Les dispositions de l’article 13 de la directive n° 2008/50/CE du 21 mai 2008 concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe font obligation aux Etats membres de veiller à ce que, dans l’ensemble de leurs zones et agglomérations, certaines concentrations en particules fines et en dioxyde d’azote ne soient pas dépassées. Ces dispositions ont été transposées aux articles L. 221-1 et R. 221-1 et suivants du code de l’environnement.
A la suite du dépassement récurrent de ces valeurs, l’Etat s’était déjà vu enjoindre, par une décision rendue par le Conseil d’Etat le 12 juillet 2017 (Association les Amis de la Terre France, req. n° 394254), de prendre « toutes les mesures nécessaires pour que soit élaboré et mis en œuvre [pour un certain nombre de zones territoriales] un plan relatif à la qualité de l’air permettant de ramener les concentrations (…) sous les valeurs limites fixées par l’article R. 221-1 du code de l’environnement dans le délai le plus court possible », lequel devait être transmis à la Commission européenne au plus tard le 31 mai 2018.
Face à l’inefficacité des mesures adoptées par l’Etat à la suite de cette décision, près de 70 associations, huit personnes physiques et une commune (Marennes) ont saisi le Conseil d’Etat d’une demande tendant, en vertu de l’article L. 911-5 du code de justice administrative, à constater l’inexécution de la décision du 12 juillet 2017 par l’Etat et de prononcer à son encontre une astreinte d’un montant de 100.000 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la décision à intervenir.
Dans une décision rendue le 10 juillet 2020, le Conseil d’Etat, au terme d’une analyse circonstanciée des mesures relevées dans les différentes zones territoriales concernées par la décision du 12 juillet 2017, a relevé que les concentrations cibles avaient encore été dépassées, s’agissant du dioxyde d’azote, pour dix d’entre elles en 2018, tendance confirmée en 2019 et sur le début de l’année 2020. Il a également constaté que dans trois des zones concernées, la concentration journalière limite en particules fines avait été dépassée, et que dans le secteur parisien, la concentration moyenne annuelle avait également été dépassée.
Il relève, par ailleurs, que les « feuilles de route » établies par le Gouvernement pour chaque zone et transmises à la commission européenne ne comportent « aucune estimation de l’amélioration de la qualité de l’air qui en est escomptée, ni aucune précision concernant les délais prévus pour la réalisation de ces objectifs », en méconnaissance des dispositions de la directive précitée.
Il relève, encore, que les plans de protection de l’environnement en vigueur n’ont été révisés, depuis l’intervention de la décision du 12 juillet 2017, que dans deux des zones concernées par cette dernière. Seul le plan établi pour la vallée de l’Arve recueille un satisfecit du Conseil d’Etat, notamment compte tenu du fait que les mesures qu’il contient visent au respect des valeurs limites d’ici 2022. Le plan établi pour la région Ile-de-France ne visant que l’année 2025 et ne démontrant pas que cet horizon correspond au délai le plus court possible au sens des textes précités, est, lui, jugé insuffisant pour être regardé comme assurant la mise en œuvre de la décision du 12 juillet 2017.
Tenant compte du délai important écoulé depuis cette dernière, des enjeux graves qui s’attachent au respect des exigences de réduction de la pollution de l’air et de l’urgence qu’ils présentent, le Conseil d’Etat a prononcé une astreinte de dix millions d’euros par semestre (« le montant le plus élevé qui ait jamais été imposé », d’après le communiqué de presse officiel de la juridiction) dans l’hypothèse où l’Etat ne justifierait pas avoir exécuté la décision du 12 juillet 2017 dans l’ensemble des zones encore concernées.
CE, 10 juillet 2020, Association Les Amis de la Terre France et a., req. n° 428409