29 mai 2020 - La signature précipitée d’un marché par un acheteur, postérieurement à la notification d’un référé précontractuel, constitue un manquement que le juge du référé contractuel doit sanctionner
Par une décision en date du 27 mai 2020, le Conseil d’Etat est venu juger que la signature précipitée d’un marché par un acheteur, postérieurement à la notification de l’introduction d’un référé précontractuel par un concurrent évincée, constitue une violation que le juge du référé contractuel doit sanctionner sur le fondement de l’article L. 551-20 du code de justice administrative.
En l’espèce, la collectivité territoriale de Martinique avait engagé une consultation en vue de la conclusion d’un accord-cadre de prestations de nettoyage de locaux et de sites découpé en neuf lots. La société Clean Bulding s’est portée candidate à l’attribution de plusieurs lots, son offre ayant été retenue pour le lot 8 et rejetée pour les lots 1 à 6 ainsi que le lot 9.
La société Clean Bulding a introduit un référé précontractuel tendant à l’annulation de la procédure de passation du marché pour les lots qui ne lui ont pas été attribués. Le 6 septembre 2019, par le biais de son conseil, la société Clean Bulding a adressé, en début de matinée, à la collectivité territoriale de Martinique la notification du dépôt de la requête en référé.
Par une ordonnance en date du 30 septembre 2019, le juge des référés a considéré qu’il n’y avait pas lieu à statuer dès lors que les marchés querellés avaient été signés, tout en rejetant également le surplus des conclusions présentées en cours d’instance par la requérante sur le fondement de l’article L. 551-13 du code de justice administrative.
La société Clean Bulding s’est pourvue en cassation aux fins d’obtenir l’annulation de l’ordonnance précitée.
Dans cette affaire, le Conseil d’Etat, après avoir rappelé que le délai de suspension court à compter de la réception par l’acheteur de la notification de l’introduction d’un référé, relève que le contrat litigieux avait été signé le 6 septembre 2019, dans la matinée, soit postérieurement à la communication de la télécopie et du courrier d’avocat lui notifiant son référé précontractuel.
A cet égard, le Conseil d’Etat considère que le juge du référé contractuel qui constaterait une méconnaissance de l’article L. 551-4 du code de la justice administrative – en vertu duquel un contrat ne peut pas être signé à compter de la saisine du tribunal administratif – doit nécessairement tirer les conséquences qui en découlent et, conséquemment, prononcer une sanction sur le fondement de l’article L. 551-20 de ce même code :
« Le marché a ainsi été signé par la collectivité en méconnaissance de l’obligation prévue à l’article L. 551-4 du code de justice administrative. Par suite, alors même qu’il avait rejeté les conclusions de la société Clean Building présentées sur le fondement de l’article L. 551-18 du code de justice administrative, le juge du référé contractuel du tribunal administratif était tenu de prononcer l’une des sanctions prévues à l’article L. 551-20 du même code. En s’abstenant de prononcer l’une d’entre elles, il a commis une erreur de droit ».
Aussi, sur ce point, le Conseil d’Etat considère qu’il résulte de l’instruction que la collectivité territoriale de Martinique a signé le contrat litigieux alors même qu’elle avait connaissance de l’introduction d’un référé précontractuel, de sorte qu’« il y a lieu, dans ces conditions, de lui infliger une pénalité financière d’un montant de 10 000 euros en application des dispositions de l’article L. 551-20 du code de justice administrative au titre de la passation des lots n°s 1 à 6 et du lot n° 9 »
Partant, le Conseil d’Etat censure l’ordonnance rendue par le Tribunal administratif de La Martinique le 30 septembre 2019 tout en annulant le lot n°7 et en condamnant la Collectivité Territoriale de Martinique, sur le fondement de l’article L. 551-20 du code de justice administrative, à une pénalité financière d’un montant de 10.000 euros au titre de la passation des lots n°1 à 6.
CE, 27 mai 2020, Société Clean Bulding, req. n°435982
25 mai 2020 - Encourt la cassation, le jugement rendu en dernier ressort par lequel le juge fait droit aux prétentions d’une partie en se fondant exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée de manière non contradictoire
En qualité de maître d’ouvrage, M. X a conclu un marché avec la société Y B portant sur la réfection d’un escalier extérieur. Ayant refusé de régler le solde, l’assureur du constructeur a diligenté une expertise qui s’est déroulée de façon contradictoire et qui a conclu à l’absence de malfaçons.
Insatisfait des conclusions de cette expertise, M. X a fait réaliser une nouvelle expertise, sans que la société Y B ainsi que son assureur ne soient convoqués, aux termes de laquelle il a été considéré que des travaux de reprise étaient nécessaires.
Le tribunal d’instance de Dijon a, par deux jugements rendus en dernier ressort les 12 septembre 2018 et 6 mars 2019, a condamné la société Y B à payer à M. X une somme au titre des malfaçons.
La société Y B a formé un pourvoi en cassation fondé sur deux moyens.
Premièrement, la société Y B reproche au tribunal d’instance de l’avoir condamnée en se fondant sur une expertise non judiciaire réalisée à la seule demande de M. X, et à laquelle elle n’avait pas été conviée.
Au visa de l’article 16 du code de procédure civile, la Cour de cassation précise que « hormis les cas où la loi en dispose autrement, le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l’une des parties, peu important qu’elle l’ait été en présence de celles-ci ».
Ce faisant, la troisième chambre civile considère que le tribunal d’instance a méconnu ce texte en retenant la responsabilité de la société Y B et en la condamnant à réparation au profit de M. X, en se fondant exclusivement sur les conclusions d’une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l’une des parties par un technicien de son choix, et ce alors que la société Y B n’y avait pas été régulièrement appelée.
Secondement, la société Y B fait grief au jugement d’avoir rejeté sa demande de versement du montant du solde des travaux qu’elle a réalisés au bénéfice de M. X.
Au visa de l’article 1149 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, la Cour de cassation rappelle le principe selon lequel « les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu’il en résulte pour elle ni perte ni profit ».
En effet, c’est sur le fondement du rapport d’expertise non judiciaire et non contradictoire que le tribunal a considéré que des travaux de reprise de l’escalier étaient indispensables.
Or, en décidant d’indemniser intégralement M. X des conséquences des manquements contractuels de la société Y B, sans toutefois condamner celui-ci à verser le solde des travaux exécutés par l’entrepreneur, le tribunal a réparé deux fois le même préjudice.
En conséquence, la troisième chambre civile casse et annule les jugements déférés et renvoie l’affaire devant le tribunal judiciaire de Dijon.
Cass., 3e civ., 14 mai 2020, n° de pourvoi 19-16278 et 19-16279
22 mai 2020 - Rappel de la compétence de principe de la juridiction administrative pour connaître d’un litige opposant un régisseur ayant le statut de personnel non statutaires travaillant pour le compte d'un service public à caractère administratif géré par une personne publique
Le Tribunal des conflits, dans sa décision M. Olivier L. c/ Commune de Meudon du 11 mai 2020, vient rappeler la compétence de principe de la juridiction administrative pour connaître d’un litige opposant un régisseur ayant le statut de personnel non statutaires travaillant pour le compte d’un service public à caractère administratif géré par une personne publique à cette même personne publique.
Il avait déjà eu l’occasion d’affirmer dans le cadre d’une décision Préfet de la région Rhône-Alpes que les personnels non statutaires travaillant pour le compte d’un service public à caractère administratif sont des agents contractuels de droit public quel que soit leur emploi et relève ainsi de la compétence de la juridiction administrative (TC, 25 mars 1996, Préfet de la région Rhône-Alpes, req. n° 03000).
Par l’arrêt commenté, la juridiction rappelle que ce principe s’applique « sauf dispositions législatives contraires » (TC, 6 juin 2011, M.B, req. n° 3792), telles que les dispositions de l’article L.7121-3 du code du travail.
Cet article implique que le contrat par lequel une collectivité publique gérant un service public administratif et agissant en qualité d’entrepreneur de spectacle vivant, engage un artiste du spectacle en vue de sa participation à un tel spectacle, est présumé être un contrat de travail soumis aux dispositions du code du travail (TC, 6 juin 2011, M.B, req. n° 3792).
Pour autant, au cas d’espèce, le Tribunal des conflits vient écarter son application dans la mesure où il considère que le requérant qui avait été engagé, par contrats à durées déterminées, par la commune de Meudon en qualité de régisseur à l’occasion de spectacles organisés par le centre d’art et de culture a uniquement « exercé des fonctions de régisseur » et ne saurait dès lors être regardé comme un artiste de spectacle.
Dans ces conditions, les contrats conclus par l’agent en question n’entraient pas dans le champ de la présomption de l’article de l’article L.7121-3 précité et le litige relevait de la compétence de la juridiction administrative.
TC, 11 mai 2020, M. Olivier L. c/ Commune de Meudon, req. n° 4180.
11 mai 2020 - Indépendamment de la prolongation de l’état d’urgence sanitaire, le Gouvernement confirme que les délais applicables en matière d’urbanisme, d’aménagement et de construction reprendront le 24 mai 2020
Pour mémoire, la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 a instauré l’état d’urgence sanitaire sur l’ensemble du territoire national pour une période de deux mois, soit jusqu’au 23 mai inclus.
Pour faire face à cette situation, l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période a mis en place un dispositif de report de divers délais, notamment en matière d’urbanisme, d’aménagement et de construction.
Malgré la très probable prolongation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 juillet 2020 (à la date de rédaction de cet article, la loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire n’a pas encore été promulguée), le Gouvernement vient de préciser que le droit de l’urbanisme n’en serait pas affecté.
