Le Conseil d’Etat a été saisi le 29 avril 2020 du projet de loi relatif à la prorogation de l’état d’urgence sanitaire.
Pour rappel, le dispositif d’état d’urgence sanitaire est issu de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020, qui permet au gouvernement, en cas de « catastrophe sanitaire », de prendre des mesures d’exception – essentiellement de restriction des libertés – afin de garantir la santé publique. Ce dispositif est entré en vigueur le 23 mars 2020 pour une durée de deux mois
Le projet de loi considéré a vocation à prolonger l’état d’urgence sanitaire, et à en compléter certaines des modalités (voir notre précédente brève publiée à ce sujet).
Dans le contexte de l’état d’urgence sanitaire, l’Etat a adopté une série de dispositions d’exception visant notamment à alléger les obligations qui pèsent en temps normal sur les entreprises et, plus largement, les sujets de droit, en particulier en matière de délais tant administratifs que de procédure contentieuse dans les conditions fixées, pour l’essentiel, par les ordonnances n° 2020-305 et n° 2020-306 du 25 mars 2020.
Dans son avis rendu le 1er mai 2020 sur le projet de loi de prorogation de l’état d’urgence sanitaire, le Conseil d’Etat a notamment estimé que la prorogation envisagée, d’une nouvelle durée de deux mois, était justifiée par la situation actuelle.
Il a toutefois émis d’importantes recommandations s’agissant des conséquences de cette prorogation éventuelle sur les effets dans le temps des différents dispositifs d’exception adoptés par le gouvernement.
Sur ce point, en effet, le Conseil d’Etat considère qu’il ne saurait y avoir de prolongation automatique de l’ensemble des dispositifs d’exception adoptés par le gouvernement. Le Conseil d’Etat précise que le contexte de ces prolongations – le confinement total de la population, et la mise à l’arrêt d’une grande part des activités à l’échelle du pays – commandait ces reports. Or, celui-ci ne saurait être de nouveau invoqué, dès lors que ces circonstances générales n’existent plus et ne rendent donc plus nécessaires, de manière systématique, de telles adaptations.
Le Conseil d’Etat invite ainsi à ce que la prorogation des effets des différentes mesures d’exception adoptées depuis le début de la crise sanitaire soit étudiée au cas par cas par le gouvernement.
Avis sur un projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions
S’agissant du cours de la procédure législative accélérée relative à l’adoption de ce texte, signalons que le Sénat a adopté, le 5 mai, en première lecture, le projet de loi après en avoir substantiellement amendé les termes.
Ces amendements ont inséré plusieurs dispositifs nouveaux (irresponsabilité pénale, création d’un comité de contrôle) et tendent à préciser certaines des modalités de mise en œuvre de l’état d’urgence sanitaire.
Tout d’abord, et c’est le principal apport de fond du texte, les sénateurs ont ajouté à l’article 1er le principe d’irresponsabilité pénale de la personne ayant soit « exposé autrui à un risque de contamination […] soit causé ou contribué à causer une telle contamination », visant notamment à prémunir les élus locaux ou les employeurs de toute mise en cause de leur responsabilité à cet égard. Ce principe ne s’appliquerait néanmoins pas aux situations intentionnelles, d’imprudence, de négligence ou violant manifestement des mesures de police administrative.
De manière plus anecdotique, le texte a été modifié pour prévoir la possibilité d’une ouverture des plages et des forêts pour la pratique d’une activité sportive individuelle, renvoyant à un décret pour en préciser les conditions. Le texte précise également plusieurs éléments concernant les modalités d’isolement.
Les sénateurs ont également entendu voir préciser les modalités de dépistage et de traitement des informations relatives auxdits dépistages.
Tout d’abord, est instaurée une priorisation des populations devant être dépistées. Ainsi, le dépistage devra être effectué prioritairement sur les personnes présentant des symptômes, sur les personnels soignants ayant été en contact avec des personnes infectées, et enfin sur les personnes ayant assisté, dans les dix derniers jours, des personnes malades.
Enfin, le texte a été modifié pour organiser également les modalités du traitement des données relatives aux personnes infectées.
Ainsi :
- Les données collectées devront être « strictement limitées » au statut virologique ou sérologique de la personne ;
- Le déploiement du traitement de ces informations ne devra pas viser une diffusion grand public de ces informations (l’application ne devra pas permettre à une personne de savoir si elle a été au contact d’une personne infectée) ;
- Seuls « le service de santé des armées, les communautés professionnelles territoriales de santé, les établissements de santé, sociaux et médico sociaux, les équipes de soins primaires mentionnées à l’article L. 1411-11-1 du code de la santé publique, les maisons de santé, centres de santé, les services de santé au travail mentionnés à l’article L. 4622 1 du code du travail, et les médecins prenant en charge les personnes concernées, ainsi que les laboratoires » ainsi que le ministère de la Santé, dans la limite de leurs missions, pourront avoir accès aux informations collectées
Enfin, les sénateurs ont également voté l’instauration d’un « Comité de contrôle et de liaison covid-19 » qui aurait pour mission « d’associer la société civile d’information » à l’application des mesures prévues par le texte, notamment par la mise en œuvre d’« audits réguliers ».
L’examen du texte à l’Assemblée Nationale devrait débuter le 6 mai.
Projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions