Par un accord de coopération entré en vigueur le 1er juillet 2012, plusieurs villes finlandaises ont décidé de confier à la ville de Pori certaines missions de transports, en sa qualité d’autorité locale compétente, celle-ci étant, dans ce cadre, chargée du fonctionnement des transports en commun des communes participant à la coopération.
On soulignera que la Cour de justice de l’Union Européenne relève que cet accord de coopération sur les transports en commun reposait sur le modèle dit de la « commune responsable » prévu par la loi finlandaise. Plus précisément, dans le cadre de ce modèle, la Cour énonce qu’une mission incombant aux différentes communes est assumée par l’une d’elles, qualifiée dès lors de « commune responsable », pour le compte de celles-ci.
Parallèlement à cet accord, certaines des villes parties à l’accord susvisé ont également convenu, par un accord de coopération relatif à l’organisation et à la fourniture de services sociaux et de santé conclu le 18 décembre 2012, de transférer à la ville de Pori la responsabilité de l’organisation des services sociaux et de santé pour l’ensemble de leur territoire.
Aussi, par une décision du 4 mai 2015, la commission de garantie des droits sociaux fondamentaux de la ville de Pori a décidé que les transports des personnes handicapées vers les unités de travail et d’activité de jour par des autobus seraient effectués, pour l’ensemble de la zone couverte par l’accord de coopération sur les services de santé, par la ville de Pori en tant que mission propre, par l’intermédiaire de Porin Linjat, société par actions que la Ville détenait intégralement.
Pour ce marché du transport des personnes handicapées, et donc en dehors de toute mise en concurrence, la Ville de Pori a ainsi directement attribué ce contrat selon le régime du contrat in house.
Lyttylän Liikenne Oy a contesté cette décision de la commission de garantie des droits sociaux fondamentaux de la ville de Pori devant la juridiction compétente finlandaise. Cette dernière a décidé d’annuler cette décision au motif, d’une part, que Porin Linjat ne saurait être qualifiée d’entité liée ou d’opérateur interne à la ville de Pori et, d’autre part, qu’aucun autre motif ne justifierait que le marché en cause soit en l’occurrence soustrait à l’obligation de mise en concurrence.
La Ville de Pori a formé un pourvoi devant la Cour administrative suprême finlandaise selon lequel elle soutenait que Porin Linjat constituerait bel et bien une entité qui lui serait liée. La juridiction saisie a décidé de surseoir à statuer et de poser plusieurs questions préjudicielles à la CJUE.
Plus précisément, la première question préjudicielle posée à la Cour était la suivante, à savoir si un accord, aux termes duquel les communes parties à cet accord confiraient à l’une d’elles la responsabilité de l’organisation de services à leur profit, serait ou non exclu du champ d’application de la directive 2004/18.
A cette première question, la CJUE considère qu’un tel accord est bel et bien exclu du champ d’application de la directive précitée dès lors qu’il constitue un transfert de compétences : « l’article 1er, paragraphe 2, sous a), de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, doit être interprété en ce sens qu’un accord, aux termes duquel les communes parties à cet accord confient à l’une d’elles la responsabilité de l’organisation de services au profit de ces communes, est exclu du champ d’application de cette directive au motif qu’il constitue un transfert de compétences, au sens de l’article 4, paragraphe 2, TUE, tel qu’interprété dans l’arrêt du 21 décembre 2016, Remondis (C‑51/15, EU:C:2016:985) ».
On relèvera que la CJUE se réfère ici à la solution tirée de l’arrêt Remondis en date du 21 décembre 2016 par lequel le juge européen avait en effet estimé qu’un transfert de compétence entre entité publique ne présentait pas de caractère onéreux, de sorte qu’il ne répondait pas à la notion de marché public au sens de la directive 2004/18.
En outre, la deuxième question posée à la Cour portait sur la question était de savoir si un accord de coopération, selon lequel les parties à l’accord transféraient à l’une d’elles la responsabilité de l’organisation de services à leur profit, permet de considérer cette commune comme un pouvoir adjudicateur qui serait habilité à confier à un opérateur in house – et donc en dehors de toute mise en concurrence – des services couvrant à la fois ses besoins mais aussi ceux des communes parties à cet accord.
A cette question, la Cour répond par la positive en énonçant que « l’article 1er, paragraphe 2, sous a), de la directive 2004/18 doit être interprété en ce sens qu’un accord de coopération, aux termes duquel les communes parties à cet accord transfèrent à l’une d’elles la responsabilité de l’organisation de services au profit de ces communes, permet de considérer cette commune, lors des attributions postérieures audit transfert, comme un pouvoir adjudicateur et l’habilite à confier, sans mise en concurrence préalable, à une entité in house, des services couvrant non seulement ses propres besoins mais également ceux des autres communes parties audit accord, alors que, sans ce transfert de compétences, lesdites communes auraient dû pourvoir elles-mêmes à leurs propres besoins ».