Il incombe au juge administratif, dans le cadre de son contrôle, de vérifier si les justifications et précisions apportées par une entreprise, ayant vu son offre rejetée au motif qu’elle était anormalement basse, sont suffisantes

Le Conseil d’Etat est venu rappeler qu’il incombe au juge administratif, saisi d’une demande de censure d’un marché par un candidat qui a vu son offre rejetée en raison de son caractère anormalement bas, de vérifier le caractère suffisant des précisions et justifications apportés par ce dernier. Et, dans le cas où l’éviction de ce candidat serait irrégulière, ce dernier a droit à une indemnité tendant à réparer son préjudice.

En l’occurrence, l’office public de l’habitat A. (ci-après, « l’OPH ») a initié, en novembre 2014, une consultation tendant à l’attribution d’un marché ayant pour objet le nettoyage des parties communes et abords de ses immeubles. Ce marché était découpé en trois lots, chacun des lots étant affecté à un secteur précis.

Le 2 février 2015, l’OPH a invité par courriel la société C., candidate aux trois lots, à lui apporter des précisions sur ses prix unitaires. Néanmoins, la société C a vu son offre rejetée pour chacun des trois lots au motif qu’elle était anormalement basse.

L’OPH a décidé de se pouvoir en cassation contre l’arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de Marseille qui a porté à 35.000 euros l’indemnité mise à la charge de ce dernier en raison de l’éviction irrégulière de la société C. de la procédure d’attribution du contrat querellé.

Le Conseil d’Etat rappelle, tout d’abord, le principe fermement établi selon lequel l’acheteur a l’obligation de rejeter une offre anormalement basse et qu’en présence d’une offre qui semblerait anormalement basse, il incombe à ce dernier de solliciter les précisions et justifications nécessaires en vue d’expliquer le prix remis :

« Le fait, pour un pouvoir adjudicateur, de retenir une offre anormalement basse porte atteinte à l’égalité entre les candidats à l’attribution d’un marché public. Il résulte des dispositions précitées que, quelle que soit la procédure de passation mise en oeuvre, il incombe au pouvoir adjudicateur qui constate qu’une offre paraît anormalement basse de solliciter auprès de son auteur toutes précisions et justifications de nature à expliquer le prix proposé. Si les précisions et justifications apportées ne sont pas suffisantes pour que le prix proposé ne soit pas regardé comme manifestement sous-évalué et de nature, ainsi, à compromettre la bonne exécution du marché, il appartient au pouvoir adjudicateur de rejeter l’offre » (CE, 29 mai 2013, Ministre de l’intérieur c/ société Artéis, req. n°366606).

Ce considérant de principe rappelle très clairement que ce n’est que si les précisions et justifications, apportées par la société dont l’offre est suspectée comme étant anormalement basse, ne sont pas suffisantes pour considérer que le prix n’est pas anormalement bas que l’acheteur devra rejeter l’offre.

En l’occurrence, le Conseil d’Etat confirme le raisonnement retenu par la Cour administrative d’appel de Marseille soulignant le caractère suffisant des justifications apportées par la société C. en réponse à la demande de l’OPH et ce « au regard tant de la précision de cette demande que du prix proposé par la société candidate ».

Puis, après avoir relevé le caractère suffisant des justifications données par la société en cause à la demande de l’OPH, le Conseil d’Etat souligne que la Cour administrative d’appel de Marseille n’a pas commis d’erreur en estimant que la société C avait apporté les justifications suffisantes pour permettre au pouvoir adjudicateur de vérifier que son offre n’était pas manifestement sous-évaluée.

Aussi, au regard du caractère suffisant des justifications apportées par le candidat en vue d’expliquer le prix proposé, le Conseil d’Etat confirme le raisonnement tenu par le juge d’appel.

Le Conseil d’Etat rappelle ainsi que, dans le cadre de son contrôle, il incombe au juge administratif de vérifier que les justifications apportées par l’entreprise sont bel et bien suffisantes en vue de vérifier le caractère anormalement bas ou non de l’offre.

Enfin, le Conseil d’Etat confirme l’arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de Marseille qui avait condamné l’OPH à verser une indemnité de 33.000 euros au titre de son manque à gagner résultant de son éviction irrégulière à l’attribution des lots litigieux

CE, 13 novembre 2020, Office public de l’habitat Alès Agglomération – Logis Cévenol, req. n°432791