Le 15 juillet 2014, la société Ranchère a déposé à la mairie de Mérignac une demande de permis de construire pour l’édification de deux immeubles d’une surface de plancher totale de 1.512 m2 comprenant 24 logements. Le 1er août 2014, le maire de la commune de Mérignac a informé la société pétitionnaire d’une modification du délai d’instruction portée à six mois, ainsi qu’une demande de pièces manquantes. Ces pièces ont été transmises par la société Ranchère le 29 août suivant. Pourtant, par arrêté du 22 janvier 2015, le maire a opposé un sursis à statuer à la demande de permis de construire.
En réaction, la société pétitionnaire a sollicité du tribunal administratif de Bordeaux l’annulation dudit arrêté et qu’il soit enjoint au maire de lui délivrer le permis de construire. Les juges de première instance ayant rejeté cette demande par jugement en date du 9 février 2017, la société Ranchère a interjeté appel.
Devant d’abord répondre à l’interrogation selon laquelle la société pétitionnaire était ou non titulaire d’un permis tacite, la Cour administrative d’appel de Bordeaux rappelle, sur le fondement des dispositions prévues par les articles R. 423-23, R. 421-15 R. 423-22, R. 423-38, R. 423-39, R. 423-28, R. 423-42 et R. 423-43 du code de l’urbanisme, que si, par décision expresse, le service instructeur ne notifie pas au pétitionnaire une demande de pièces complémentaires ou une notification de majoration, de prolongation ou de suspension du délai d’instruction, ce dernier est fondé à se prévaloir d’un permis de construire tacite à l’issue d’un délai de trois mois (lorsque la demande de permis de construire porte sur un immeuble autre qu’une maison individuelle) ou de six mois suivant le dépôt de la demande (lorsque la demande porte sur un immeuble situé dans le périmètre de protection d’un immeuble inscrit au titre des monuments historiques).
Cependant, les juges d’appel précisent que le pétitionnaire n’est pas fondé à se prévaloir d’un permis de construire tacite « si l’illégalité d’une demande tendant à la production d’une pièce qui ne peut être requise est de nature à entacher éventuellement d’illégalité un refus de permis de construire ». Il en est d’ailleurs de même « si l’illégalité de la notification d’une prolongation du délai d’instruction du permis de construire peut entraîner celle d’une décision de sursis à statuer lorsque, du fait d’une évolution des circonstances de droit ou de fait intervenue pendant cette prolongation, elle a eu une incidence sur le sens de la décision ».
Sur cette question, la Cour administrative d’appel refuse de considérer que la société pétitionnaire serait titulaire d’un permis de construire tacite en raison des vices qui entacheraient le courrier valant décision de prolongation du délai d’instruction et demande de pièces complémentaires. Elle écarte donc ce moyen comme inopérant.
Ensuite, et s’agissant plus précisément de la légalité de l’arrêté du 22 janvier 2015 par lequel le maire avait sursis à statuer à la demande de permis de construire, la Cour administrative d’appel relève, qu’en application des articles R. 423-28, R. 423-42 et R. 423-43 du code de l’urbanisme, il appartient au service instructeur qui notifierait une majoration, une prolongation ou une suspension du délai d’instruction, d’indiquer au pétitionnaire le nouveau délai, son nouveau point de départ, ainsi que les motifs de la modification de délai.
Or, dans son courrier du 1er août 2014, la commune de Mérignac n’avait ni informé la société Ranchère du motif de la consultation de l’architecte des bâtiments de France, ni précisé la disposition du code de l’urbanisme sur laquelle elle se fondait.
Et, si la Cour administrative d’appel reconnaît que le courrier du 1er août 2014 a méconnu les dispositions de l’article R. 423-42 du code de l’urbanisme, il lui incombe de vérifier pour finir si la prolongation du délai d’instruction de la demande de permis de construire a eu une incidence sur le sens de la décision valant sursis à statuer prise par le maire le 22 janvier 2015.
A cet égard, la Cour administrative d’appel juge, sur le fondement des articles L. 111-7 et L. 123-6 du code de l’urbanisme, que l’illégalité de la décision de prolongation du délai d’instruction n’a pas eu d’incidence sur la décision attaquée, motif pris du stade avancé de la révision du plan local d’urbanisme de la communauté urbaine de Bordeaux.
Enfin, les juges d’appel concluent que le projet de construction porté par la société Ranchère contrevenait aux prescriptions du règlement projeté dans le cadre de la révision du plan local d’urbanisme, justifiant ainsi la décision de sursis à statuer prise par le maire de la commune de Mérignac.
CAA Bordeaux, 22 août 2019, Société Ranchère, req. n° 17BX03638