Le Conseil d’Etat, dans sa décision Commune de Saint-Martin-la-Garenne du 27 mai 2020, vient rappeler l’office du juge prononçant ou liquidant une astreinte dans le cadre d’une demande tendant à la libération d’une dépendance du domaine public irrégulièrement occupée.
Il avait déjà eu l’occasion d’en définir les contours dans le cadre de plusieurs décisions (CE, 3 octobre 1958, Société des autocars garonnais, req. n° 37051 : à propos d’une astreinte prononcée à l’encontre d’une personne morale de droit public ou d’une personne privée gestionnaire d’un service public et CE, 5 février 2014, Voies navigables de France, req. n° 364561 / CE, 15 octobre 2014, Voies navigables de France, req. n° 338746).
Par l’arrêt commenté, la Haute juridiction rappelle que le juge prononçant ou liquidant une astreinte peut même s’il lui « incombe (…) de procéder à sa liquidation, en cas d’inexécution totale ou partielle ou d’exécution tardive de l’injonction », « modérer ou supprimer l’astreinte provisoire, même en cas d’inexécution de la décision juridictionnelle ».
Ce principe implique que le juge administratif prenne en compte la situation notamment financière des justiciables avant de prononcer définitivement l’astreinte.
Au cas d’espèce, les requérants occupaient, du fait de la présence de leur bateau dans un port de plaisance situé sur le territoire de la commune de Saint-Martin-la-Garenne, le domaine public sans autorisation. Le juge des référés leur a donc enjoint à la demande la commune d’évacuer leur bateau, sans délai et sous astreinte de 100 euros par jour de retard. En l’absence d’évacuation de leur bateau, la commune a alors sollicité du juge des référés la liquidation des astreintes dues (22 700 euros) et d’en doubler le montant.
Par une ordonnance, le juge des référés a condamné les requérants à verser à la commune la somme de 22 700 euros mais a refusé d’enjoindre un montant d’astreinte doublé. Les requérants se sont alors pourvus en cassation contre cette ordonnance.
Le Conseil d’État se saisit de l’affaire en considérant que le juge des référés ne s’était pas prononcé, avant de statuer sur la liquidation, sur le moyen invoqué par les requérants de « l’impossibilité d’exécuter l’injonction (…) d’évacuer sans délai leur bateau (…) en raison de la précarité de leur situation financière » qui consiste pourtant en un moyen opérant dans le cadre d’une instance portant sur la liquidation, provisoire ou définitive, d’une astreinte dont le taux a été fixé à titre provisoire.
Pour autant il considère, malgré son office, que les requérants ne sont pas fondés à se prévaloir, pour justifier de l’absence d’exécution de l’évacuation de leur bateau du domaine public, « de leur situation financière, dès lors qu’ils n’ont pas établi que celle-ci rendrait impossible le déplacement de leur bateau ».
CE, 27 mai 2020, Commune de Saint-Martin-la-Garenne n, req. n° 432977.