Le Conseil d’Etat, dans sa décision Mme B du 28 février 2020, réaffirme les conditions dans lesquelles le juge doit apprécier si un ouvrage irrégulièrement implanté doit ou non être détruit. Il avait déjà eu l’occasion de les formuler dans le cadre d’une décision Syndicat Départemental de l’électricité et du gaz des Alpes-Maritimes (CE, 29 janvier 2003, Syndicat Départemental de l’électricité et du gaz des Alpes-Maritimes, req. n° 420769) dont le considérant de principe est repris :
« lorsque le juge administratif est saisi d’une demande d’exécution d’une décision juridictionnelle qui juge qu’un ouvrage public a été implanté de façon irrégulière, il lui appartient, pour déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l’exécution de cette décision implique qu’il ordonne le déplacement de cet ouvrage, de rechercher, d’abord, si, eu égard notamment aux motifs de la décision, une régularisation appropriée est possible ; que, dans la négative, il lui revient ensuite de prendre en considération, d’une part, les inconvénients que la présence de l’ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d’assiette de l’ouvrage, d’autre part, les conséquences de l’enlèvement pour l’intérêt général, et d’apprécier, en rapprochant ces éléments, si cet enlèvement n’entraîne pas une atteinte excessive à l’intérêt général.».
Le juge de cassation vient également préciser l’appréciation du juge sur le caractère régularisable de l’implantation irrégulière d’un ouvrage public (voir pour une autre illustration : CE, 29 novembre 2019, M., n° 410689).
Dans le cas d’espèce, des particuliers demandaient la démolition d’un transformateur appartenant à la société ENEDIS qui était implanté sur un terrain leur appartenant. La cour administrative d’appel, infirmant le jugement de première instance considérant l’emprise du transformateur comme irrégulière et enjoignant à ladite société de le déplacer, avait relevé qu’une régularisation de l’implantation de l’ouvrage public était possible pour refuser la demande d’injonction sollicitée.
La Haute juridiction censure toutefois l’argumentation théorique de la cour fondée sur le fait que la société ENEDIS pouvait, compte tenu du caractère d’utilité publique de l’ouvrage concerné, obtenir la propriété du terrain par voie d’expropriation. Pour elle, il appartenait au juge, pour vérifier la possibilité d’une régularisation de l’implantation de l’ouvrage, de « rechercher si une procédure d’expropriation avait été envisagée et était susceptible d’aboutir ».
En effet, le juge dans son office de l’exécution doit vérifier si la régularisation est non seulement envisageable en droit, mais de surcroit envisagée en fait.
La décision de la cour administrative d’appel est ainsi censurée sur le fondement de l’erreur de droit.
CE, 28 février 2020, Mme B, req. n° 425743.