2016/2370 du 14 décembre 2016, les Etats membres sont autorisés à limiter le droit d’accès lorsque son exercice est « susceptible de compromettre l’équilibre économique » d’un ou de plusieurs contrats de service public couvrant le même trajet ou un trajet alternatif. La méthodologie et les critères selon lesquels seront appréciés les effets d’un service nouveau sur les contrats de service public en cours sont définis par le règlement d’exécution 2018/1795 du 20 novembre 2018, sous la forme d’un « test d’équilibre économique ».

L’article L. 2133-1 du code des transports, modifié par l’article 8 de la loi n° 2018-515 du 27 juin 2018, précise qu’à cette fin, c’est l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER) qui pourra être saisie par un nombre limité d’intéressés (autorité(s) organisatrice(s) ayant attribué le contrat de service public, entreprise(s) chargée(s) de son exécution, Etat, et le gestionnaire d’infrastructure) afin que celle-ci limite ou interdise l’exercice du droit d’accès si celui-ci devait compromettre l’équilibre économique du contrat existant.

Dans cette perspective, l’ARAFER a lancé le 16 mai dernier et jusqu’au 31 mai 2019, une consultation publique qui présente les modalités selon lesquelles l’Autorité « entend mettre en œuvre les procédures relatives, d’une part, à la notification de nouveaux services de transport ferroviaire de voyageurs par des entreprises ferroviaires et, d’autre part, à la saisine de l’Autorité par les requérants potentiels (…) en vue d’effectuer le test d’équilibre économique ». La méthodologie envisagée pour ce dernier y est également présentée.

L’ARAFER entend recueillir l’avis et les observations de l’ensemble des intéressés dans le cadre de cette consultation publique.

Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières

 

 

 

24 mai 2019 - L’article 5 § 2 du règlement n° 1370/2007 du 23 octobre 2007 relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route n’est applicable aux opérateurs internes que sous réserve que le contrat de service public revête la forme d’un contrat de concession

A la faveur d’un arrêt rendu le 8 mai 2009, la Cour de justice de l’Union européenne a précisé les conditions d’application de l’article 5 du règlement (CE) n° 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, relatif à l’attribution directe des contrats portant sur des services publics de transport par autobus.

Dans le cadre d’un litige opposant la ville d’Euskirchen en Allemagne à la société Rhenus Veniro portant sur un projet d’attribution directe d’un service public de transport de voyageurs par autobus et autres véhicules, le tribunal régional supérieur de Düsseldorf a saisi la Cour d’une question préjudicielle consistant « à savoir si l’article 5 paragraphe 2 du règlement n° 1370/2007 est applicable à l’attribution directe d’un contrat portant sur un service public de transport de voyageurs par autobus qui ne revêt pas la forme d’un contrat de concession et, dans l’affirmative, si cette disposition autorise l’opérateur interne à faire réaliser la majeure partie de ce service par une société dont il ne détient que 2,5% du capital social ».

Après avoir énuméré plusieurs dispositions du règlement n° 1370/2007, l’article 5 de la directive n° 2014/23/UE, l’article 12 de la directive n° 2014/24/UE, puis l’article 11 de la directive n° 2014/25/UE, la Cour rappelle qu’elle s’est déjà prononcée sur l’attribution directe de contrats portant sur des services publics de transport de voyageurs par autobus passés sous l’empire des directives 2004/17 et 2004/18.

Dans sa décision « Verkehrsbetrieb Hüttebräucker et Rhenus Veniro » (21 mars 2019, C-266/17 et C-267/17), la Cour de Justice avait en effet considéré que les contrats portant sur des services publics de transport de voyageurs par autobus qui ne revêtent pas la forme d’un contrat de concession ne sont pas soumis au régime prévu par l’article 5 paragraphe 2 du règlement n° 1370/2007, mais à celui prévu par les directives 2004/17 ou 2004/18, en ce qu’ils sont assimilables à des marchés publics.

Or, dans l’espèce qui retient notre attention, la Cour constate que si les directives 2014/24 et 2014/25 qui ont abrogé et remplacé les directives 2004/17 et 2004/18 ne prévoient pas de définition du contrat de concession – son régime ayant été spécifié par la directive 2014/23 – les articles 12 et 18 des directives 2014/24 et 2014/25 ont codifié sa jurisprudence, laissant à penser « que le législateur de l’Union a entendu que ce régime d’attribution directe soit rattaché à ces deux directives ».

Dans ces conditions, il faut en conclure que les dispositions prévues par l’article 5 paragraphe 2 du règlement 1370/2007 ne sont applicables aux opérateurs internes que si le contrat portant service public de transport par autobus est attribué via un contrat présentant les caractéristiques d’une concession.

A contrario, si le contrat de service public présente les caractéristiques d’un marché public, alors ce sont les directives 2014/24 et 2014/25 qui sont applicables.

CJUE, 8 mai 2019, Stadt Euskirchen c/ Rhenus Veniro GmbH & Co. KG, Aff. C-253/18

Droit de l'urbanisme et de l'aménagement

9 mai 2019 - La cristallisation des moyens applicable au contentieux de la légalité des permis de construire ne produit d’effet que lors de l’instance en cours

Par un arrêt rendu le 24 avril dernier, qui sera mentionné dans les tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat a précisé le régime de la cristallisation des moyens dans le cadre du contentieux des permis de construire.

L’article R.600-4 du code de l’urbanisme dans sa rédaction applicable au litige disposait que « saisi d’une demande motivée en ce sens, le juge devant lequel a été formé un recours contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager peut fixer une date au-delà de laquelle des moyens nouveaux ne peuvent plus être invoqués ».

Sur le fondement de ces dispositions, le Conseil d’Etat a précisé que « lorsqu’il considère qu’une affaire est en état d’être jugée, le juge peut, par ordonnance, fixer, dans le cadre de l’instance et avant la clôture de l’instruction, une date à compter de laquelle les parties ne peuvent plus soulever de moyens nouveaux. Le pouvoir ainsi reconnu au juge est limité à l’instance pendante devant la juridiction à laquelle il appartient. Son ordonnance perd son objet et cesse de produire ses effets avec la clôture de l’instruction dans le cadre de cette instance. Il s’ensuit que l’usage, avant cassation, de la faculté prévue par l’article R. 600-4 du code de l’urbanisme est sans incidence sur la recevabilité des moyens que peuvent soulever les parties, après cassation et renvoi, à l’appui de leurs conclusions devant le juge du fond ».

En l’espèce, la Haute juridiction annule le jugement rendu par le Tribunal administratif de Versailles le 10 novembre 2017 en relevant deux erreurs de droit.

En effet, d’une part, les juges de première instance ont commis une première erreur de droit en considérant que les moyens nouveaux soulevés par les requérants étaient irrecevables alors qu’ils avaient été soulevés antérieurement à la date fixée par l’ordonnance instituant la cristallisation des moyens.

D’autre part, le Tribunal administratif avait rejeté les moyens nouveaux présentés par les requérants dans l’instance survenue sur renvoi après cassation. Or, « en rejetant les moyens nouveaux soulevés dans ces écritures au motif qu’ils avaient été présentés postérieurement au 30 janvier 2015, alors que, ainsi qu’il a été dit au point 3, les dispositions de l’article R. 600-4 du code de l’urbanisme ne faisaient pas obstacle à ce que de tels moyens soient soulevés quand la procédure a été reprise à la suite de l’annulation et du renvoi prononcés par le Conseil d’Etat, le tribunal administratif de Versailles a entaché son jugement d’une [seconde] erreur de droit ».

CE, 24 avril 2019, Mme C. et M. F., req. n° 417175

27 mai 2019 - Application des dispositions de l’article R.600-1 aux pourvois en cassation

A la faveur d’un arrêt rendu le 17 mai 2019, le Conseil d’Etat a eu l’occasion de se prononcer sur la recevabilité d’un pourvoi en cassation au regard des prescriptions de l’article R.600-1 du code de l’urbanisme.

Dans cette affaire le tribunal administratif de Melun avait rejeté la requête introduite par les époux D, et qui tendait à obtenir l’annulation du permis autorisant la construction d’une maison individuelle.

Les époux D ont formé un pourvoi à l’encontre de ce jugement, sans toutefois procéder aux modalités de notification édictées à l’article R.600-1 du code de l’urbanisme.

Rappelant les dispositions de cet article, et notamment la circonstance que la « notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l’annulation ou à la réformation d’une décision juridictionnelle concernant un certificat d’urbanisme, une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou un permis de construire, d’aménager ou de démolir », le Conseil d’Etat précise que « la procédure de notification prévue à l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme s’applique à un pourvoi en cassation ».

Constatant que les époux D n’ont pas procédé à la notification du pourvoi à l’auteur du permis, le Conseil d’Etat considère que le pourvoi n’est pas recevable.

CE, 17 mai 2019, Epoux D c/ Commune de Crégy Les Meaux, req. n° 417459