N°8 – Novembre 2019

LA LETTRE DU CABINET

N°8 – Novembre 2019

Droit administratif général

6 novembre 2019 - Précisions concernant les conditions de versement d’une indemnité d’imprévision

Par une décision en date du 21 octobre 2019, le Conseil d’Etat est venu préciser qu’une société n’est pas fondée à solliciter le versement d’une indemnité d’imprévision lorsque les circonstances imprévisibles ne sont pas à l’origine du déficit d’exploitation.

En l’occurrence, la société Alliance était titulaire d’une convention de délégation de service public portant sur l’exploitation et la gestion du service de desserte maritime en fret de l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Par un arrêté en date du 16 septembre 2008, le Préfet avait, en application de la convention de délégation de service public, prononcé la déchéance de cette concession.

Saisi par la société Alliance, le Tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon avait annulé l’arrêté de déchéance et ordonné une expertise en vue de déterminer les causes des difficultés financières rencontrées par la société délégataire.

Par un second jugement, ce même Tribunal avait, d’une part, prononcé la résiliation de la convention de délégation de service public à compter du 1er juillet 2008 au motif du bouleversement de l’économie du contrat et, d’autre part, rejeté les conclusions indemnitaires de la société et qui tendait à l’indemnisation des préjudices résultant des conditions dans lesquelles la convention a été exécutée et pris fin.

Par un arrêt en date du 19 décembre 2017, la Cour administrative d’appel de Bordeaux avait estimé que la société n’était pas fondée à solliciter le versement d’une indemnité d’imprévision. Plus précisément, la Cour administrative avait retenu que « la fragilité financière présentée par la société Alliance dès avant même la signature de la convention a contribué à l’impossibilité dans laquelle cette dernière s’est trouvée d’équilibrer ses comptes ».

Dès lors, la Cour a considéré que la circonstance selon laquelle la société Alliance a été confrontée à une diminution du fret de 16 % par rapport aux prévisions de trafic réalisées lors de l’élaboration de la convention de délégation de service public n’était pas « principalement à l’origine des déficits d’exploitation dont fait état la société requérante, lesquels, comme il vient d’être dit, doivent être regardés comme largement la conséquence de l’état de fragilité financière initiale de la société et des conditions dans lesquelles ont été définis les termes de la délégation ».

La société Alliance a logiquement formé un pourvoi en cassation aux fins de faire annuler l’arrêt précité.

A cette occasion, le Conseil d’Etat rappelle tout d’abord le principe tiré de la jurisprudence Compagnie générale d’éclairage de Bordeaux (CE, 30 mars 1916, req. n°59928) en vertu duquel « une indemnité d’imprévision suppose un déficit d’exploitation qui soit la conséquence directe d’un évènement imprévisible, indépendant de l’action du cocontractant de l’administration, et ayant entraîné un bouleversement de l’économie du contrat ».

Aussi, dans ce cas très précis, le Conseil d’Etat rappelle que le concessionnaire est alors en droit de réclamer une indemnité représentant la part de la charge extracontractuelle que l’interprétation raisonnable du contrat permet de lui faire supporter. Etant précisé que cette indemnité doit être calculée en tenant compte « des autres facteurs qui ont contribué au bouleversement de l’économie du contrat, l’indemnité d’imprévision ne pouvant venir qu’en compensation de la part de déficit liée aux circonstances imprévisibles ».

En l’occurrence, le Conseil d’Etat valide le raisonnement de la Cour administrative d’appel de Bordeaux en retenant que la société Alliance n’était pas fondée solliciter le versement d’une indemnité d’imprécision dès lors que « la part du déficit d’exploitation qui était directement imputable à des circonstances imprévisibles et extérieures ne suffisait pas à caractériser un bouleversement de l’économie du contrat ».

Conseil d’Etat, 21 octobre 2019, Société Alliance, req. n°419155

 

 

 

18 novembre 2019 - Libre prestation de services et liberté d’établissement : censure, par le Conseil d’Etat, de l’interdiction générale et absolue de toute publicité pour les médecins (I) et de leur monopole en matière d’épilation laser ou par lumière pulsée (II)

Par deux décisions rendues les 6 et 8 novembre 2019 (n° 416948 et n° 424954), le Conseil d’Etat a censuré deux refus d’abrogation de dispositions réglementaires opposés par la ministre des solidarités et de la santé dans des matières bien distinctes, sur le fondement de la libre prestation de services.

La première affaire était relative à la conformité, contestée par le médecin auteur du recours, des dispositions de l’article R. 4127-19 du code de la santé publique, prohibant « tous procédés directs ou indirects de publicité et notamment tout aménagement ou signalisation donnant aux locaux une apparence commerciale », avec l’article 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), qui consacre la libre prestation de services.

La requête introduite interrogeait sur le (dés)équilibre retenu par le pouvoir réglementaire français entre plusieurs principes fondamentaux régissant le secteur médical (protection de la santé publique, principe de dignité de la profession médicale, de confraternité entre praticiens et de confiance des malades envers les médecins) et la libre prestation de services.

Il convient de souligner que, par une décision rendue en 2016 sur la même problématique (CE, 4 mai 2016, n° 383548), la Haute-juridiction avait considéré que cette interdiction, en tant qu’elle ne faisait « obstacle ni à la mise à disposition du public par [un] praticien, au-delà des indications expressément mentionnées dans le code de la santé publique telles que celles pouvant figurer dans les annuaires à destination du public ou sur les plaques présentes sur les lieux d’exercice, d’informations médicales à caractère objectif et à finalité scientifique, préventive ou pédagogique, ni à la délivrance d’informations à caractère objectif sur les modalités d’exercice, destinées à faciliter l’accès aux soins », poursuivait un objectif d’intérêt général de bonne information des patients et, par suite, de protection de la santé publique, et qu’elle n’excédait ainsi pas « ce qui est nécessaire pour (…) atteindre » lesdits objectifs. Elle avait conclu que ces dispositions n’étaient pas contraires à l’article 56 du TFUE.

Entre temps, la Cour de justice de l’Union européenne avait, par une décision du 4 mai 2016 (aff. C-339/15), estimé contraire au principe de libre prestation de services l’interdiction générale et absolue de toute publicité relative à des prestations de soins buccaux et dentaires. Eu égard à ce que des restrictions à la libre prestation de services, au même titre qu’à toute autre liberté fondamentale garantie par le traité, ne peuvent être admises « qu’à la condition qu’elles poursuivent un objectif d’intérêt général, qu’elles soient propres à garantir la réalisation de celui-ci et qu’elles n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi » (voir, notamment, arrêt du 12 septembre 2013, Konstantinides, C-475/11), la Cour de Luxembourg avait certes estimé que les objectifs de protection de la santé publique et de protection de la dignité de la profession de dentiste (compte tenu de  l’importance de la relation de confiance devant prévaloir avec le patient) pouvaient être au nombre des raisons impérieuses d’intérêt général susceptibles de justifier de telles restrictions. Malgré la marge d’appréciation laissée aux Etats membres pour décider « du niveau auquel ils entendent assurer la protection de la santé publique », la Cour avait néanmoins jugé que tous types de messages publicitaires n’étaient pas susceptibles, en tant que tels, de produire des effets contraires aux objectifs poursuivis par cette interdiction générale et absolue et que celle-ci excédait, par conséquent, « ce qui est nécessaire pour réaliser les objectifs poursuivis ».

Le Conseil d’Etat, par sa décision du 6 novembre 2019, s’est inscrit dans le sillage de la CJUE, jugeant sobrement que le principe de libre prestation de services, tel qu’interprété par la CJUE, s’oppose « à des dispositions réglementaires qui interdisent de manière générale et absolue toute publicité, telles que celles qui figurent au second alinéa de l’article R. 4127-19 du code de la santé publique ».

Cette solution n’ouvre évidemment pas la voie à tout type de pratique publicitaire au bénéfice des professions du secteur médical, l’illégalité de l’interdiction générale et absolue n’ayant pas pour effet de priver de portée à cet égard les principes fondamentaux qui régissent l’activité médicale (dignité, confiance, confraternité, etc.).

Il appartiendra, cependant, au pouvoir réglementaire français, probablement en concertation avec les instances ordinales du secteur, de définir de manière plus nuancée les pratiques publicitaires interdites, par exemple en s’inspirant du standard qui avait été validé par la CJUE dans l’arrêt précité du 12 septembre 2013 (Konstantinides, aff. C-475/11) prohibant « les publicités pour les services médicaux dont le contenu est contraire à l’éthique professionnelle ».  

La seconde affaire portait sur la validité du monopole de droit réservé aux « docteurs en médecine » par l’article 2 de l’arrêté du 6 janvier 1962 fixant la liste des actes médicaux ne pouvant être pratiqués que par des médecins ou pouvant être pratiqués également par des auxiliaires médicaux ou par des directeurs de laboratoires d’analyses médicales non-médecins, en matière d’épilation autre qu’à la pince ou à la cire. Les dispositions de l’arrêté avaient été contestées, à l’occasion d’une demande d’abrogation, en tant spécifiquement qu’elles portaient sur l’épilation au laser ou à la lumière pulsée.

Après avoir rappelé le régime des restrictions susceptibles d’être apportées à la liberté d’établissement et à la libre prestation de services, la décision souligne que la protection de la santé publique est au nombre des raisons impérieuses d’intérêt général susceptibles de justifier de telles restrictions.

La Haute-juridiction relève, certes, qu’en l’état des connaissances scientifiques, il est établi que la pratique de l’épilation laser ou au moyen de lumière pulsée est susceptible de provoquer des effets indésirables pour la santé et qu’elle expose à des risques qui nécessitent des mesures de prévention. Elle conclut ainsi que la restriction de cette pratique « repose sur des raisons impérieuses d’intérêt général ».

Pour autant, elle estime qu’eu égard à la nature de ces risques, il n’est pas établi que « seul un médecin puisse manipuler, sans risque pour la santé, des appareils à laser ou des appareils à lumière pulsée » et que, par conséquent, des mesures moins attentatoires à la libre prestation de services peuvent garantir la réalisation de l’objectif de santé publique poursuivi par le monopole critiqué.

Orientant déjà la réflexion que devra mener le pouvoir réglementaire, le Conseil d’Etat précise que des mesures tenant, par exemple, à « l’examen préalable des personnes concernées par un médecin », « à l’accomplissement des actes par des professionnels qualifiés sous la responsabilité et la surveillance d’un médecin » pourraient être envisagées.

Il précise, enfin, que l’objectif de protection de la santé publique impose de maintenir un encadrement spécifique de ces pratiques, et enjoint aux autorités compétentes, dans un délai raisonnable, d’abroger les dispositions concernées mais également de définir un encadrement selon des modalités permettant de concilier les préoccupations de santé publique et le respect des règles du droit de l’Union européenne en matière de libre établissement et de libre prestation de services.

CE, 6 novembre 2019, M. B… A…, req. n° 416948, aux tables du recueil Lebon

CE, 8 novembre 2019, M. B… A… et SELARL Docteur B… A…, req. n° 424954, aux tables du recueil Lebon

 

Droit de la commande publique

4 novembre 2019 - Publication du décret n° 2019-1083 du 24 octobre 2019 relatif aux modalités de passation et d’exécution des contrats de service public de transport ferroviaire de voyageurs

En vue de l’ouverture effective à la concurrence des services de transport ferroviaire de voyageurs, l’ordonnance n° 2018-1135 du 12 décembre 2018 portant diverses dispositions relatives à la gestion de l’infrastructure ferroviaire et à l’ouverture à la concurrence des services de transport ferroviaire de voyageurs avait créé, au sein du code des transports, notamment les articles L. 2121-17-1 et L. 2121-17-2, dont l’objet était de définir les conditions de passation et d’exécution des contrats de service public de transport ferroviaire de voyageurs.

Pour mémoire, ces articles avaient déjà précisé qu’étaient applicables à la passation et à l’exécution de ces contrats une part importante des dispositions de droit commun applicables aux contrats de concession (art. L. 3114-1 et L. 3114-4 à L. 3114-6 du code, relatifs notamment aux droits d’entrée, aux redevances et aux tarifs ; l’essentiel des dispositions des articles L. 3131-1 et suivants, relatives à l’exécution des contrats de concession ; l’essentiel du titre Ier et du titre II du livre premier de la troisième partie, relatifs à la préparation et à la procédure de passation du contrat de concession). Parmi les aménagements spécifiques alors prévus, le 3° de l’article L. 2121-17-1 dispose que l’autorité contractante peut prévoir que la procédure de passation, avant une éventuelle négociation, soit structurée “en une ou plusieurs étapes successives de nature à permettre à l’autorité organisatrice de dialoguer avec les candidats admis à participer, en vue de de définir ou de développer les solutions de nature à répondre à ses besoins et sur la base desquelles ces candidats seront invités à remettre une offre”.

S’agissant, spécifiquement, des contrats conclus par des collectivités territoriales, l’essentiel des dispositions du code général des collectivités territoriales relatives à la conclusion des délégations de service public ont également été rendues applicables (délibération sur le principe de la DSP, analyse du rapport du délégataire par l’assemblée délibérante, etc.).

Par décret n° 2019-1083 du 24 octobre 2019, le pouvoir réglementaire est venu préciser les dispositions réglementaires encadrant les modalités de passation et d’exécution de ces contrats, indépendamment de leur qualification (qu’ils satisfassent les critères de qualification d’un marché public ou d’un contrat de concession en vertu du code de la commande publique).

Le décret rend notamment applicables à ces contrats l’essentiel des dispositions réglementaires du titre 3 du livre 1er de la troisième partie du code de la commande publique (relative à l’exécution des contrats de concession).

L’article 2 du décret précise celles des dispositions règlementaires du code relatives à la passation des contrats de concession qui s’appliquent à celle des contrats de service public de transport ferroviaire.

Lorsqu’un dialogue sera organisé par l’autorité organisatrice en vertu du 3° de l’article L. 2121-17-1 susvisé du code de la commande publique, il devra l’être conformément aux articles R. 2161-24, R. 2161-26 et R. 2161-27 du code de la commande publique, relatifs à la procédure de dialogue compétitif).

Ces nouvelles règles s’appliquent, sans préjudice de circonstances spécifiques (voir, notamment, les contrats susceptibles d’être attribués directement à SNCF Mobilités jusqu’au 25 décembre 2023), aux contrats pour lesquels le lancement de la procédure de mise en concurrence intervient à compter de sa publication, le 26 octobre 2019.

Décret n° 2019-1083 du 24 octobre 2019 relatif aux modalités de passation et d’exécution des contrats de service public de transport ferroviaire de voyageurs

 

 

8 novembre 2019 - Précisions sur la validité de la candidature d’une entreprise reprenant une partie des actifs d’un candidat dont la candidature avait été regardée comme ne présentant pas les capacités suffisantes pour exécuter le marché et qui a été placé en liquidation judiciaire à la suite d’un plan de cession

Le Conseil d’Etat, dans sa décision Commune de Chaumont du 21 octobre 2019 est venu rappeler et préciser les conditions d’accès aux marchés publics des entreprises en difficultés.

Il y confirme en substance que, malgré la nécessité de « préserver l’équilibre entre le risque économique pesant sur l’acheteur public et le soutien aux entreprises, notamment celles qui se trouvent en difficulté » (Rép. min., n° 55075, 29 juillet 2014, publiée au JOAN), les entreprises placées en redressement judiciaire ne peuvent candidater à un marché public que lorsqu’elles sont habilitées, par le jugement prononçant leur placement dans cette situation, à poursuivre leur activité pendant la durée de l’exécution du marché. Dans l’hypothèse où l’entreprise candidate à l’attribution d’un marché public a été placée en redressement judiciaire après la date limite fixée pour le dépôt des offres, elle doit en informer sans délai le pouvoir adjudicateur, lequel doit alors vérifier si l’entreprise est autorisée à poursuivre son activité au-delà de la durée d’exécution du marché et apprécier si sa candidature reste recevable. Autrement, le pouvoir adjudicateur ne peut poursuivre la procédure avec cette société (sur le principe : CE, 26 mars 2014, Commune de Chaumont, req. n° 374387 et article L. 2141-3 du Code de la commande publique).

Par l’arrêt commenté, le juge de cassation vient, en outre, clarifier le cas particulier de la candidature d’un opérateur économique qui reprend une partie des actifs d’un candidat dont la candidature avait été regardée comme ne présentant pas les capacités suffisantes pour exécuter le marché et qui a été placé en liquidation judicaire à la suite d’un plan de cession.

Il affirme ainsi que la faculté offerte par la pouvoir adjudicateur aux candidats de compléter leur candidature, prévue par les dispositions du I de l’article 52 du code des marchés publics, a pour seul objet de permettre aux candidats de compléter leur dossier avant l’examen des candidatures dans le cas où des pièces seraient absentes ou incomplètes et qu’elle ne saurait ainsi avoir pour effet de permettre à un tel opérateur de participer à la procédure de passation d’un marché public alors qu’il n’avait pas lui-même présenté sa candidature.

Aussi, après la date limite de remise des offres, un candidat ne saurait se substituer à un autre qui avait déjà candidaté même s’il reprend une partie de ses actifs dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire dans la mesure où leurs capacités professionnelles, techniques et financières ne se confondent pas.

