Depuis l’adoption de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, l’état d’urgence sanitaire, créé par ce même texte, a été déclaré initialement pour une période de deux mois.
Ce régime permet, on le rappelle, au Premier ministre d’adopter par décret des mesures d’exception touchant essentiellement aux libertés individuelles (restriction des déplacements, des rassemblements, etc.) et à la liberté du commerce et de l’industrie (fermetures d’établissement recevant du public, réquisitions de biens et services, contrôle des prix et « toute autre mesure limitant la liberté d’entreprendre, dans la seule finalité de mettre fin à la catastrophe sanitaire »), en vertu de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique.
Les mesures adoptées sur ce fondement peuvent faire l’objet de recours devant le juge administratif, en particulier dans le cadre des procédures d’urgence instituées aux articles L. 521-1 (référé-suspension, qui suppose l’introduction d’un recours au fond) et L. 521-2 (référé-liberté) du code de justice administrative.
Eu égard aux risques sanitaires qui perdurent, malgré le ralentissement de l’épidémie, le gouvernement a décidé de proposer au Parlement la prolongation de l’état d’urgence sanitaire, dans le cadre d’un projet de loi enregistré au Sénat le 2 mai 2020. Le texte a également pour objet d’apporter des compléments au dispositif de l’état d’urgence sanitaire désormais prévu aux articles L. 3131-12 et suivants du code de la santé publique, en vue d’organiser la reprise des activités sur le territoire national.
Le projet prévoit ainsi :
- la prorogation de l’état d’urgence sanitaire pour une durée jusqu’au 23 juillet 2020 (deux mois de plus que la durée actuellement en vigueur), jugée nécessaire pour organiser un retour progressif à la normale (art. 1er) ;
- de compléter l’article L. 3131-15 du code de la santé publique relatif aux mesures d’exception susceptibles d’être adoptées par le Premier ministre (art. 2), en précisant notamment :
- qu’elles peuvent réglementer ou interdire l’accès aux moyens de transport (en commun) et les conditions de leur usage ;
- de même, réglementer l’ouverture et les « conditions d’accès et de présence» (et non plus seulement ordonner la fermeture provisoire) des établissements recevant du public ;
- le régime relatif aux mises en quarantaine et placements à l’isolement prévus aux 3° et 4° de l’article, pour préciser les conditions dans lesquelles elles peuvent être ordonnées par le Premier ministre et appliquées individuellement par le représentant de l’Etat, un décret devant notamment intervenir pour en définir la durée, les lieux de déroulement, et les conditions dans lesquelles le respect de certains droits fondamentaux des personnes (vie familiale, suivi médical, accès aux biens et services de première nécessité, etc.) sont assurés ;
- de préciser que les mesures individuelles de placement ne peuvent en principe s’appliquer que pour quatorze jours, aux seules personnes entrant sur le territoire national ou arrivant dans un territoire d’outre-mer, et que ces mesures peuvent faire l’objet d’un recours devant le juge des libertés et de la détention, qui statue dans un délai de 72 heures (le bloc de compétence réservé au juge administratif souffrant ainsi d’une exception, art. 3 et 4) ;
- d’étendre les catégories de personnes habilitées à constater la violation des dispositions prises sur le fondement de l’état d’urgence sanitaire, notamment aux agents mentionnés aux 4°, 5° et 7° du I de l’article L. 2241-1 du code des transports (agents assermentés du groupe SNCF ou des exploitants de services conventionnés), s’agissant des contraventions constatées dans les véhicules et emprises immobilières des services de transport ferroviaire ou guidé et de transport public routier de personnes ;
- de permettre au ministre chargé de la santé de mettre en œuvre un système d’information aux seules fins de lutter contre la propagation de l’épidémie.
Le projet de loi sera discuté en séance publique au Sénat les 4 et 5 mai 2020.
Projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions