A l’origine de la présente affaire, le Premier ministre a refusé, par une décision du 13 juillet 2020 de faire droit à une demande de la société Orange tendant à ce qu’elle soit autorisée à exploiter des équipements de la marque Huawei pour le déploiement de son réseau 5G sur le territoire de la Réunion, sur le fondement de l’article L. 34-11 du code des postes et des communications électroniques. En effet, aux termes de l’article L. 34-12 du même code, le Premier ministre peut refuser l’octroi d’une telle autorisation s’il estime qu’il existe un risque sérieux d’atteinte aux intérêts de la défense et de la sécurité nationale.
Par ailleurs, par des décisions du 1er juillet 2021, il a fait droit à plusieurs demandes analogues d’autorisation d’exploitation de ces mêmes appareils, présentées par la société réunionnaise du radiotéléphone (SRR), filiale de la société française du radiotéléphone (SFR), sur le même fondement et pour le déploiement de son réseau 5G sur le territoire de la Réunion.
C’est dans ce contexte que la société Orange a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, d’une part, d’enjoindre au Premier ministre de confirmer l’existence des autorisations accordées aux sociétés SFR et SRR, et d’autre part, d’ordonner, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution de ces décisions. Par une ordonnance du 22 décembre 2021, ce dernier a suspendu l’exécution des décisions du 1er juillet 2021 du Premier ministre autorisant SRR à exploiter des matériels de l’équipementier Huawei permettant de connecter les terminaux des utilisateurs finaux au réseau 5G sur le territoire de la Réunion. Tant les sociétés SRR et SFR que le Premier ministre se sont pourvus en cassation contre cette ordonnance.
Le Conseil d’Etat a alors considéré que « pour écarter les fins de non-recevoir opposées par les sociétés SRR et SFR et par le Premier ministre, tirées de ce que les autorisations délivrées à la sociétés SRR ne faisaient pas grief à la société Orange, le juge des référés s’est fondé sur la seule circonstance que ces autorisations étaient de nature à conférer un avantage concurrentiel à un opérateur économique présent sur le même marché. Ce faisant, alors qu’Orange ne pouvait, eu égard à l’objet et la portée des décisions contestées, se prévaloir de sa qualité de concurrent pour établir son intérêt à contester des mesures de police prises à l’égard d’un autre opérateur sur le fondement des dispositions de l’article L. 34-11 du code des postes et des communications électroniques dans le but de préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale », l’ordonnance est entachée d’une erreur de droit justifiant son annulation.
Réglant l’affaire, le juge des référés du Conseil d’Etat statue sur la demande de suspension présentée devant le premier juge des référés et estime que la société Orange, qui se prévaut de sa qualité de concurrent de SRR sur le marché de la téléphonie mobile à la Réunion, ne justifie pas de ce fait d’un intérêt suffisamment direct et certain lui donnant qualité pour demander l’annulation des autorisations accordées à SRR. Par suite, il rejette la requête comme irrecevable, faute d’intérêt à agir.