CE, 21 octobre 2019, Commune de Chaumont, req. n° 416616.

13 novembre 2019 - Les dispositions du règlement n° 1370/2007 relatives à l’attribution directe d’un contrat de service public de transport de voyageurs par chemin de fer n’imposent à l’autorité compétente ni la communication aux opérateurs économiques intéressés de l’ensemble des informations nécessaires à l’élaboration d’une offre, ni d’effectuer une analyse comparative des offres reçues

Conformément au règlement n° 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil relatif aux services publics de transport voyageurs par chemin de fer et par route, la Région de Sardaigne a publié, le 29 décembre 2015, un avis de préinformation concernant l’attribution directe des services publics de transport par chemin de fer.

A la suite de cette publication, la Région de Sardaigne a reçu des manifestations d’intérêt provenant de trois opérateurs économiques, en ce compris Trenitalia, opérateur historique. L’un des deux autres opérateurs a sollicité de la Région de Sardaigne l’indication du cadre formel dans lequel se déroulerait la mise en concurrence, ainsi que la communication d’informations plus détaillées.

La Région de Sardaigne, estimant ne pas devoir procéder à une mise en concurrence, a, après négociations, attribué directement à Trenitalia le contrat de service de transport public de voyageurs par chemin de fer régional pour la période allant du 1er novembre 2017 au 31 décembre 2025.

L’Autorità Garante della Concorrenza e del Mercado (ci-après, « l’AGCM ») a formé un recours contre cette attribution directe devant le tribunal administratif régional pour la Sardaigne.

Devant cette juridiction, l’AGCM a soutenu que l’attribution directe d’un contrat de service public de transport de voyageurs devait s’inspirer des principes généraux d’égalité de traitement, de non-discrimination et de transparence. Ainsi, selon l’AGCM, il appartient à l’autorité régionale de mettre à la disposition des opérateurs économiques intéressés toutes les informations nécessaires à la formulation d’une offre commerciale. L’AGCM prétendait également que cette même autorité devait effectuer une analyse comparative des offres déposées par les opérateurs économiques et motiver le choix de l’attribution.

De son côté, la Région de Sardaigne considérait que l’ensemble des exigences procédurales mises à sa charge avaient été respectées, et qu’une analyse comparative des offres se heurterait au principe même de l’attribution directe.

Le tribunal administratif a décidé de surseoir à statuer et de poser les questions préjudicielles suivantes à la Cour de justice de l’Union européenne :

« 1) L’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1370/2007 doit-il être interprété en ce sens qu’il impose à l’autorité compétente qui a l’intention de procéder à l’attribution directe d’un contrat de prendre les mesures nécessaires pour publier ou communiquer à tous les opérateurs éventuellement intéressés par la gestion du service les informations nécessaires pour élaborer une offre sérieuse et raisonnable ?

 

2) L’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1370/2007 doit-il être interprété en ce sens que l’autorité compétente doit, avant de procéder à l’attribution directe du contrat, effectuer une évaluation comparative de toutes les offres de gestion du service éventuellement reçues après la publication de l’avis de préinformation visé au même article 7, paragraphe 4 ? »

Il était donc demandé à la CJUE si les autorités nationales compétentes qui ont l’intention d’attribuer directement un contrat de service public de transport de voyageurs par chemin de fer étaient tenues, d’une part, de publier ou de communiquer aux opérateurs économiques intéressés l’ensemble des informations nécessaires, afin qu’ils soient en mesure d’élaborer une offre suffisamment détaillée et susceptible de faire l’objet d’une évaluation comparative, et, d’autre part, d’effectuer une analyse comparative des offres reçues.

Sur la base des dispositions de l’article 7 du règlement n° 1370/2007, la CJUE relève qu’au plus tard un an avant le lancement de la procédure de mise en concurrence ou un an avant l’attribution directe, l’autorité compétente doit publier au Journal officiel de l’Union Européenne certaines informations (parmi lesquelles le nom et les coordonnées de l’autorité compétente, le type d’attribution envisagé, les services et les territoires concernés par l’attribution).

La CJUE relève également que ce même article impose à l’autorité compétente de communiquer à tout intéressé, les motifs de sa décision relative à l’attribution directe d’un contrat de service public.

Le juge européen en conclut, contrairement à ce que prétendait l’AGCM, que ces dispositions n’imposent pas la publication ou la communication d’informations sur l’attribution qui permettent aux opérateurs économiques intéressés d’élaborer une offre susceptible de faire l’objet d’une évaluation comparative. De même, l’autorité compétente n’est pas tenue d’organiser une évaluation comparative des offres reçues.

En outre, il est précisé que le règlement n° 1370/2007 vise précisément l’attribution directe comme mode d’attribution d’un contrat de service public de transport de voyageurs par chemin de fer à un opérateur de service public.

Ainsi, l’attribution directe ne saurait être précédée d’aucune concurrence préalable.

La CJUE s’en explique d’ailleurs par trois séries d’arguments.

Premièrement, elle rappelle que le règlement n° 1370/2007 n’a pas pour objectif de poursuivre l’ouverture du marché des services ferroviaires, mais bien d’instaurer un cadre légal en matière d’octroi de compensation et/ou de droits exclusifs pour des contrats de service public.

Deuxièmement, elle constate que par les mesures de publicité imposées à l’autorité compétente, le règlement cherche à établir un plus grand degré de transparence pour les contrats de service public attribués directement. Cependant, l’effectivité de ce droit de contestation n’impose pas à l’autorité compétente de publier ou de communiquer aux opérateurs économiques intéressés l’ensemble des informations nécessaires pour que ceux-ci puissent déposer une offre sérieuse et raisonnable.

Troisièmement, le juge européen se réfère à la genèse de l’article 7 du règlement n° 1370/2007, laquelle confirme l’interprétation retenue. Lors des travaux préparatoires précédent l’adoption dudit règlement, une proposition émanant de la Commission allant dans le sens d’une plus grande ouverture à la concurrence n’avait pas été retenue par le législateur.

En conséquence, la CJUE conclut que l’article 7 du règlement n° 1370/2007 « doit être interprété en ce sens que les autorités nationales compétentes qui ont l’intention d’attribuer directement un contrat de service public de transport de voyageurs par chemin de fer ne sont pas tenues, d’une part, de publier ou de communiquer aux opérateurs économiques éventuellement intéressés toutes les informations nécessaires afin qu’ils soient en mesure d’élaborer une offre suffisamment détaillée et susceptible de faire l’objet d’une évaluation comparative et, d’autre part, d’effectuer une telle évaluation comparative de toutes les offres éventuellement reçues à la suite de la publication de ces informations ».

CJUE, 24 octobre 2019, Autorità Garante della Concorrenza e del Mercado c/ Regione autonoma della Sardegna, aff. C-515/18

20 novembre 2019 - Le maître d’ouvrage délégué ne peut pas résilier un marché public

La société de construction et de gestion Midi-Pyrénées, maître d’ouvrage délégué de la région Midi-Pyrénées devenue région Occitanie, a confié à la société C. un lot portant sur une opération de reconstruction d’un lycée pour un montant initial de 3 695 862, 91 euros HT.

Par une lettre du 5 mars 2009, le maître d’ouvrage délégué a mis en demeure la société titulaire du marché en demeure de prendre, sous quinze jours, toutes les dispositions pour achever les prestations relevant du marché.

Par une seconde lettre en date du 16 juin 2009, le maître d’ouvrage délégué a toutefois procédé à la résiliation du marché aux frais et risques de l’entrepreneur.

Dans ce contexte, un marché public de substitution a été confié à la société E.

Par un jugement rendu le 4 juillet 2017, le Tribunal administratif de Toulouse avait condamné la société C. à verser à la Région somme de 834 765,02 euros HT, majorée du taux de TVA applicable aux travaux concernés eu égard aux conséquences onéreuses résultant la résiliation dudit marché. En outre, par ce même jugement, la société C. avait été condamnée au versement d’un montant de pénalités correspondant à un retard de 235 jours dans l’exécution de ce marché.

La société C. a interjeté appel de ce jugement

La Cour administrative d’appel de Bordeaux rappelle en l’occurrence le considérant de principe tiré de la décision Société Travaux Guil-Durance (CE, 15 novembre 2012, req. n° 349840) en énonçant que « si le 4° de l’article 3 de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée, alors en vigueur, permet au maître de l’ouvrage de confier à un maître d’ouvrage délégué la  » signature du contrat de travaux, après approbation du choix de l’entrepreneur par le maître de l’ouvrage  » et la  » gestion du contrat de travaux « , le pouvoir de résiliation, qui excède la gestion du contrat, n’entre pas dans les attributions que le maître de l’ouvrage peut ainsi déléguer».

Au cas présent, la Cour relève que la résiliation du marché a été prononcée le 16 juin 2009 par le maître d’ouvrage délégué, cette dernière n’a été précédée ni d’une délibération du conseil régional ni d’une décision du président du conseil régional.

En effet, la Cour relève que la résiliation a seulement été précédée d’une première lettre adressée au maître d’ouvrage déléguée par le président du conseil régional qui soulignait le caractère urgent de l’achèvement des travaux puis d’une seconde lettre du directeur général des services.

Partant, la Cour administrative d’appel de Bordeaux considère que la société C. est fondée à soutenir que l’auteur de la décision de résiliation du marché n’était pas compétent pour la signer.

Conséquemment, la Cour considère que la société C. est fondée à soutenir que le jugement rendu par le Tribunal administratif de Toulouse s’est à tort fondée sur la résiliation aux frais et risques du titulaire du marché pour la condamner à verser les sommes réclamées.

CAA Bordeaux, 6 novembre 2019, Société C., req. n° 17BX03020, 17BX03021

 

 

22 novembre 2019 - Rappel des conditions de recevabilité de l’appel en garantie du maître d’ouvrage lorsque le décompte général d’un marché public est devenu définitif et précisions sur les modalités d’appréciation du montant de la garantie dont peuvent respectivement être redevables - entre eux - les membres d’un même groupement d’opérateurs économiques

Le Conseil d’Etat, dans sa décision Sociétés Valerian et SOCAFL du 13 novembre 2019, réaffirme le principe selon lequel « la circonstance que le décompte général d’un marché public soit devenu définitif ne fait pas, par elle-même, obstacle à la recevabilité de conclusions d’appel en garantie du maître d’ouvrage contre le titulaire du marché, sauf s’il est établi que le maître d’ouvrage avait eu connaissance de l’existence du litige avant qu’il n’établisse le décompte général du marché et qu’il n’a pas assorti le décompte d’une réserve, même non chiffrée, concernant le litige ».

Il avait déjà eu l’occasion de le formuler dans le cadre d’une décision Société Icade Promotion (CE, 6 mai 2019, Société Icade Promotion, req.  n° 420769) en y rappelant par ailleurs les éléments susceptibles de faire partie du décompte.

Dans le cas d’espèce, le juge de cassation vient cependant censurer l’application de ce principe par la cour administrative d’appel. Il relève en effet que « la circonstance que le maître d’ouvrage n’ait pas inscrit au décompte général du marché de maîtrise d’œuvre les sommes sur lesquelles portent les conclusions d’appel en garantie qu’il présente à l’encontre du groupement de maîtrise d’oeuvre dans le cadre d’un litige l’opposant au groupement titulaire d’un marché de travaux » ne permet pas de déterminer « si le maître d’ouvrage avait eu connaissance de l’existence du litige avant qu’il n’établisse le décompte général du marché de maîtrise d’oeuvre ou si celui-ci avait été assorti d’une réserve, même non chiffrée, concernant ce litige ».

En parallèle, sont clarifiées les modalités d’appréciation du montant de la garantie dont peuvent respectivement être redevables – entre eux – les membres d’un même groupement d’opérateurs économiques. La décision commentée précise ainsi que ce montant doit être évalué au regard de « l’importance des fautes respectives de chaque membre de celui-ci (…) en se fondant, le cas échéant, sur la répartition des tâches prévues dans l’acte d’engagement ». Aussi, la circonstance que les pièces du marché ne prévoyaient pas de répartition des tâches entre les membres du groupement de maîtrise d’œuvre ne saurait justifier que le recours en garantie formé par des membres d’un groupement d’opérateurs économiques à l’encontre d’un autre de leur membre soit écarté.

CE, 13 novembre 2019, Sociétés Valerian et SOCAFL, req. n° 422924.

Droit de l'urbanisme et de l'aménagement

12 novembre 2019 - La délivrance d’un nouveau permis a pour effet de rapporter un précédent permis accordé sur un même terrain

La Commune de Parempuyre a délivré le 18 août 2016 un permis de construire à la SAS Severini Pierres et Loisirs pour la construction d’un ensemble de 74 logements.

Saisi par plusieurs particuliers, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé, par jugement en date du 23 novembre 2017, l’arrêté du 18 août 2016.

La société Severini Pierres et Loisirs a formé le 23 janvier 2018 un pourvoi à l’encontre du jugement émanant du tribunal administratif de Bordeaux.

Cette même société avait néanmoins, lors de l’instruction du contentieux devant le tribunal administratif de Bordeaux, déposé une nouvelle demande de permis de construire auprès de la commune de Parempuyre, et ce pour le même terrain que celui sur lequel avait été autorisé le projet objet de l’arrêté du 18 août 2016.

Un nouveau permis a donc été délivré par arrêté en date du 24 mai 2017, lequel avait acquis un caractère définitif au moment où la société Severini Pierres et Loisirs avait introduit son pourvoi devant le Conseil d’Etat.

Après avoir rappelé les dispositions de l’article L.424-5 du code de l’urbanisme aux termes desquelles passé le délai de 3 mois à compter de date de son édiction, un permis peut être retiré sur demande expresse de son bénéficiaire, le Conseil d’Etat considère que le pourvoi de la société pétitionnaire est dépourvu d’objet, et par suite irrecevable.

Se référant en effet au nouveau permis de construire sollicité par la société pétitionnaire portant sur le même terrain que celui objet du permis de construire initial, le Conseil d’Etat retient que « la délivrance de ce nouveau permis de construire a, nécessairement eu pour effet, sur la demande de son bénéficiaire, de rapporter le permis de construire accordé par l’arrêté du 18 août 2016 ».

Aussi, à la date à laquelle le pourvoi a été enregistré, le permis de construire avait été rapporté, en sorte que le pourvoi était dépourvu d’objet, et était de ce fait irrecevable.

CE, 6 novembre 2019, SAS Severini Pierres et Loisirs, req. n°417552.

 

 

 

25 novembre 2019 - Un maire ne peut exercer son droit de préemption en vue de la création d'une zone d'aménagement des crues et de l'installation d'un service municipal au sein du bâtiment préempté, dès lors que ces opérations n’ont pas la nature d'une opération d'aménagement au sens des dispositions de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme

Des particuliers ont signé un compromis de vente pour l’achat d’une maison d’habitation située sur le territoire de la Commune de Six-Fours-les plages.

Le Maire de la Commune a cependant décidé d’exercer son droit de préemption sur cette propriété, et ce en vue d’aménager une zone d’expansion des crues et de mettre en place un service municipal au sein du bâtiment préempté, et ce après l’avoir réhabilité.

La décision en date du 18 mars 2015 par laquelle le Maire a décidé de préempter la propriété en cause a été déférée devant le tribunal administratif de Toulon par le couple qui désirait acquérir cette propriété et qui était titulaire du compromis de vente.

Le tribunal administratif de Toulon ayant annulé la décision en date du 18 mars 2015, la commune a interjeté appel du jugement qui lui était défavorable.

Pour se prononcer sur la légalité de la décision de préemption en cause, la Cour administrative d’appel de Marseille commence par rappeler les dispositions des articles L.210-1 du code de l’urbanisme qui prévoient que « les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l’intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l’article L. 300-1 à l’exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d’aménagement »

Une fois ces dispositions rappelées, la Cour cite les dispositions de l’article L.300-1 du code de l’urbanisme qui énumère les objets auxquels doivent répondre les actions ou opérations en vue desquelles le droit de préemption peut être exercé :

« Les actions ou opérations d’aménagement ont pour objet de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l’habitat, d’organiser le maintien, l’extension ou l’accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d’enseignement supérieur, de lutter contre l’insalubrité et l’habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels ».

Et la Cour de préciser qu’il « résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d’une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l’exercent, de la réalité d’un projet d’action ou d’opération d’aménagement répondant aux objets mentionnés à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n’auraient pas été définies à cette date, et, d’autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en œuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l’objet de l’opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant ».

Or, dans le cas d’espèce, la Cour, suivant en cela le raisonnement précédemment adopté par le tribunal administratif de Toulon, estime que les conditions posées par l’article L.300-1 du code de l’urbanisme ne sont pas réunies.

Si elle considère que la création d’une zone d’aménagement des crues, qui consiste en un moyen de lutter contre les inondations, revêt un caractère d’intérêt général, tout comme l’installation d’un service municipal, elle juge néanmoins que ces actions n’ont pas la nature d’une opération d’aménagement au sens des dispositions de l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme.

La Cour relève en effet que « la création d’une zone d’expansion des eaux n’est pas directement liée à la réalisation de l’orientation d’aménagement et de programmation N° 7 qui consiste à créer des constructions à vocation résidentielle, des jardins et des espaces verts dans le quartier Mégier de part et d’autre de l’avenue Laënnec » et « que l’acquisition d’un bâtiment pour y installer des fonctionnaires municipaux n’a pas la nature d’un équipement public au sens de ces dispositions ».

Les conditions posées par l’article L.300-1 du code de l’urbanisme n’étant pas réunies, la Cour rejette l’appel de la commune après avoir confirmé l’illégalité de la décision du 18 mars 2015.

CAA Marseille, 18 novembre 2019, Commune de Six-Fours-les-plages, req. n° 17MA04986

27 novembre 2019 - L’illégalité de la demande de pièces complémentaires effectuée par une commune dans le cadre de l’instruction d’une demande de déclaration préalable ne rend pas pour autant illégale le refus opposé à cette demande

En vue de la réfection de son hangar situé sur le territoire de la commune de l’Ile d’Yeu, un particulier a déposé une déclaration préalable de travaux auprès de la commune.

Une demande de pièces complémentaires lui a été adressée en cours d’instruction de cette déclaration, demande tendant à ce que le pétitionnaire complète son dossier en fournissant une notice de présentation des matériaux utilisés et des modalités d’exécution des travaux d’une part, ainsi qu’un dossier d’évaluation des incidences du projet sur un site Natura 2000 d’autre part.

Si ces pièces complémentaires ont été transmises par M. A, le maire de la commune de l’Ile d’Yeu s’est opposé à la déclaration de préalable de travaux par arrêté du 26 août 2013.

Cet arrêté ayant été déféré à la censure du juge administratif sur demande de M. A, le Tribunal administratif a annulé l’arrêté litigieux, cependant que la Cour administrative d’appel a annulé le jugement rendu en première instance.

  1. A s’est donc pourvu en cassation.

Après avoir cité les dispositions prévues par les articles R. 425-17 et R. 421-1 du code de l’urbanisme, le Conseil d’Etat relève, eu égard à l’état délabré du bâtiment, que les travaux déclarés par M. A doivent être regardés comme une reconstruction soumise à l’obtention d’un permis de construire. Ainsi, les juges d’appel n’ont commis aucune erreur de droit en considérant que le maire s’était opposé à bon droit à la déclaration préalable de travaux déposée par M. A.

Par ailleurs, aux visas des articles R. 423-23, R. 424-1, R. 423-22, R. 423-38, R. 423-39, R. 431-36, R. 431-16 du code de l’urbanisme, le Conseil d’Etat rappelle le principe selon lequel en l’absence de notification expresse de l’administration ou d’une demande de pièces complémentaires, une décision de non-opposition à déclaration préalable naît tacitement un mois après son dépôt.

Seulement, en cas de demande de pièces complémentaires, ce délai est interrompu sous réserve que cette demande soit intervenue dans le délai d’un mois et qu’elle porte sur l’une des pièces limitativement énumérées par le code de l’urbanisme. A défaut, autrement dit si la demande de pièces complémentaires porte sur la production d’une pièce qui ne peut être requise, celle-ci est de nature à entacher d’illégalité la décision tacite d’opposition. Pour autant, cette illégalité n’a pas pour effet de rendre le pétitionnaire titulaire d’une décision implicite de non-opposition.

Le Conseil d’Etat précise également que dans le cas où, en réponse à la demande de pièces complémentaires, le pétitionnaire fournit une pièce qui a été indument demandée par le service instructeur, cette irrégularité n’est pas en elle-même de nature à entraîner l’illégalité de la décision refusant de faire droit à la demande d’autorisation. Toutefois, le refus d’accorder l’autorisation demandée ne peut pas être fondé sur une pièce communiquée par le pétitionnaire qui ne figure pas dans la liste limitative.

Or, en l’espèce, pour fonder la décision d’opposition à la déclaration préalable de M. A, le maire de la commune de l’Ile d’Yeu ne s’est pas fondé sur les pièces complémentaires demandées indument. Aussi, le Conseil d’Etat en conclut que la Cour administrative d’appel n’a commis aucune erreur de droit et rejette par voie de conséquence le pourvoi formé par M. A.

CE, 13 novembre 2019, M. A, req. n° 419067

Droit de la fonction publique

15 novembre 2019 - En l’absence de service fait par un fonctionnaire territorial, la commune est fondée à procéder à une retenue sur le traitement de celui-ci

Par décision du 1er juillet 2016, le maire de la commune de Pointe-à-Pitre a infligé une retenue sur traitement égale à 7/30e à l’encontre de M. A, adjoint technique de 2e classe affecté au service propreté urbaine de cette commune, pour service non fait du jeudi 2 juin au mercredi 8 juin 2016.

Sur demande de M. A, cette décision a été déférée à la censure du Tribunal administratif de la Guadeloupe. Par jugement du 24 mai 2017, les juges de première instance ont annulé la décision querellée.

La commune a interjeté appel devant la Cour administrative d’appel de Paris.

Après avoir énoncé les dispositions prévues par l’article 87 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ainsi que celles de l’article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, la Cour administrative d’appel rappelle le principe selon lequel l’administration est tenue de suspendre le versement du traitement du fonctionnaire qui, de son propre fait, n’accomplit pas son service, et ce jusqu’à la reprise effective du service par l’intéressé.

Or en l’espèce, la retenue sur le traitement opérée par la commune trouve son fondement dans l’absence de service fait par M. A du jeudi 2 juin au mercredi 8 juin 2016, absence au demeurant constatée par la feuille de pointage produite par la commune lors de l’instruction.

Constatant donc l’absence de service fait durant ces journées, les juges d’appel considèrent que la commune a, à bon droit, procédé à la retenue sur traitement de M. A, et n’a pas commis d’erreur de droit, contrairement à ce qu’ont estimé les juges de première instance, en ne recherchant pas si l’agent avait ou non entendu participer au mouvement de grève alors en cours au sein des personnels communaux.

En effet, M. A soutenait pour toute défense qu’il avait été empêché d’accéder à l’hôtel de ville en raison du mouvement social. Cependant, la Cour administrative d’appel relève que celui-ci n’a produit aucun élément probant à l’appui de cette allégation et qu’il n’avait pas pris la peine de contacter la commune pour l’informer de difficultés pour accéder à son lieu de travail. Pire, en sa qualité d’agent technique des espaces verts secteur sortie Sud-Est, le lieu de travail de M. A ne se trouvait pas à l’hôtel de ville, mais à l’atelier Miquel. En outre, un procès-verbal de contravention dressé par la police municipale le 3 juin 2016 établit que M. A avait participé au blocage de l’hôtel de ville.

Dès lors, eu égard aux éléments de droit et de fait soutenus par la commune et non contredits par M. A lors de la procédure d’appel, lequel doit être considéré comme les ayant acquiescés, la Cour administrative d’appel annule pour erreur de droit le jugement par lequel le tribunal administratif avait annulé la décision pris par le maire de la commune le 1er juillet 2016 de procéder à une retenue égale à 7/30e sur le traitement de M. A.

CAA Paris, 6 novembre 2019, M. A,, req. n° 17PA22592

29 novembre 2019 - L’administration n’est pas fondée à refuser la revalorisation de la rémunération d’un agent public en détachement dès lors qu’elle s’y était engagée par écrit lors de son recrutement

La communauté de communes du Lautrécois-Pays d’Agout a recruté par la voie du détachement Monsieur C, cadre infirmier de santé, pour exercer les fonctions de directeur de l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (ci-après, « l’EHPAD ») « Résidences La Grèze » à Montdragon, à compter du 1er septembre 2009 et pour une durée initialement fixée à un an.

Après la fin de son détachement, intervenu en juin 2014, Monsieur C a sollicité du Tribunal administratif de Toulouse la réparation du préjudice qu’il estime avoir subi du fait de l’absence de revalorisation de sa rémunération, en dépit de la promesse écrite qui lui avait été faite par le président de la communauté de communes.

Les juges de première instance ayant rejeté sa demande indemnitaire, Monsieur C a interjeté appel devant la Cour administrative d’appel de Bordeaux.

Cette dernière relève que l’appelant se prévaut d’une part d’un courrier du président de la communauté de communes daté du 25 mai 2009 lui annonçant sa nomination au poste de directeur de l’EHPAD de Montdragon et qu’il percevra à cet effet une rémunération nette mensuelle de 2.800 euros, laquelle sera ensuite portée à un montant net mensuel de 3.000 euros dans le délai de 6 mois si Monsieur C donne satisfaction. D’autre part, Monsieur C fait état d’un arrêté du 10 août 2009 pris par le président de la communauté de communes le nommant au grade d’infirmier cadre de santé par la voie du détachement pour une période d’un an, et ce, en vue d’occuper les fonctions de directeur de l’EHPAD.

Or, n’ayant jamais bénéficié de la revalorisation de sa rémunération en raison de la promesse non tenue, Monsieur C évalue son préjudice à la somme de 200 euros sur 58 mois, soit 11.600 euros.

En défense, les juges d’appel constatent que si la communauté de communes ne conteste ni l’engagement qu’elle a pris par le courrier du 25 mai 2009, ni que l’augmentation de la rémunération de Monsieur C n’ait jamais été effectuée, celle-ci se retranche derrière le fait que la condition à laquelle était subordonnée la mise en œuvre de cette promesse n’ait pas été réalisée.

A cet égard, la communauté de communes met en avant plusieurs motifs.

Elle invoque premièrement une utilisation à des fins personnelles du véhicule de service par Monsieur C, ainsi que l’attribution par ses soins de six astreintes mensuelles au lieu de quatre, lui permettant de compenser son niveau de rémunération.

La Cour administrative d’appel précise toutefois que ces circonstances sont sans incidence sur l’engagement qu’elle avait pris lors du recrutement de cet agent, et ce d’autant plus qu’elles n’ont été relevées qu’après le changement de président de la communauté de communes en 2014 et que Monsieur C avait été renouvelé dans ses fonctions jusqu’en juin 2014, si bien que la communauté de communes aurait parfaitement pu mettre fin à ces pratiques avant cette date.

Au surplus, l’agent justifie qu’il a pleinement donné satisfaction à la communauté de communes par la production d’attestations et de fiches de notation. Ainsi, le fait que la fiche de notation établie pour l’année 2013 établisse que Monsieur C devait se perfectionner en matière de gestion comptable et financière, ainsi que la fiche de notation au titre de l’année 2014 ne soit pas produite ne sont pas de nature à remettre en cause le bon exercice des fonctions par l’agent, dès lors que l’engagement pris par la communauté de communes devait être mis en œuvre au plus tard 6 mois après le début d’activité de Monsieur C.

Deuxièmement, les juges d’appel rejettent le motif selon lequel le statut de Monsieur C ne permettait pas de procéder à l’augmentation de sa rémunération, en ce que la communauté de communes d’une part ne précise pas si l’appelant relevait de la fonction publique hospitalière ou de la fonction publique territoriale avant son détachement, et d’autre part que le courrier du 25 mai 2009 évoque le montant de la rémunération et non du seul traitement.

Et, l’allégation selon laquelle l’agent ait attendu la fin de son détachement pour effectuer sa demande indemnitaire est tout autant rejetée.

La Cour administrative d’appel de Bordeaux considère donc que Monsieur C est fondé à solliciter la réparation de son préjudice, évalué à 10.400 euros, et annule en conséquence le jugement rendu par le Tribunal administratif de Toulouse aux termes duquel la requête de Monsieur C avait été rejetée.

CAA Bordeaux, 18 novembre 2019, M. C, req. n° 17BX01397


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