En vue de la construction d’une usine, la société A a, en qualité de maître d’ouvrage, conclu un contrat de maîtrise d’œuvre avec un architecte et les sociétés Technip, Synergie et Betec. La société A a ensuite confié l’exécution des travaux relevant du lot « froid industriel et climatisation » à la société Imef, aux droits de laquelle vient la société B.
Ayant constaté des désordres, la société A a, après expertise, assigné les sociétés B, Technip et Synergie en indemnisation de ses préjudices.
Aux termes d’un arrêt rendu le 10 janvier 2019, la cour d’appel de Limoges a fait droit à la demande formulée par le maître d’ouvrage et a condamné in solidum les sociétés B, Technip et Synergie sur le fondement de la responsabilité décennale, en retenant une part de responsabilité équivalente à un tiers pour chacune d’elles.
Pour ce faire, les juges d’appel ont considéré que l’article 1792 du code civil devait s’appliquer au cas d’espèce, dans la mesure où les équipements industriels de l’usine qui présentaient des désordres constitue un ensemble technique qui, compte tenu de son importance et de sa technicité, doit être qualifié d’ouvrage.
Réfutant toute condamnation, les sociétés B, Technip et Synergie se sont toutes trois pourvues en cassation, prétendant qu’elles n’auraient pas dû être condamnées in solidum à verser au maître d’ouvrage des sommes au titre de la réparation des désordres d’une part et à titre de dommages-intérêts d’autre part.
Ces trois sociétés font valoir à cet égard, par des argumentations sensiblement comparables, que les équipements industriels de l’usine ne sauraient relever de la garantie décennale dans la mesure où leur installation n’a nécessité aucun travaux de construction, mais uniquement des travaux de pose.
Ainsi, selon elles, ces équipements industriels ne sauraient s’apparenter à un ouvrage au sens de l’article 1792 du code civil, excluant de fait toute responsabilité de leur part.
Saisie de ce contentieux, la Cour de cassation rappelle, au visa de l’article 1792 du code susvisé, que « tout constructeur est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination ».
Ce principe rappelé, la troisième chambre civile relève que pour considérer que les dispositions de cet article étaient applicables au cas d’espèce, les juges d’appel ont retenu que la centrale frigorifique installée dans l’usine de la société A comprend des chambres froides, des appareils techniques divers et complexes qui occupent plusieurs locaux de l’usine et sont reliés à des armoires électriques, qu’ils sont également raccordés entre eux par un réseau d’importantes canalisations qui traversent les cloisons des locaux pour desservir des lieux distincts et sont fixées à l’ossature métallique de l’immeuble par des points d’ancrage.
En dépit du fait que certaines des machines sont seulement posées au sol, la Cour d’appel a estimé que cet ensemble technique, relié dans ses différentes composantes, doit être qualifié d’ouvrage, compte tenu de son importance et de sa technicité.
La troisième chambre civile censure cette interprétation, retenant au contraire que l’installation atteinte de désordres n’avait pas fait l’objet de travaux de construction.
Partant, l’article 1792 du code civil étant inapplicable aux faits de l’espèce, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt et renvoie les parties devant la Cour d’appel de Limoges.