La mairie d’Anglet avait accordé à une société un permis de construire permettant la réalisation d’un immeuble collectif. Deux permis modificatifs concernant le même projet avaient, par la suite, été accordés.
Une association de riverains avait saisi le juge des référés du tribunal administratif de Pau afin de faire annuler ces arrêtés et avait en obtenu, en référé, la suspension. Le juge de première instance avait fait droit aux demandes de l’association et des riverains considérant que le fait que le projet avait été autorisé sans accord de l’architecte des Bâtiments de France, et sans servitude de passage faisait naître un doute sérieux sur la légalité des arrêtés attaqués. Saisi par les sociétés de construction en cassation contre ces ordonnances, le Conseil d’Etat a rejeté leur demande, tout écartant le second motif de l’ordonnance de suspension.
Ce litige s’inscrit dans le cadre de la législation relative aux abords des monuments historiques.
Pour rappel, dans un périmètre délimité par l’autorité administrative compétente, l’ensemble des immeubles sont considérés former un tout avec le monument historique et sont, à ce titre, protégés.
En l’absence de périmètre délimité, « la protection au titre des abords s’applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, visible du monument historique ou visible en même temps que lui et situé à moins de cinq cents mètres de celui-ci (…) » (article L. 621-31 du Code de l’urbanisme).
L’application du régime de protection est d’importance : l’ensemble des travaux pouvant amener à modifier l’aspect extérieur de tout immeuble couvert par ce régime sont soumis à autorisation préalable (article L. 621-32 du Code de l’urbanisme) ; et, surtout, le permis de construire ne peut être délivré valablement que si l’architecte des Bâtiments de France a donné son accord (articles L. 632-2 et R. 425-1 du Code de l’urbanisme).
Au cas d’espèce, la discussion se cristallisait autour de l’application effective de ces dispositions.
Le Conseil d’Etat devait déterminer si le projet en cause se situait effectivement dans le champ d’application de la protection liée aux abords de monuments historiques, étant précisé que le juge des référés avait estimé qu’il y avait covisibilité dès lors que le monument et l’immeuble projeté seraient visibles en même temps depuis un point situé à plus de 500 mètres du monument.
Le Conseil d’Etat précise qu’il « résulte de la combinaison [des dispositions précitées] que ne peuvent être délivrés qu’avec l’accord de l’architecte des Bâtiments de France les permis de construire portant sur des immeubles situés, en l’absence de périmètre délimité, à moins de cinq cents mètres d’un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques, s’ils sont visibles à l’œil nu de cet édifice ou en même temps que lui depuis un lieu normalement accessible au public, y compris lorsque ce lieu est situé en dehors du périmètre de cinq cents mètres entourant l’édifice en cause ».
Le Conseil d’Etat précise ainsi que si le périmètre de 500 mètres prévaut entre les bâtiments, la co-visibilité peut être établie au-delà de ce périmètre, pour autant qu’elle soit constatée à l’œil nu.
En faisant application, le Conseil d’Etat a tranché en faveur des requérants, et annulé l’ordonnance de suspension des arrêtés de permis de construire.
Le juge précise, au regard des circonstances de fait, que, dès lors que l’immeuble projeté et le monument ne seraient visibles simultanément depuis un point situé à plus de 500 mètres du monument concerné qu’à l’aide d’un objectif à fort grossissement, ils ne peuvent être considérés comme « co-visibles » au sens des dispositions précitées.
Le permis de construire en cause, sortant de fait du régime des abords des monuments historiques, ne soulevait donc pas de doute sérieux quant à sa légalité au regard de ces dispositions.
Conseil d’État, Association des riverains du Barbot, 05/06/2020, n°431994