N°7 – Octobre 2019

LA LETTRE DU CABINET

N°7 – Octobre 2019

Droit administratif général

7 octobre 2019 - La DREAL ne peut, en principe, être regardée comme une entité disposant d’une autonomie réelle à l’égard du préfet de région lui permettant d’exercer une mission de consultation en matière environnementale sur les projets autorisés par le préfet

L’article 6 de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement impose, dans le cas où l’autorité publique compétente pour autoriser un projet est également chargée de donner un avis sur son incidence environnementale, qu’une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, pour faire en sorte qu’elle soit pourvue de moyens administratifs et humains propres, lui permettant de remplir sa mission de consultation de manière objective.

Le Conseil d’Etat, faisant application de ces principes, avait censuré les dispositions de l’article R. 122-6 du code de l’environnement, par décision en date du 6 décembre 2017 (Association France Nature Environnement, req. n° 400559), faute pour ces dispositions de prévoir de quelconques garanties, dans le cas où le préfet de région est l’autorité compétente pour autoriser le projet, pour assurer que la compétence consultative soit exercée par une entité interne disposant d’une autonomie réelle à l’égard du préfet.

A la suite de cette annulation, le Conseil d’Etat avait jugé qu’il appartenait aux juges du fond de conduire un contrôle in concreto, sans s’arrêter au simple fait que l’avis ait été rendu par l’entité compétente pour autoriser le projet, pour vérifier si, dans les circonstances de fait, nonobstant cette identité administrative, les objectifs de séparation fonctionnelle énoncés par la directive avaient été respectés (CE, 22 octobre 2018, req. n° 406746). Dans cette dernière affaire, aucun moyen n’avait toutefois été formulé devant le Conseil d’Etat tendant à démontrer que le contrôle in concreto qui avait été conduit par les juges du fond aurait été entaché de dénaturation. Le Conseil d’Etat ne s’était ainsi pas prononcé sur le contrôle conduit par ceux-ci à l’égard de l’autonomie réelle de la DREAL à l’égard du préfet de région.

Dans une nouvelle affaire, qui a donné lieu à la décision commentée a jugé qu’en principe, les services placés sous l’autorité hiérarchique du préfet de région, tels que les DREAL, ne peuvent être regardés comme disposant, à son égard, d’une autonomie réelle leur permettant d’exercer leur mission de consultation en matière environnementale de manière objective dans le respect des dispositions de la directive. Le Conseil d’Etat, validant le contrôle in concreto mené par les juges du fond, relève qu’en l’espèce, l’avis sur l’évaluation environnementale du projet avait été signé par le préfet de la région Bourgogne lui-même, par ailleurs auteur de l’arrêté portant autorisation du projet, et préparé par les services de la DREAL, placés sous son autorité hiérarchique. Il a donc conclu que l’avis avait été rendu dans des conditions irrégulières, de nature à affecter la légalité de l’arrêté portant autorisation du projet concerné.

Cette décision renforce l’opportunité d’une clarification textuelle propre à assurer l’autonomie réelle de la DREAL dans l’exercice de sa compétence consultative en matière environnementale, si elle devait en rester investie, dans le cadre de la procédure préalable à l’autorisation des projets relevant de la compétence du préfet de région.

Décision du 20 septembre 2019, req. n° 428274

 

16 octobre 2019 - En application des dispositions prévues par l’article R. 421-1 du code de justice administrative, il appartient impérativement au requérant de lier le contentieux préalablement à l’introduction d’un référé provision sous peine d’irrecevabilité de sa requête

Un détenu avait saisi le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers d’une demande tendant à la condamnation de l’Etat à lui verser une provision au titre du préjudice financier subi du fait de la méconnaissance, par l’administration pénitentiaire, des dispositions du code de procédure pénale applicables en matière de rémunération du travail des personnes détenues.

En première instance, le juge des référés avait fait droit à cette demande.

La ministre de la justice a toutefois formé un pourvoi en cassation aux fins d’annuler cette ordonnance.

Par une décision rendue le 23 septembre 2019 mentionnée dans les tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat commence par rappeler, notamment, les dispositions de l’article R. 421-1 du code de justice administrative, lesquelles prévoient pour mémoire :

« La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. Lorsque la requête tend au paiement d’une somme d’argent, elle n’est recevable qu’après l’intervention de la décision prise par l’administration sur une demande préalablement formée devant elle (…) ».

Or, la Haute juridiction précise que ces dispositions sont applicables aux demandes de provision présentées sur le fondement de l’article R. 541-1 du même code, si bien qu’en l’absence d’une décision de l’administration rejetant une demande formée devant elle par le requérant ou pour son compte, une requête tendant au paiement d’une somme d’argent est frappée d’irrecevabilité.

C’est ainsi qu’en s’abstenant de constater que le requérant n’avait pas saisi l’administration d’une demande préalable, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a commis une erreur de droit, justifiant ainsi l’annulation de son ordonnance.

Et, décidant de statuer sur l’affaire au fond en application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat considère que la demande de provision formée par le requérant est irrecevable en l’absence de saisine préalable de l’administration pénitentiaire.

CE, 23 septembre 2019, Ministre de la justice, req. n° 427923

 

21 octobre 2019 - Recours pour excès de pouvoir contre les actes de « droit souple » : le Conseil d’Etat applique la jurisprudence Fairvesta à des communiqués de presse de la CNIL et rappelle la marge d’appréciation des autorités de régulation dans la mise en œuvre de leurs pouvoirs de sanction

Par une décision du 16 octobre 2019, le Conseil d’Etat a poursuivi la mise en œuvre de la jurisprudence Fairvesta (CE Ass. 21 mars 2016, req. n° 368082)qui a étendu le champ du recours pour excès de pouvoir à une nouvelle catégorie d’actes de droit souple émanant des autorités de régulation.

Dans l’affaire qui était soumise au Conseil d’Etat, la Commission nationale de l’informatique et des Libertés (CNIL) avait annoncé, par deux communiqués de presse des 28 juin et 18 juillet 2019, un plan d’actions élaboré pour préciser les conditions dans lesquelles elle allait accompagner les opérateurs concernés par les nouvelles règles applicables en matière de ciblage publicitaire dans leur mise en conformité avec ces règles.

Il se déduisait de ces communiqués une position de la CNIL tendant à ménager, au bénéfice desdits opérateurs, une période de transition pour leur permettre de se mettre en conformité avec ces nouvelles règles.

Deux associations de défense des droits et libertés individuels sur Internet ont saisi le Conseil d’Etat d’un recours en annulation de la décision révélée par ces deux communiqués, par lesquelles elles soutenaient que la CNIL aurait regardé comme acceptables, pendant une période transitoire (douze mois), des pratiques pourtant devenues illégales et aurait d’ores et déjà renoncé à utiliser les pouvoirs dont elle dispose pour réprimer, pendant cette période, les manquements qui seraient commis.

Ce recours posait une question de recevabilité et une question de fond, s’agissant de la possibilité, pour une autorité de régulation, de moduler ainsi la mise en œuvre de ses pouvoirs de sanction.

Sur le premier point, la Haute-juridiction a suivi les requérants, estimant que les deux communiqués concernés « révélaient » un acte constitutif d’une prise de position publique de la CNIL « quant au maniement des pouvoirs dont elle dispose, en particulier en matière répressive, pour veiller au respect des règles applicables au recueil du consentement au dépôt de cookies et autres traceurs ». Le Conseil d’Etat a considéré que cet acte avait pour objet d’influer sur le comportement des opérateurs concernés et qu’il était de nature à produire des effets notables tant sur ces opérateurs que sur les utilisateurs et abonnés de services électroniques. Il a donc conclu qu’il s’agissait bien d’un acte susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir en vertu de la jurisprudence Fairvesta.

Sur le second point, le Conseil d’Etat a rappelé (comme cela avait déjà été jugé, à propos de la CNIL : CE Sect., 27 oct. 1999, req. n° 196306 ; de l’ARCEP : CE, 4 juillet 2012, Association française des opérateurs de réseaux et services de télécommunications, req. n° 334062 ; ou de l’ACAM : CE Sect. 30 nov. 2007, req. n° 293952) que les autorités de régulation disposent d’un large pouvoir d’appréciation dans la mise en œuvre de leurs prérogatives, en particulier pour ce qui concerne l’exercice de leur pouvoir de sanction. Il en a déduit qu’aux fins de cet exercice, la CNIL peut « tenir compte de la gravité des manquements en cause au regard de la législation ou de la réglementation qu’elle est chargée de faire appliquer, de la date à laquelle ils ont été commis, du contexte dans lequel ils l’ont été et, plus généralement, de l’ensemble des intérêts généraux dont elle a la charge ».

Dans ce cadre, le Conseil d’Etat a rejeté les critiques formulées sur le fond par les requérants, estimant qu’il était bien loisible à la CNIL de rendre publiques les orientations qu’elle a arrêtées pour l’exercice de ses pouvoirs et qu’elle n’avait ainsi pas méconnu l’étendue de sa compétence en élaborant le plan d’actions exposé par les deux communiqués de presse publiés.

Il a considéré, en outre, que le délai de six mois ménagé au bénéfice des opérateurs régis par les nouvelles règles applicables permettait à la CNIL d’accompagner ces derniers, confrontés à la nécessité de définir de nouvelles modalités pratiques de recueil du consentement des usagers et que, ce faisant, la CNIL n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en retenant les orientations qu’elle a définies pour l’exercice de ses pouvoirs.

CE 16 octobre 2019, Associations « La Quadrature du net » et « Caliopen », req. n°433069, publié au recueil.

Droit de la commande publique

2 octobre 2019 - Incidences de l’acceptation du sous-traitant et de l’agrément de ses conditions de paiement par le mandataire du maître d’ouvrage en cas de défaut de paiement des travaux effectués

Dans le cadre de la construction d’une station d’épuration sur le territoire de la commune de Capesterre-Belle-Eau, le syndicat intercommunal d’alimentation en eau et assainissement de la Guadeloupe (ci-après, « le SIAEAG ») a conclu une convention de mandat de maîtrise d’ouvrage publique avec la société communale de Saint-Martin (ci-après, « la SEMSAMAR »).

Le groupement constitué des sociétés Getelec TP, Vinci environnement et Mick Théophile a été chargé des travaux, cependant que la société Eiffage Energie Guadeloupe a été, en vue de la réalisation de prestations d’électricité, acceptée en qualité de sous-traitante et ses conditions de paiement ont été agréées par la SEMSAMAR.