En effet, l’ordonnance n° 2020-539 du 7 mai 2020 fixant des délais particuliers applicables en matière d’urbanisme, d’aménagement et de construction pendant la période d’urgence sanitaire a été publiée au journal officiel du 8 mai 2020 afin de préciser et confirmer les ordonnances n° 2020-306 du 25 mars 2020, n° 2020-427 du 15 avril 2020 et ° 2020-460 du 22 avril 2020 (voir notre actualité à ce sujet).
Ainsi, afin notamment d’éviter la paralysie du secteur de la construction et de favoriser la relance de l’économie, l’ordonnance du 7 mai 2020 prévoit :
Le point de départ des délais de recours et déférés préfectoraux qui auraient dû commencer à courir entre le 12 mars 2020 et le 24 mai 2020 est reportée à l’achèvement de celle-ci.
L’ordonnance n° 2020-539 du 7 mai 2020 précise également que ce régime s’applique « aux recours formés à l’encontre des agréments prévus à l’article L. 510-1 du code de l’urbanisme lorsqu’ils portent sur un projet soumis à autorisation d’urbanisme ainsi qu’aux recours administratifs préalables obligatoires dirigés contre les avis rendus par les commissions départementales d’aménagement commercial dans les conditions prévues au I de l’article L. 752-17 du code de commerce ».
Parallèlement à ce qui a été précédemment exposé, le point de départ des délais d’instruction des autorisations d’urbanisme qui auraient dû commercer à courir entre le 12 mars 2020 et le 24 mai 2020 est reportée à l’achèvement de celle-ci.
Au demeurant, l’article 12 ter de l’ordonnance n° 2020-306 est modifié par l’ajout de la précision selon laquelle ce régime de suspension s’applique « aux délais impartis à l’administration pour vérifier le caractère complet d’un dossier ou pour solliciter des pièces complémentaires dans le cadre de l’instruction ».
Enfin, l’ordonnance n° 2020-539 du 7 mai 2020 aligne le régime du retrait des autorisations d’urbanisme sur celui de leur instruction. A cet effet, il est prévu que les règles de suspension s’appliquent « au délai dans lequel une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou une autorisation d’urbanisme tacite ou explicite peut être retirée, en application de l’article L. 424-5 du code de l’urbanisme ».
De la même manière, le point de départ des délais relatifs à l’exercice du droit de préemption qui auraient dû commencer à courir pendant la période comprise entre le 12 mars et le 24 mai 2020 sont reportés et ne commencera à courir qu’à compter de cette dernière date.
13 mai 2020 - Covid-19 : le Conseil Constitutionnel rend sa décision concernant le projet de loi de prorogation de l’état d’urgence sanitaire
Le Conseil Constitutionnel a été saisi par le Président de la République, le Président du Sénat, 60 députés et 60 sénateurs concernant plusieurs dispositions de la loi portant prorogation de l’état d’urgence sanitaire.
Était notamment contestée devant lui la constitutionnalité des dispositifs relatifs à l’engagement de la responsabilité pénale en cas de catastrophe sanitaire, le régime de mise en quarantaine ou à l’isolement, ainsi que le régime de collecte de données instaurés par la loi.
Pour l’essentiel, ces dispositifs avaient été amendés et précisés par le Sénat dans sa première lecture (voir brève précédente à ce sujet).
Dans sa décision n° 2020-800 DC du 11 mai 2020, le Conseil constitutionnel a validé plusieurs dispositions critiquées (responsabilité pénale et plusieurs aspects de l’état d’urgence sanitaire), mais censuré partiellement et émis des réserves d’interprétation sur les traitements de données à caractère personnel de nature médicale aux fins de traçage et sur les mesures de quarantaine et d’isolement.
S’agissant, tout d’abord, des conditions d’engagement de la responsabilité pénale en cas de catastrophe sanitaire (modification apportée à l’article L. 3136-2 du code de la santé publique), auxquelles il était reproché d’exonérer certains « décideurs » (élus, dirigeants de sociétés, etc.) de leur responsabilité, le Conseil a considéré que la loi ne faisait que se rapporter au régime pénal de droit commun et qu’elle n’entrainait ainsi aucune différence de traitement contraire au principe d’égalité, ses dispositions n’étant, par ailleurs, pas entachées d’incompétence négative.
S’agissant, ensuite, des mesures relatives aux transports, aux établissements recevant du public, aux lieux de réunion et aux réquisitions, que le Premier ministre est habilité à prendre en cas d’état d’urgence sanitaire, et qui étaient contestées au regard de plusieurs libertés et droits individuels (liberté d’aller et venir, respect de la vie privée, et liberté d’entreprendre), le Conseil constitutionnel rappelle que la Constitution n’exclut pas la possibilité, pour le législateur, de prévoir un état d’urgence sanitaire. Il précise qu’il appartient toutefois au législateur d’assurer alors la conciliation entre l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé et les autres droits et libertés reconnus par la Constitution. Reconnaissant, ensuite, l’existence d’atteintes à la liberté d’aller et venir et à la liberté d’entreprendre, le Conseil juge néanmoins qu’une conciliation équilibrée a été opérée par le législateur entre les normes en jeu, notamment au regard des garanties procédurales et de l’exigence de proportionnalité qui s’appliquent aux mesures susceptibles d’être édictées. Le texte est ainsi jugé conforme à la Constitution sur ces aspects.
La décision est, ensuite, nettement plus critique sur le texte soumis à son examen, sur les dispositions relatives aux mesures de mise en quarantaine et de placement en isolement.
Le Conseil Constitutionnel a qualifié ces mesures de privatives de liberté ; celles-ci consistant en un isolement complet des personnes visées avec interdiction de toute sortie. Le Conseil souligne que l’obligation imposée à une personne de rester à son domicile plus de 12 heures par jour est également constitutive d’une privation de liberté.
Ce faisant, le Conseil a contrôlé la conformité desdites mesures à l’article 66 de la Constitution, qui dispose que « Nul ne peut être arbitrairement détenu. L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi », rappelant sa jurisprudence constante selon laquelle les « atteintes portées à l’exercice de cette liberté doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis ».
En l’espèce, le Conseil a considéré qu’eu égard aux conditions de mise en œuvre de la quarantaine (tout particulièrement la nécessité d’aval médical et son délai limité de 14 jours), ce régime était équilibré.
Cependant, sur le contrôle juridictionnel de l’application de ces mesures, le Conseil, rappelant que c’est l’intervention rapide du juge qui permettait de considérer la liberté comme étant sauvegardée dans le cadre de la mise en œuvre de régimes attentatoires aux libertés individuelles, a émis une réserve concernant le régime relatif à la prolongation de la quarantaine. En effet, celle-ci n’est pas subordonnée à un avis du juge des libertés et de la détention.
Au demeurant, le Conseil a considéré que « le législateur n’a assorti leur mise en œuvre d’aucune autre garantie, notamment quant aux obligations pouvant être imposées aux personnes y étant soumises ».
Le Conseil censure également comme contraires à la liberté individuelle les dispositions de l’article 13 de la loi qui lui était déférée, qui avaient pour effet de faire subsister jusqu’au 1er juin 2020 le régime antérieur relatif aux mesures de mise en quarantaine et de placement et maintien à l’isolement, dont il estime qu’il n’est assorti, en méconnaissance des exigences constitutionnelles, d’aucune garantie s’agissant des obligations susceptibles d’être imposées aux personnes, leur durée maximale ou leur contrôle par le juge judiciaire.
La décision est également critique s’agissant du dispositif de traçage.
Le Conseil a rappelé ici sa jurisprudence relative à la protection de la vie privée. Pour rappel, celui-ci juge que la collecte, l’enregistrement et la conservation de données doivent être subordonnés à un motif d’intérêt général et à une mise en œuvre proportionnée à cet objectif. Il juge également que le caractère médical des données implique une « particulière vigilance » dans la mise en œuvre de tels dispositifs.
En l’espèce, le Conseil a jugé que cette collecte de données, procédant d’un objectif de valeur constitutionnelle, répondait à un motif d’intérêt général et relevé qu’elle ne pouvait être mise en œuvre que « dans la mesure strictement nécessaire » à l’une des finalités de protection de la santé visées par le texte (identification des personnes infectées, des personnes « contacts », l’orientation de ces personnes vers des prescriptions médicales, la surveillance épidémiologique, en vue de limiter la propagation du virus et de favoriser les travaux de recherche dans ce but).
Le Conseil a cependant de nouveau formulé plusieurs réserves concernant ce dispositif.
Tout d’abord, le juge a considéré que la suppression systématique des caractères identifiants des données devait s’étendre aux coordonnées de contact (téléphonique et électronique) des intéressés.
Concernant la liste des personnes habilitées par le texte à avoir accès à ces données, le Conseil a considéré que les accompagnants sociaux, n’ayant pas de lien direct avec la lutte contre l’épidémie, devaient être écartés.
Validant le dispositif en tant que tel, le Conseil laisse cependant au pouvoir réglementaire la charge de déterminer les modalités de collecte, traitement et partage des dites données, après avoir rappelé qu’en la matière, les sous-traitants seront bien pénalement responsables, et agiront en leur nom et pour leur compte.
Décision n° 2020-800 DC du 11 mai 2020
27 mai 2020 - Changement de délégataire de service public en matière de transport ferroviaire intérieur de voyageurs : le Gouvernement rallonge les délais d’information des salariés concernés par des transferts de contrat de travail
Le gouvernement a publié le 28 avril un décret modifiant les délais relatifs à l’information, l’accompagnement et le transfert des salariés en cas de changement d’attributaire d’un contrat de service public ferroviaire. Il vient ainsi amender l’article 2 du décret n°2019-696, publié le 2 juillet 2019.
Pour rappel, ce dernier décret avait été pris en application des articles L. 2121-20 et suivants du code des transports qui règlent les conséquences sociales des changements d’attributaire d’un contrat de service public de transport ferroviaire de voyageurs, dans le contexte de l’ouverture à la concurrence de l’exploitation de ces services.
Dans cette hypothèse, les salariés concourant à l’exploitation et à la continuité du service public concerné, notamment, doivent être transférés au nouvel opérateur.
A cette fin, le dispositif prévu par le décret n° 2019-696 précité impose à l’employeur cédant, dans le mois suivant l’ouverture de la procédure de mise en concurrence, d’informer les salariés et les représentants des travailleurs concernés :
Plusieurs régions – notamment les régions PACA et Hauts-de-France – ayant engagé des procédures de mise en concurrence, l’impact de la crise sanitaire sur le respect des délais impartis par les textes pour la mise en œuvre de cette obligation d’information rendait opportune l’adoption de mesures d’exception.
Par un décret n° 2020-489 du 28 avril 2020, adopté dans le contexte de la crise sanitaire liée à l’épidémie de covid-19, le gouvernement est venu modifier le délai dans lequel cette information doit intervenir.
Lorsque le lancement de la procédure de mise en concurrence, l’attribution directe ou la décision de l’autorité organisatrice de fournir elle-même le service est ou sera intervenu entre le 17 février 2020 et la fin de l’état d’urgence sanitaire, l’information aux salariés concernés et à leurs représentants pourra avoir lieu au plus tard dans un délai de deux mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.
Précisons que cette mesure pourrait être sujette à évolution, le gouvernement ayant, en effet, amendé plusieurs des délais qui avaient été fixés au début de l’état d’urgence sanitaire. Il conviendra donc de surveiller la pérennité de ce dispositif.
4 mai 2020 - Publication du projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire
Depuis l’adoption de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, l’état d’urgence sanitaire, créé par ce même texte, a été déclaré initialement pour une période de deux mois.
Ce régime permet, on le rappelle, au Premier ministre d’adopter par décret des mesures d’exception touchant essentiellement aux libertés individuelles (restriction des déplacements, des rassemblements, etc.) et à la liberté du commerce et de l’industrie (fermetures d’établissement recevant du public, réquisitions de biens et services, contrôle des prix et « toute autre mesure limitant la liberté d’entreprendre, dans la seule finalité de mettre fin à la catastrophe sanitaire »), en vertu de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique.
Les mesures adoptées sur ce fondement peuvent faire l’objet de recours devant le juge administratif, en particulier dans le cadre des procédures d’urgence instituées aux articles L. 521-1 (référé-suspension, qui suppose l’introduction d’un recours au fond) et L. 521-2 (référé-liberté) du code de justice administrative.
Eu égard aux risques sanitaires qui perdurent, malgré le ralentissement de l’épidémie, le gouvernement a décidé de proposer au Parlement la prolongation de l’état d’urgence sanitaire, dans le cadre d’un projet de loi enregistré au Sénat le 2 mai 2020. Le texte a également pour objet d’apporter des compléments au dispositif de l’état d’urgence sanitaire désormais prévu aux articles L. 3131-12 et suivants du code de la santé publique, en vue d’organiser la reprise des activités sur le territoire national.
Le projet prévoit ainsi :
Le projet de loi sera discuté en séance publique au Sénat les 4 et 5 mai 2020.
Projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions
6 mai 2020 - Etat d’urgence sanitaire : vote du projet de loi de prorogation en première lecture par le Sénat et publication de l’avis rendu par le Conseil d’Etat le 29 avril 2020 sur le projet de texte
Le Conseil d’Etat a été saisi le 29 avril 2020 du projet de loi relatif à la prorogation de l’état d’urgence sanitaire.
Pour rappel, le dispositif d’état d’urgence sanitaire est issu de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020, qui permet au gouvernement, en cas de « catastrophe sanitaire », de prendre des mesures d’exception – essentiellement de restriction des libertés – afin de garantir la santé publique. Ce dispositif est entré en vigueur le 23 mars 2020 pour une durée de deux mois.
Le projet de loi considéré a vocation à prolonger l’état d’urgence sanitaire, et à en compléter certaines des modalités (voir notre précédente brève publiée à ce sujet).
Dans le contexte de l’état d’urgence sanitaire, l’Etat a adopté une série de dispositions d’exception visant notamment à alléger les obligations qui pèsent en temps normal sur les entreprises et, plus largement, les sujets de droit, en particulier en matière de délais tant administratifs que de procédure contentieuse dans les conditions fixées, pour l’essentiel, par les ordonnances n° 2020-305 et n° 2020-306 du 25 mars 2020.
Dans son avis rendu le 1er mai 2020 sur le projet de loi de prorogation de l’état d’urgence sanitaire, le Conseil d’Etat a notamment estimé que la prorogation envisagée, d’une nouvelle durée de deux mois, était justifiée par la situation actuelle.
Il a toutefois émis d’importantes recommandations s’agissant des conséquences de cette prorogation éventuelle sur les effets dans le temps des différents dispositifs d’exception adoptés par le gouvernement.
Sur ce point, en effet, le Conseil d’Etat considère qu’il ne saurait y avoir de prolongation automatique de l’ensemble des dispositifs d’exception adoptés par le gouvernement. Le Conseil d’Etat précise que le contexte de ces prolongations – le confinement total de la population, et la mise à l’arrêt d’une grande part des activités à l’échelle du pays – commandait ces reports. Or, celui-ci ne saurait être de nouveau invoqué, dès lors que ces circonstances générales n’existent plus et ne rendent donc plus nécessaires, de manière systématique, de telles adaptations.
Le Conseil d’Etat invite ainsi à ce que la prorogation des effets des différentes mesures d’exception adoptées depuis le début de la crise sanitaire soit étudiée au cas par cas par le gouvernement.
Avis sur un projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions
S’agissant du cours de la procédure législative accélérée relative à l’adoption de ce texte, signalons que le Sénat a adopté, le 5 mai, en première lecture, le projet de loi après en avoir substantiellement amendé les termes.
Ces amendements ont inséré plusieurs dispositifs nouveaux (irresponsabilité pénale, création d’un comité de contrôle) et tendent à préciser certaines des modalités de mise en œuvre de l’état d’urgence sanitaire.
Tout d’abord, et c’est le principal apport de fond du texte, les sénateurs ont ajouté à l’article 1er le principe d’irresponsabilité pénale de la personne ayant soit « exposé autrui à un risque de contamination […] soit causé ou contribué à causer une telle contamination », visant notamment à prémunir les élus locaux ou les employeurs de toute mise en cause de leur responsabilité à cet égard. Ce principe ne s’appliquerait néanmoins pas aux situations intentionnelles, d’imprudence, de négligence ou violant manifestement des mesures de police administrative.
De manière plus anecdotique, le texte a été modifié pour prévoir la possibilité d’une ouverture des plages et des forêts pour la pratique d’une activité sportive individuelle, renvoyant à un décret pour en préciser les conditions. Le texte précise également plusieurs éléments concernant les modalités d’isolement.
Les sénateurs ont également entendu voir préciser les modalités de dépistage et de traitement des informations relatives auxdits dépistages.
Tout d’abord, est instaurée une priorisation des populations devant être dépistées. Ainsi, le dépistage devra être effectué prioritairement sur les personnes présentant des symptômes, sur les personnels soignants ayant été en contact avec des personnes infectées, et enfin sur les personnes ayant assisté, dans les dix derniers jours, des personnes malades.
Enfin, le texte a été modifié pour organiser également les modalités du traitement des données relatives aux personnes infectées.
Ainsi :
Enfin, les sénateurs ont également voté l’instauration d’un « Comité de contrôle et de liaison covid-19 » qui aurait pour mission « d’associer la société civile d’information » à l’application des mesures prévues par le texte, notamment par la mise en œuvre d’« audits réguliers ».
L’examen du texte à l’Assemblée Nationale devrait débuter le 6 mai.
Projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions
11 mai 2020 - Un bien appartenant au domaine public avant l’entrée en vigueur du CGPPP continue de relever, en l’absence de tout acte de déclassement, du régime de la domanialité publique nonobstant le fait que les critères posés par l’article L. 2111-1 de ce code n’étaient pas remplis depuis le 1er juillet 2006
Dans une récente décision en date du 11 mai 2020, le Tribunal des conflits énonce la règle selon laquelle l’entrée en vigueur du Code général de la propriété des personnes publiques, à la date du 1er juillet 2016, n’a pu avoir pour effet de déclasser des dépendances qui appartenaient antérieurement à son entrée en vigueur au domaine public mais qui ne remplissent plus, à cette date, les conditions posées par l’article L. 2111-1 de ce même code.
Dans cette espèce, la société F. a introduit une requête devant le Tribunal administratif de Bastia tendant à condamner l’État à lui verser des indemnités en réparation de dommages qui ont été causés à ses centres culturels en 2014, 2015 et 2016 par des sangliers provenant d’un centre pénitentiaire ouvert située sur le territoire de la Commune d’A.
Le Tribunal administratif de Bastia a, par un jugement en date du 15 février 2018, condamné l’État à verser à la société F. la somme de 57.566 euros en réparation des préjudices subis par cette dernière.
La Garde des sceaux a interjeté appel devant la Cour administrative d’appel de Marseille qui, par un arrêt en date du 4 novembre 2019, a renvoyé, sur le fondement de l’article 35 du décret du 27 février 2015, au Tribunal des conflits afin que soit tranchée la question de la compétence.
Dans son considérant de principe, le Tribunal des conflits énonce qu’« avant l’entrée en vigueur, le 1er juillet 2006, du code général de la propriété des personnes publiques, l’appartenance d’un bien au domaine public était, sauf si ce bien était directement affecté à l’usage du public, subordonnée à la double condition que le bien ait été affecté au service public et spécialement aménagé en vue du service public auquel il était destiné. En l’absence de toute disposition en ce sens, l’entrée en vigueur de ce code n’a pu, par elle-même, avoir pour effet le déclassement de dépendances qui appartenaient antérieurement au domaine public et qui ne rempliraient plus les conditions désormais fixées, depuis le 1er juillet 2006, par son article L. 2111-1 ».
En l’occurrence, le Tribunal des conflits relève en effet que le centre pénitentiaire avait été affecté au ministère de la justice depuis 1948, et en dernier lieu par une convention en date de 2015, et avait fait l’objet d’aménagements spéciaux, de sorte que le bâtiment relevait du domaine public de l’État avant l’entrée en vigueur du CGPPP.
Aussi, en l’absence de tout acte de déclassement, le centre pénitentiaire relevait ainsi encore, à la date des désordres, du domaine public de l’État.
Le Tribunal des conflits conclut dès lors logiquement que le litige opposant la société F. à l’État relevait de la compétence du juge administratif.
18 mai 2020 - Publication de l’ordonnance n° 2020-560 du 13 mai 2020 fixant les délais applicables à diverses procédures pendant la période d’urgence sanitaire
Depuis l’adoption de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, l’état d’urgence sanitaire, créé par ce même texte, a été déclaré initialement pour une période de deux mois. Le gouvernement a été habilité, dans ce cadre, à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi afin de faire face aux conséquences de la propagation du covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation.
En vertu de ce texte, de nombreux régimes d’exception ont été institués par ordonnance, voués à suspendre ou à proroger le cours de délais de procédure administrative ou contentieuse, afin de prémunir les sujets de droit de l’incapacité dans laquelle ils se sont trouvés d’accomplir des actes du fait de la crise sanitaire. Une période dite « juridiquement protégée » a ainsi été instituée, à l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période.
Ces différents textes faisaient référence, pour la plupart, à la fin de l’état d’urgence sanitaire pour déterminer la date d’expiration des mesures d’exception qu’ils instituaient, l’ordonnance n° 2020-306 retenant, par exemple, la fin de l’état d’urgence sanitaire, augmentée d’un mois (ce qui conduisait au 23 juin à minuit, compte tenu du prononcé initial de l’état d’urgence jusqu’au 23 mai 2020).
Dans les pas de l’avis rendu par le Conseil d’Etat le 1er mai 2020, invitant à ne pas étendre automatiquement à tous les régimes d’exception les effets de la prorogation de l’état d’urgence sanitaire, l’ordonnance n° 2020-560 du 13 mai 2020 est venue préciser que cette prorogation n’aurait pas pour effet mécanique de proroger la période juridiquement protégée, celle-ci prenant bien fin au 23 juin 2020, en vertu du a du 1° de l’article 1er de l’ordonnance, sous réserve de mesures spécifiques.
L’ordonnance contient également plusieurs mesures spécifiques intéressant le secteur public, en particulier :
Le rapport au Président de la République relatif à ce texte précise que « compte tenu des perspectives de reprise de l’activité économique, les mesures portant sur les reports de délais, les pénalités contractuelles, la suspension ou la prolongation des contrats ne sont plus justifiées au-delà de cette date ».
Une exception, néanmoins, liée à la persistance des besoins de trésorerie des entreprises, s’agissant du régime des avances, dont l’ordonnance confirme la possibilité de porter le montant au-delà des limites fixées par le code de la commande publique pendant un délai de deux mois suivant la fin de la prorogation de l’état d’urgence sanitaire.
Enfin, l’article 12 de l’ordonnance prévoit qu’outre les règles spécifiques qu’elle pose, lorsque « le terme de la période d’application des ordonnances prises sur le fondement de l’article 11 de la loi du 23 mars 2020 (…) est défini par référence à la cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la même loi, ce terme peut, pour tenir compte de l’évolution de la situation sanitaire, être avancé par décret en Conseil d’Etat ». Il conviendra ainsi d’être vigilant à l’intervention de nouveaux textes spécifiques qui pourraient venir fixer, au cas par cas, des dates particulières pour l’expiration des mesures d’exception adoptées depuis le 23 mars 2020.
20 mai 2020 - Baux commerciaux et domaine public : illustration du contrôle du juge administratif sur le comportement de l’autorité domaniale laissant croire à l’occupant qu’il bénéficie des garanties prévues par la législation sur les baux commerciaux
Rappelons que si, depuis la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, dite loi « Pinel », le code général de la propriété de la personne publique prévoit la possibilité qu’un fonds de commerce soit exploité sur le domaine public, sous réserve de l’existence d’une clientèle propre (art. L. 2124-32-1), cette reconnaissance n’ouvre pas la possibilité de conclure des baux commerciaux sur le domaine public, eu égard aux garanties attachées à ce type de contrat (tacite reconduction, notamment), qui sont incompatibles avec la précarité de principe de l’occupation du domaine public.
Il reste que, comme cela a été précisé par une décision Société des remontées mécaniques Les Houches-Saint-Gervais rendue par le Conseil d’Etat le 24 novembre 2014 (req. n° 352402), le fait, pour l’autorité gestionnaire du domaine public de conclure – illégalement, donc – un bail commercial sur le domaine public ou de laisser « croire à l’exploitant [du] bien qu’il bénéficie des garanties prévues par la législation sur les baux commerciaux » est susceptible d’engager la responsabilité de l’administration. Celle-ci peut être tenue d’indemniser les dépenses qui n’ont été engagées par l’occupant que « dans la perspective d’une exploitation dans le cadre d’un bail commercial ainsi que des préjudices commerciaux et, le cas échéant, financiers qui résultent directement de la faute qu’a commise l’autorité gestionnaire du domaine public en l’induisant sur l’étendue de ses droits ».
La Cour administrative d’appel de Bordeaux était appelée à se prononcer sur un dossier dans lequel le requérant prétendait être titulaire d’un bail commercial ou, à tout le moins, bénéficier des garanties attachées au régime des baux commerciaux.
A la suite d’une délibération du 7 novembre 2011, la commune de Niort avait décidé la résiliation de l’ensemble des conventions d’occupation du domaine public des Halles de Niort, et réévalué pour l’avenir les redevances d’occupation de ces mêmes dépendances.
Intimée de libérer les lieux avant le 31 décembre 2012, une société occupante a contesté la légalité de la délibération précitée et cherché à engager la responsabilité de la commune devant le tribunal administratif de Poitiers, notamment en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation de la convention d’occupation dont elle prétendait être titulaire.
Le Tribunal a considéré que, si c’était à tort que la commune avait recalculé la redevance d’occupation, et que sa responsabilité en était engagée de ce fait, la ville avait, en revanche, considéré à bon droit que la requérante occupait sans titre ladite dépendance, et que, dès lors, elle ne pouvait prétendre à la réparation d’aucun préjudice du fait de la résiliation de la convention dont elle prétendait être titulaire.
La société a fait appel de ce jugement. Elle soutenait qu’elle devait être regardée comme bénéficiaire d’un bail commercial, antérieur au « contrat de location » conclu avec la ville en 1987 et qui aurait été renouvelé par tacite reconduction jusqu’alors. Elle faisait valoir qu’elle occupait, par conséquent, de manière régulière la dépendance domaniale en cause, et que la résiliation prononcée par la ville de Niort était illégale et était intervenue dans des conditions lui ouvrant droit à indemnité.
Les juges d’appel étaient ainsi conduits à vérifier, au regard des éléments du dossier, si la ville pouvait être regardée comme ayant conclu un bail commercial ou « laissé croire à l’exploitant [du] bien qu’il bénéfici[ait] des garanties prévues par la législation sur les baux commerciaux », dans des conditions de nature à engager sa responsabilité, au sens de la décision précitée Société des remontées mécaniques Les Houches-Saint-Gervais.
Après avoir repris les demandes de la société, le juge d’appel tranche en faveur de la commune.
Constatant qu’il « ne ressort […] d’aucune pièce du dossier que la commune, qui a expressément précisé dans la convention du 3 avril 1987 que le bail passé avec les précédents occupants était annulé, aurait laissé croire à la société Richou qu’elle bénéficiait des garanties prévues par la législation des baux commerciaux, et notamment du renouvellement du bail par tacite reconduction », le juge d’appel relève que la responsabilité de la commune ne pouvait être engagée en vertu de la jurisprudence précitée et que la société ne pouvait, par ailleurs, être considérée comme détentrice d’un titre d’occupation du domaine public.
La requête a ainsi été rejetée.
Cette décision d’espèce confirme la nécessité, pour le requérant qui s’y estime fondé, de démontrer de manière tangible les éléments qui, dans le comportement de l’autorité gestionnaire du domaine à son égard, l’ont conduit à considérer être bénéficiaire d’un bail commercial ou des garanties qui y sont légalement attachées.
Cour administrative d’appel de Bordeaux, 14 mai 2020, req. n° 18BX0227