Le défaut d’autorisation de l’assemblée générale, dans le cadre de travaux de copropriété, ne peut être invoqué en vue de contester l’autorisation d’urbanisme délivrée

Dans une récente décision, le Conseil d’Etat est venu préciser que, dans l’hypothèse d’une demande d’autorisation d’urbanisme concernant un terrain soumis au régime juridique de la copropriété, l’absence d’autorisation de l’assemblée générale est dépourvue d’incidence sur la qualité du copropriétaire à déposer une telle demande.

Dans cette espèce, le syndicat des copropriétaires du 15 rue d’Aumale a saisi le Tribunal administratif de Paris en vue d’obtenir l’annulation de l’arrêté du 7 septembre 2016 par lequel le maire de Paris a accordé à M. A… un permis de construire pour la transformation d’un garage en logement en rez-de-chaussée dans un immeuble ainsi que la décision du 18 janvier 2017 ayant rejeté son recours gracieux contre cet arrêté.

Par un jugement du 13 septembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la requête du syndicat des copropriétaires en annulant l’arrêté du 7 septembre 2016 ainsi que la décision de rejet du recours gracieux.

Le Tribunal administratif de Paris avait en effet estimé que les travaux, objet de la demande de permis de construire, nécessitaient l’accord préalable de l’assemblée générale des copropriétaires.

Aussi, les juges de premières instances avaient considéré que le pétitionnaire, qui s’était vu refuser l’assentiment de l’assemblée général des copropriétaires, s’était livré à une manœuvre frauduleuse en attestant de sa qualité de déposer sa demande de permis en dehors de tout accord de l’assemblée générale.

La Ville de Paris et M. A se sont logiquement pourvus en cassation.

Après avoir rappelé les dispositions de l’article R. 423-1 du code de l’urbanisme, le Conseil d’Etat énonce que, dans l’hypothèse d’une demande d’autorisation d’urbanisme concernant un terrain soumis au régime juridique de la copropriété, cette demande peut être déposée alors même que la réalisation de ces travaux serait subordonnée à l’autorisation de l’assemblée générale de la copropriété :

« Il résulte de ces dispositions que, sous réserve de la fraude, le pétitionnaire qui fournit l’attestation prévue à l’article R. 431-5 du code de l’urbanisme selon laquelle il remplit les conditions fixées par l’article R. 423-1 du même code doit être regardé comme ayant qualité pour présenter sa demande. Il résulte également de ces dispositions qu’une demande d’autorisation d’urbanisme concernant un terrain soumis au régime juridique de la copropriété peut être régulièrement présentée par son propriétaire, son mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par lui à exécuter les travaux, alors même que la réalisation de ces travaux serait subordonnée à l’autorisation de l’assemblée générale de la copropriété, une contestation sur ce point ne pouvant être portée, le cas échéant, que devant le juge judiciaire ».

Il est intéressant de relever que le Conseil d’Etat énonce clairement que la contestation portant sur le défaut d’une telle autorisation ne pourrait être portée que devant le juge judiciaire, cet argument ne pouvant en effet pas être soulevée dans le cadre d’un recours dirigé contre un permis de construire.

Le Conseil d’Etat précise ensuite qu’une contestation relative au défaut d’autorisation par l’assemble générale de copropriété ne saurait caractériser une fraude du pétitionnaire. Les juges de Palais Royal considère en effet que le défaut d’une telle autorisation comme son refus sont dépourvus d’incidence sur la qualité du copropriétaire à déposer une demande d’autorisation d’urbanisme et ne peuvent, conséquemment, être invoqués pour contester l’autorisation délivrée :

« Une contestation relative au défaut d’autorisation des travaux par l’assemblée générale de la copropriété ne saurait caractériser une fraude du pétitionnaire visant à tromper l’administration sur la qualité qu’il invoque à l’appui de sa demande d’autorisation d’urbanisme, l’absence d’une telle autorisation comme un refus d’autorisation des travaux envisagés par l’assemblée générale étant, par eux-mêmes, dépourvus d’incidence sur la qualité du copropriétaire à déposer une demande d’autorisation d’urbanisme et ne pouvant être utilement invoqués pour contester l’autorisation délivrée ».

Le Conseil d’Etat censure, conséquemment, le jugement rendu par le Tribunal administratif de Paris en estimant que celui-ci a entaché son raisonnement d’une erreur de droit dès lors que le défaut d’autorisation des travaux par l’assemblée générale « n’était pas susceptible de caractériser une fraude visant à tromper l’administration sur la qualité invoquée à l’appui de la demande de permis ».

CE, 23 octobre 2020, Ville de Paris, req. n°425457