Constatant cependant qu’aucune des factures émises à compter du mois de juin 2013 n’avait été réglée, la société Eiffage Energie Guadeloupe a saisi le juge des référés du Tribunal administratif de la Guadeloupe d’une demande tendant à obtenir la condamnation solidaire de la SEMSAMAR, du SIAEAG et de la communauté d’agglomération Grand Sud Caraïbes (ci-après, « la CAGSC »), laquelle a succédé au SIAEAG dans ses compétences en matière d’eau et d’assainissement, à lui verser deux provisions, l’une tendant à la rémunération des prestations de travaux qu’elle a réalisées, et l’autre reposant sur les intérêts moratoires dus sur cette somme.

Ayant vu sa demande rejetée par le juge des référés du Tribunal administratif de la Guadeloupe, la société Eiffage Energie Guadeloupe a interjeté appel devant le juge des référés de la Cour administrative d’appel de Bordeaux. Aux termes d’une ordonnance rendue le 9 novembre 2018, ce dernier a condamné la SEMSAMAR et la CAGSC à lui verser solidairement une provision d’un montant de 561.772,96 euros.

S’estimant lésée par cette décision, la SEMSAMAR s’est pourvue en cassation en tant qu’elle a été condamnée à verser la provision solidairement avec la CAGSC.

Statuant aux visas de l’article R. 541-1 du code de justice administrative ainsi que de l’article 6 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, le Conseil d’Etat rappelle qu’il incombe au maître d’ouvrage de payer les prestations réalisées par un sous-traitant qu’il a accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées. Et, qu’en cas de désaccord sur les sommes dues, le sous-traitant est habilité à engager une action en paiement direct devant le juge administratif, en vue d’obtenir le paiement des sommes qu’il estime lui être dues.

Le Conseil d’Etat rappelle également, en application de l’article 3 de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maitrise d’ouvrage et à ses rapports avec la maîtrise privée – dont les dispositions ont été codifié à l’article L. 2422-5 du code de la commande publique –, que si le maître d’ouvrage a confié à un mandataire certaines attributions à exercer en son nom et pour son compte, parmi lesquelles le paiement des entrepreneurs et sous-traitants, le juge, saisi d’une action en paiement direct intenté par le sous-traitant, peut condamner le mandataire à verser les sommes éventuellement dues. Au demeurant, il en est de même lorsque le sous-traitant demande le versement d’une provision.

Or, le Conseil d’Etat relève en l’espèce que la SEMSAMAR, en sa qualité de mandataire du SIAEAG, avait non seulement accepté la société Eiffage Energie Guadeloupe comme sous-traitant et agréé ses conditions de paiement, mais constate de surcroît que cette dernière détenait une créance du fait de l’exécution des prestations qui lui avaient été sous-traitées. La Haute juridiction relève également que la SEMSAMAR était chargée, en vertu de la convention de mandat de maîtrise d’ouvrage, du règlement des prestations accomplies par les entreprises intervenant sur le chantier.

Le Conseil d’Etat en conclut donc que le juge des référés de la Cour administrative d’appel de Bordeaux n’a commis aucune erreur de droit en condamnant la SEMSAMAR au versement de la provision demandée par la société Eiffage Energie Guadeloupe.

Partant, le pourvoi formé par la SEMSAMAR est rejeté.

CE, 18 septembre 2019, Société communale de Saint-Martin, req. n° 425716

4 octobre 2019 - Conditions de recevabilité du recours principal formé par un soumissionnaire évincé et visant à l’exclusion d’autres soumissionnaires

Par un avis publié le 29 juin 2015, la Commune d’Auletta (Italie) a lancé une procédure pour l’attribution d’un marché public de conception et d’exécution de travaux d’assainissement hydrogéologique du centre historique communal.

La société Lombardi, classée en troisième position à l’issue de l’examen des offres, a contesté le rejet de son offre devant le Tribunale amministrativo regionale per la Campania (tribunal administratif régional de Campanie), motifs pris de l’admission à la procédure de passation de marché d’une part de l’attributaire, la société Delta Lavori, en ce que le concepteur indiqué par cette dernière ne possédait pas les qualités requises par le cahier des charges et, d’autre part, du soumissionnaire classé en deuxième position.

De son côté, l’attributaire a introduit un recours incident visant à faire constater que la société Lombardi aurait elle-même dû être exclue de la procédure par la Commune d’Auletta, puisqu’elle avait cessé de répondre aux exigences fixées par les documents du marché.

Statuant prioritairement sur le recours incident, le tribunal administratif régional de Campanie a constaté l’illégalité de la procédure de passation du marché public en raison du fait que la société Lombardi n’en avait pas été exclue. Au principal, le tribunal rejette donc le recours de la société Lombardi pour irrecevabilité du fait de son défaut d’intérêt à agir.

La société Lombardi a saisi le Consiglio di Stato (Conseil d’Etat italien), lequel a décidé de surseoir à statuer et de poser la question préjudicielle suivante à la CJUE :

« L’article 1er, paragraphe 1, troisième alinéa, et paragraphe 3, de la directive [89/665] peut-il être interprété en ce sens que, lorsque plusieurs entreprises qui ont participé à la procédure de passation de marché ne sont pas parties à l’instance (et que, en tout cas, les offres de certaines d’entre elles n’ont pas fait l’objet d’un recours), il permet que soit confiée au juge, en vertu de l’autonomie procédurale reconnue aux États membres, la tâche de vérifier le caractère concret de l’intérêt invoqué, dans son recours principal, par le concurrent qui est défendeur à un recours incident en exclusion qui est jugé fondé, en utilisant à cette fin les instruments de procédure qui sont prévus par la législation nationale, ce qui rendrait la protection accordée à cette situation subjective conforme aux principes constants du droit interne que sont le principe dispositif (article 112 du code de procédure civile), la charge de la preuve (article 2697 du code civil) et les limites subjectives de l’autorité de chose jugée qui ne se forme qu’entre les parties et ne peut pas affecter la situation des personnes étrangères au litige (article 2909 du code civil) ? »

En clair, le Conseil d’Etat demande à la CJUE si l’article 1er de la directive 89/665 s’oppose à ce qu’un recours principal introduit par un soumissionnaire ayant un intérêt à obtenir un marché et ayant été ou risquant d’être lésé par une violation alléguée du droit de l’Union en matière de marchés publics ou des règles transposant ce droit, et visant à l’exclusion d’un autre soumissionnaire soit déclaré irrecevable, en application des règles ou des pratiques jurisprudentielles procédurales nationales.

Aux termes des dispositions de l’article 1er de la directive 89/665, la CJUE relève que les recours contre les décisions prises par le pouvoir adjudicateur doivent être accessibles à toute personne ayant ou ayant eu un intérêt à obtenir un marché déterminé et ayant été ou risquant d’être lésée par une violation alléguée.

Or, si à l’occasion d’une même procédure de passation, deux candidats introduisent des recours visant à obtenir leur exclusion réciproque, ceux-ci doivent être considérés comme ayant un intérêt à obtenir le marché.

La CJUE considère donc que l’action incidente de l’attributaire ne peut pas conduire à écarter le recours d’un soumissionnaire évincé dans l’hypothèse où la régularité de l’offre de chacun des opérateurs est mise en cause dans le cadre de la même procédure, en ce que chacun des concurrents dispose d’un intérêt légitime à obtenir le marché.

Ainsi, eu égard à la circonstance que les recours en exclusion réciproques sont considérés comme équivalents, la juridiction saisie de ces recours ne peut pas déclarer irrecevable le recours en exclusion principal, quand bien même des règles procédurales nationales prévoiraient l’examen prioritaire du recours incident formé par un autre soumissionnaire.

A cet égard, les juges européens précisent que le principe d’autonomie procédurale des Etats membres ne saurait justifier des dispositions internes qui rendent pratiquement impossible l’exercice des droits issus du droit communautaire.

Partant, en application de l’article 1er de la directive 89/665, des règles procédurales nationales ne sauraient priver le soumissionnaire évincé de son droit au recours aux fins de solliciter l’exclusion des autres soumissionnaires.

La CJUE en conclut finalement :

« Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 1er, paragraphe 1, troisième alinéa, et paragraphe 3, de la directive 89/665 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un recours principal introduit par un soumissionnaire ayant un intérêt à obtenir un marché déterminé et ayant été ou risquant d’être lésé par une violation alléguée du droit de l’Union en matière de marchés publics ou des règles transposant ce droit, et visant à l’exclusion d’un autre soumissionnaire soit déclaré irrecevable en application des règles ou des pratiques jurisprudentielles procédurales nationales, qui portent sur le traitement des recours en exclusion réciproques, quels que soient le nombre de participants à la procédure de passation de marché et le nombre de ceux ayant introduit des recours ».

CJUE, 5 septembre 2019, Lombardi Srl c/ Comune di Auletta, Delta Lavori SpA, Msn Ingegneria Srl, aff. C-333/18

11 octobre 2019 - Précisions sur le régime juridique de recouvrement des créances d’origine contractuelle des personnes publiques

Le Conseil d’Etat, dans sa décision Société Valéor du 20 septembre 2019 poursuit la construction d’un régime juridique concernant le recouvrement des créances d’origine contractuelles des personnes publiques.

Il y confirme en substance que, nonobstant le privilège du préalable reconnu aux personnes publiques depuis l’arrêt Préfet de l’Eure (CE, 30 mai 1913, Préfet Eure, Rec. CE 1913, p. 583), en matière de recouvrement des créances d’origine contractuelle, ces autorités disposent d’une option entre émettre un titre à l’encontre de leur débiteur ou s’adresser au juge du contrat.

L’existence d’une telle option avait déjà été exposée dans une décision Société Ryanair Designated Activity Company et société Airport Marketing Services Limited (CE, 15 décembre 2017, Société Ryanair Designated Activity Company et société Airport Marketing Services Limited, req. n° 408550).

Aux termes de cette même décision, il avait par ailleurs été indiqué que ces mêmes collectivités ne peuvent pas saisir le juge d’une demande tendant au recouvrement de ces créances « lorsqu’elles ont décidé, préalablement, à cette saisine d’émettre des titres exécutoires en vue de recouvrer les sommes en litige ».

Par l’arrêt commenté du 20 septembre 2019, le juge de cassation apporte deux nouvelles précisions quant à ce régime particulier.

D’une part, la saisine du juge du contrat peut se faire par le biais d’un référé-provision engagé sur le fondement de l’article R. 541-1 du code de justice administrative et d’autre part, si une personne publique peut s’engager, par une convention, à ce que son pouvoir d’émettre un titre exécutoire à l’encontre de son cocontractant débiteur ne soit, le cas échéant, exercé qu’après qu’aura été mise en œuvre une procédure de conciliation, elle ne peut renoncer contractuellement ni à ce pouvoir ni à sa faculté de saisir le juge administratif dans les conditions rappelées au point précédent.

CE, 20 septembre 2019, Société Valéor, req. n° 419381

 

 

25 octobre 2019 - Réaffirmation du principe de l’effet relatif des contrats pour les tiers dans le cadre d’une action en responsabilité quasi-délictuelle

Le Conseil d’Etat, dans sa décision Société Coopérative Métropolitaine d’Entreprise Générale du 21 octobre 2019 réaffirme le principe selon lequel « les tiers à un contrat administratif ne peuvent (…) se prévaloir des stipulations de ce contrat, à l’exception de ses clauses règlementaires », dans le cadre d’une action en responsabilité quasi-délictuelle.

Il avait déjà eu l’occasion de le formuler dans le cadre d’une décision Union syndicale du Charvet et Union syndicale des Villards (CE, 31 mars 2014, Union syndicale du Charvet et Union syndicale des Villards, req.  n° 360904) en y rappelant par ailleurs la notion de clause règlementaire fondée sur la distinction entre les clauses relatives à l’organisation ou au fonctionnement d’un service public et celles portant sur les relations entre les parties au contrat.

Pour autant dans la décision commentée, le juge de cassation ne revient pas sur la notion de clause règlementaire qu’il a encore récemment clarifiée (CE, 9 février 2018, Communauté d’agglomération Val d’Europe agglomération, req. n° 404982).

Il s’attache effectivement à rappeler le principe de l’effet relatif des contrats administratifs à l’encontre des tiers en soulignant que nonobstant le fait qu’une société ait pu renoncer à toute réclamation dans le cadre d’un avenant transactionnel, une telle renonciation ne veut pas à l’égard des tiers à cet avenant – catégorie à laquelle appartenait les requérants dans l’affaire en question.

Aussi ces derniers ne pouvaient pas se prévaloir de ces stipulations au soutien de leur pourvoi, qui a dès lors été rejeté.

CE, 21 octobre 2019, Société Coopérative Métropolitaine d’Entreprise Générale, req. n° 420086

Droit de l'urbanisme et de l'aménagement

9 octobre 2019 - Installation de panneaux photovoltaïques à proximité de monuments historiques

A la faveur d’une question écrite en date du 27 juin 2019, Monsieur le Député Jean-Louis Masson a exposé les difficultés rencontrées par certaines communes pour concilier le souhait de certains des administrés d’installer sur le toit de leur habitation des panneaux photovoltaïques avec les contraintes résultant de la protection des monuments historiques.

Monsieur le Député interroge le Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales aux fins de savoir si les services chargés de la protection des monuments historiques peuvent s’opposer à l’installation de panneaux photovoltaïques sur le toit de maisons situées à proximité d’immeubles historiques alors même que cette installation ne serait visible ni depuis la voie publique ni en co-visibilité avec le monument historique en question.

Pour répondre à cette question, le Ministère rappelle que, la protection au titre des abords des monuments historiques définie par l’article L. 621-30 du code du patrimoine s’applique aux immeubles situés dans un périmètre délimité c’est-à-dire « un périmètre adapté aux enjeux spécifiques de chaque monument historique et de son environnement ». Etant précisé qu’à défaut de périmètre délimité, la protection au titre des abords s’applique à tout immeuble bâti ou non bâti visible du monument historique ou visible en même temps que lui et situé à moins de 500 mètres.

Le Ministère de la culture rappelle en outre que les travaux susceptibles de modifier l’aspect extérieur d’un immeuble, bâti ou non bâti, protégé au titre des abords sont soumis à une autorisation préalable qui nécessite l’accord de l’architecte des Bâtiments de France en vertu de de l’article L. 621-32 du code du patrimoine.

S’agissant de l’hypothèse dans laquelle un projet serait situé à moins de 500 mètres d’un monument historique mais ne serait pas visible depuis le monument historique ou en même temps que lui, le dossier de demande d’autorisation de travaux n’aurait pas à être soumis à l’accord de l’architecte des Bâtiments de France. Toutefois, le Ministère rappelle que l’architecte des Bâtiments de France est, par ses compétences en matière d’architecture et d’urbanisme, en mesure de formuler des recommandations sur le dossier de demande d’autorisation de travaux.

Le Ministère précise enfin que le dialogue avec les porteurs de projet et les collectivités territoriales devrait être favorisé et qu’une collaboration, en amont des projets, entre les porteurs et les services de l’État permettrait le développement de l’énergie solaire photovoltaïque dans le respect du patrimoine bâti et paysager.

Rép. Min. à Q.E. n°11148, JO AN 26 septembre 2019, p. 4898

 

14 octobre 2019 - Le Conseil d’Etat précise la notion de groupe de constructions traditionnelles ou d’habitations existants

La Commune du Broc a délivré, en juin et juillet 2013, deux permis de construire, respectivement à M. F et à la SCI La Clave. Le premier portait sur l’édification d’une maison d’habitation, le second sur une maison d’habitation avec piscine.

Ces deux décisions ont été déférées à la censure du tribunal administratif de Nice par un particulier et une association.

Si le tribunal administratif a rejeté leur requête, la Cour administrative d’appel de Marseille a annulé le jugement en date du 26 février 2016, et a conséquemment annulé les deux arrêtés de permis de construire qui avaient ainsi été accordés.

La commune et la SCI La Clave ont saisi le Conseil d’Etat d’un pourvoi en cassation tendant à l’annulation de l’arrêt adopté le 28 décembre 2017 par la Cour administrative d’appel de Marseille.

Statuant sur le litige qui lui était soumis, le Conseil d’Etat a eu l’occasion de préciser la notion de « groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants » visée à l’article L.145-3 du code de l’urbanisme dans sa rédaction applicable au litige (dispositions désormais reprises aux articles L. 122-5, L. 122-5-1 et L. 122-6 du même code).

Après avoir rappelé qu’aux termes de ces dispositions l’urbanisation en zone de montagne doit se réaliser en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants, et avoir insisté sur le fait « qu’il appartient à l’autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d’autorisation d’occupation ou d’utilisation du sol mentionnée au second alinéa de l’article L. 145-2 du code de l’urbanisme de s’assurer, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, de la conformité du projet aux dispositions du code de l’urbanisme particulières à la montagne », le Conseil d’Etat précise la notion de « groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants »

Se référant aux travaux préparatoires de la loi du 2 juillet 2003 urbanisme et habitat, qui a modifié les dispositions de l’article L.145-3 du code de l’urbanisme dans sa rédaction applicable au litige, le Conseil d’Etat rappelle que « l’urbanisation en zone de montagne, sans être autorisée en zone d’urbanisation diffuse, peut être réalisée non seulement en continuité avec les bourgs, villages et hameaux existants, mais également en continuité avec les  » groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants  » et qu’est ainsi possible l’édification de constructions nouvelles en continuité d’un groupe de constructions traditionnelles ou d’un groupe d’habitations qui, ne s’inscrivant pas dans les traditions locales, ne pourrait être regardé comme un hameau », et précise que « l’existence d’un tel groupe suppose plusieurs constructions qui, eu égard notamment à leurs caractéristiques, à leur implantation les unes par rapport aux autres et à l’existence de voies et de réseaux, peuvent être perçues comme appartenant à un même ensemble ».

Au cas présent, constatant que la Cour administrative d’appel, « pour juger que les projets litigieux n’étaient pas situés en continuité avec un groupe d’habitations existant … avait relevé que les habitations existantes dans ce secteur, au nombre d’une dizaine, étaient espacées de 25 à 40 mètres et que le secteur n’était pas desservi par les réseaux d’eau et d’assainissement », le Conseil d’Etat ne peut qu’en conclure que la Cour n’a pas commis d’erreur de droit, et rejette ainsi le pourvoi de la commune et de la SCI La Clave.

CE, 2 octobre 2019, Commune du Broc et SCI La Clave, req. n° 418666

23 octobre 2019 - La délivrance d’un permis modificatif abroge l’arrêté ordonnant l’interruption des travaux

Par une décision en date du 16 octobre 2019, le Conseil d’Etat est venu préciser qu’un permis de construire modificatif intervenu postérieurement à un arrêté ordonnant l’interruption de travaux a « implicitement mais nécessairement » eu pour effet d’abroger cet arrêté.

En l’occurrence, le bénéficiaire d’un permis de construire avait fait l’objet d’un arrêté du 5 octobre 2017 ordonnant l’interruption des travaux au motif que ces travaux avaient été effectués en méconnaissance du permis de construire initial qui lui avait été délivré le 10 août 2016. A cet effet, un procès-verbal avait été établi constatant la réalisation de travaux non-conforme.

Le pétitionnaire a introduit un référé-suspension sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative en vue de solliciter la suspension de l’exécution de l’arrêté ordonnant l’interruption des travaux.

Toutefois, à la date du 27 novembre 2017, et donc à la suite de l’arrêté ordonnant l’interruption des travaux, le Maire a délivré à ce même pétitionnaire un permis de construire modificatif régularisant une partie des travaux en cause.

Par une ordonnance du 24 juillet 2018, le juge des référés du Tribunal administratif de Bastia a rejeté la demande du requérant. Ce dernier a dès lors formé un pourvoi en cassation aux fins d’annuler cette ordonnance.

Le Conseil d’Etat, après avoir rappelé les dispositions de l’article L. 480-2 du code de l’urbanisme, considère que l’intervention du permis de construire modificatif a eu « implicitement mais nécessairement pour effet d’abroger l’arrêté ordonnant l’interruption des travaux ».

Le Conseil d’Etat en déduit que la demande de référé introduite par le pétitionnaire et tendant à la suspension de l’exécution de l’arrêté interruptif de travaux était dépourvue d’objet dès lors que cet arrêté devait être regardé comme implicitement abrogé, de sorte que son action était dès lors irrecevable.

Le Conseil d’Etat rejette ainsi le pourvoi introduit par le requérant.

CE, 16 octobre 2019, M.B., req. n°423275

 

28 octobre 2019 - La circonstance que la voie d’accès à un terrain ne serait pas ouverte au public est sans incidence sur la conformité du projet par rapport aux conditions d’accès aux terrains par les véhicules de lutte contre l’incendie et de secours

La Commune de Marseille a délivré le 30 juillet 2015 à la société Ogic un permis de construire portant sur la réalisation d’un immeuble dénommé « L’Eperon blanc », comprenant quinze logements et trente-trois places de stationnement.

L’arrêté en date du 30 juillet 2015 a été déféré à la censure du tribunal administratif de Marseille, lequel en a prononcé l’annulation aux termes d’un jugement en date du 8 février 2018.

La société Ogic et la Ville se sont pourvues en cassation contre ce jugement.

La Haute juridiction considère tout d’abord que la notice jointe au dossier de permis de construire était effectivement insuffisante. Les magistrats de relever en effet que la notice « se bornait à indiquer que  » le projet est desservi par une voie privée avec servitude de passage « , et que le plan de masse mentionnait l’existence d’une  » route « , sans autre précision », et de considérer, « par suite », qu’en « jugeant que le service instructeur n’avait pu se prononcer en toute connaissance de cause pour apprécier le caractère suffisant de la desserte du projet, faute de pièces jointes à la demande de permis de construire indiquant l’emplacement de la servitude de passage et ses caractéristiques, le tribunal a porté sur les faits de l’espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation et n’a pas entaché son jugement d’erreur de droit et d’insuffisance de motivation ».

Le Conseil d’Etat censure en revanche le tribunal administratif qui avait conclu à la méconnaissance des prescriptions de l’article 3 de la zone UR du plan local d’urbanisme de la commune.

Le tribunal administratif de Marseille avait retenu, pour annuler le permis de construire accordé à la société Ogic, que celui-ci avait été délivré en méconnaissance des dispositions de l’article 3 de la zone UR du règlement du plan local d’urbanisme, aux termes desquelles « les constructions à réaliser sont desservies par au moins une voie présentant des caractéristiques suffisantes pour permettre l’accès des véhicules de lutte contre l’incendie et de secours ».

Le tribunal administratif avait en effet conclu à la violation de ces prescriptions dès lors que la voie de desserte du terrain d’assiette était fermée à la circulation publique, et que le pétitionnaire ne justifiait pas, tant dans le dossier de demande de permis de construire, que dans le cadre de l’instance, de l’existence d’un titre créant une servitude de passage permettant la desserte de son terrain par les engins d’incendie et de secours.

 

Après avoir rappelé qu’aux termes des articles L. 1424-2 à L. 1424-4 du code général des collectivités territoriales, les services publics d’incendie et de secours sont, dans le cadre de leurs missions de protection et de secours, en droit d’intervenir sur tout le territoire de la commune, sans que puisse leur être opposé le caractère privé des voies qu’ils doivent emprunter, le Conseil d’Etat précise que « dès lors, pour apprécier les possibilités d’accès de ces services au terrain d’assiette, il appartient seulement à l’autorité compétente et au juge de s’assurer que les caractéristiques physiques d’une voie d’accès permettent l’intervention de leurs engins, la circonstance que cette voie ne serait pas ouverte à la circulation publique ou grevée d »une servitude de passage étant sans incidence ».

Le jugement du tribunal administratif de Marseille est donc annulé en raison de l’erreur de droit qui l’entache, le Conseil d’Etat relevant par ailleurs que le tribunal administratif n’avait pas « recherché, ainsi que cela lui était demandé, si les vices qu’il retenait faisaient obstacle à la régularisation du permis litigieux par un permis modificatif ».

Le jugement est donc annulé, et l’affaire renvoyée au tribunal administratif de Marseille.

CE, 21 octobre 2019, Société Ogic, req. n°419650

30 octobre 2019 - Recours abusif : condamnation d’une association à indemniser le préjudice moral subi par le bénéficiaire d’un permis d’aménager

Par arrêté du 31 octobre 2012, le maire de la commune de Dourdan a accordé à la SCI Les Ménandres un permis d’aménager pour la création de cinq lots destinés à la construction de bâtiments à usage d’habitation.

L’Association des contribuables du Dourdannais en Hurepoix (ci-après, « l’association ») a saisi le Tribunal administratif de Versailles d’une requête aux fins d’annulation de ladite autorisation. Cette demande a été rejetée et assortie d’une condamnation à verser au pétitionnaire la somme de 3.000 euros, sur le fondement des dispositions prévues par l’article L.600-7 du code de l’urbanisme.

Un appel a été interjeté par l’association, lequel a également été rejeté par ordonnance du Président de la 2e chambre de la Cour administrative d’appel de Versailles.

L’association a ensuite formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat. Et, après avoir annulé l’ordonnance, celui-ci a renvoyé l’affaire devant la même juridiction d’appel.

Saisie une nouvelle fois de cette affaire, la Cour administrative d’appel de Versailles commence par énoncer les différentes irrecevabilités qui entachent la demande de l’association.

En effet, en premier lieu, le recours contentieux formé par l’association à l’encontre de la décision implicite de rejet prise par le maire de la commune de Dourdan a été transmis par fax postérieurement au délai de deux mois prévu par l’article R. 421-1 du code de justice administrative. Il est manifestement tardif.

En deuxième lieu, l’association n’a cru devoir répondre à la fin de non-recevoir opposée par la commune lors de l’instruction, et n’a de fait pas justifié de l’habilitation de son président à agir en justice.

En troisième lieu, il résulte des statuts de l’association que son objet social tend à la seule défense des intérêts des contribuables dans plusieurs domaines, et se limite ainsi aux décisions ayant des répercussions pécuniaires pour les contribuables. Or, il n’est pas démontré que la délivrance du permis d’aménager dont il est question comporterait par lui-même un engagement de dépenses pour la commune. Les juges d’appel en concluent donc que l’objet social de l’association n’est pas de nature à lui conférer un intérêt donnant qualité pour agir.

Enfin, en quatrième lieu, l’association a méconnu l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme en s’abstenant de notifier son recours au pétitionnaire.

Ce rappel ayant été effectué, la Cour administrative d’appel de Versailles en vient désormais à l’application de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme. Elle commence ainsi par rappeler que ses dispositions – dont la rédaction a été modifiée par la loi ELAN – sont « d’application immédiate aux instances en cours ».

Pour mémoire, les dispositions de cet article précisent que « lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager est mis en œuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant et qui causent un préjudice au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l’auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel ».

Considérant non seulement que la demande formée par l’association est entachée de plusieurs irrecevabilités et excédant son objet social, mais de surcroît qu’elle ait déjà été déclarée irrecevable à l’encontre d’un précédent recours formé contre un premier permis d’aménager, les juges d’appel retiennent le comportement abusif de la part de l’association, qui a causé un préjudice moral au bénéficiaire du permis d’aménager – lequel, dans l’attente de pouvoir disposer d’un permis ayant acquis un caractère définitif, n’a toujours pas pu mener à bien son projet.

La condamnation de l’association à verser 3.000 euros au bénéfice de la SCI Les Ménandres est donc confirmée.

CAA Versailles, 3 octobre 2019, Association des contribuables du Dourdannais en Hurepoix, req. n° 18VE01741

Droit de la construction

18 octobre 2019 - Le Ministère de l’Economie apporte des précisions relatives à l’hypothèse de la faillite d’une société d’assurance auprès de laquelle a été souscrit un contrat d’assurance dommage ouvrage

A la faveur d’une question écrite posée le 27 juin 2019, le sénateur Monsieur Guillaume Chevrollier a attiré l’attention du Ministère de l’économie sur la situation des promoteurs immobiliers qui avaient souscrit une assurance dommage ouvrage auprès de la compagnie d’assurance danoise Alpha Insurance, laquelle a été déclarée en faillite.

Cette situation a contraint ces promoteurs à souscrire une nouvelle police d’assurance et d’engager de nouveaux frais, ce dans le but de les protéger d’éventuels sinistres. Cependant, ils ont été informés par le liquidateur de la société Alpha Insurance que toute tentative pour se faire rembourser les frais engagés auprès de cette société serait vaine.

Monsieur le sénateur souhaite donc savoir premièrement pourquoi la compagnie d’assurance Alpha Insurance a pu obtenir l’agrément de l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ci-après, l’ « ACPR ») alors même qu’elle ne bénéficiait d’aucune réassurance en cas de liquidation judiciaire. Secondement, il souhaite connaître quelles dispositions ont été prises par le Ministère pour aider les entreprises françaises.

Répondant à cette question, le Ministère de l’économie commence par rappeler que l’ACPR a mis en place sur son site internet une procédure de déclaration de sinistre diffusée aux assurés et aux intermédiaires d’assurance, laquelle comprend une section dédiée aux contrats souscrits auprès de la société Alpha Insurance.

Il assure également que l’ACPR dispose d’un service d’information pouvant informer les assurés lésés dans le cadre de difficultés intervenues dans le cadre de la déclaration de sinistre ou de son traitement.

S’agissant plus précisément de la situation de la société Alpha Insurance, il résulte de la consultation de son site internet que le fonds de garantie a annoncé qu’aucun remboursement des primes d’assurance non courue ne pourrait intervenir avant le 4e trimestre de l’année 2019.

Au demeurant, le Ministère souligne que seuls les sinistres survenus jusqu’au 9 juillet 2018 sont pris en charge par le fonds de garantie, et qu’au-delà de cette date, les sinistres demeurent recouvrables sur la masse générale de la faillite.

Cette situation s’explique par le fait que la société Alpha Insurance commercialisait des contrats d’assurance sous le régime de la libre prestation de services. Or, la libre prestation de service permet à des entreprises du secteur financier d’offrir leurs services sur le territoire d’un autre Etat membre sans y être établie. Dès lors, le contrôle du respect de la solidité financière des organismes d’assurance ayant commercialisé des contrats via ce mécanisme ne relève pas de l’ACPR, mais de l’autorité de contrôle du pays dans lequel l’organisme d’assurance est agréé.

Le Ministère termine sa réponse en expliquant que le fonds de garanties des assurances obligatoires de dommages offre un haut niveau de protection des particuliers victimes d’un dommage en cas de retrait d’agrément d’un assureur dans le secteur de la garantie de dommage aux ouvrages.

En effet, depuis le 1er juillet 2018, le fonds de garanties des assurances obligatoires de dommages prend en charge les contrats nouvellement souscrits ou renouvelés pour des risques situés en France et ce quel que soit le pays d’implantation de l’assureur.

Force est de constater que la protection des particuliers souscripteurs d’une assurance dommages-ouvrage en a été améliorée.

Rép. Min. à Q. E. n° 11117, JO Sénat, 3 octobre 2019, p. 5028