Par une décision rendue le 13 novembre 2019 (req. n° 416860, publiée au recueil Lebon), le Conseil d’Etat est venu préciser la responsabilité qui incombe à l’Etat, dans l’hypothèse où celle de l’ancien exploitant d’une installation classée pour la protection de l’environnement ne peut plus être recherchée, et où il existe un risque grave pour l’environnement, la santé, la sécurité ou la salubrité publiques.
Dans les faits de l’espèce, une commune, propriétaire d’un site depuis 1958, souhaitait y réaliser une zone d’aménagement concerté. L’opération s’est heurtée à la découverte de pollution des sols et des eaux souterraines, dont des expertises ont permis de constater qu’elles étaient imputables aux activités conduites par une société entre 1872 et 1920.
La commune avait sollicité du préfet qu’il enjoigne à cette société, encore existante, d’assumer les mesures de remise en état du site ou, à défaut, de l’indemniser des préjudices subis, ce qui a été refusé par l’autorité préfectorale. Cette dernière avait, en outre, sollicité l’intervention de l’ADEME afin de conduire des expertises complémentaires. C’est cette dernière décision, ainsi que le refus opposé à sa demande d’injonction, que la commune avait contestés devant la juridiction administrative, cherchant subsidiairement à engager la responsabilité pour faute de l’Etat.
Le Conseil d’Etat, dans la lignée de la jurisprudence Alusuisse (CE Ass. 8 juillet 2005, req. n° 247976 ; cf. également CE, 12 avril 2013, SCI Chalets des Aulnes, req. n° 363828), rappelle que l’obligation de remise en état d’un site qui a accueilli l’exploitation d’une installation classée pour le protection de l’environnement se prescrit par trente ans à compter de la date à laquelle la cessation d’activité a été portée à la connaissance de l’administration, sauf dans le cas où les dangers ou inconvénients présentés par le site auraient été dissimulés.
Il précise que, dans l’hypothèse où l’installation a cessé de fonctionner avant l’entrée en vigueur du décret du 21 septembre 1977 pris pour l’application de la loi du 19 juillet 1976 qui avait institué l’obligation d’informer le préfet en cas de cessation d’activité, le délai est décompté à partir de la cessation effective de l’activité, toujours sous réserve de dissimulation des dangers ou inconvénients présentés par le site.
En pareil cas, l’Etat a la faculté, au titre de ses compétences en matière de police des déchets et des sites et sols pollués, de financer lui-même, le cas échéant avec le concours des collectivités territoriales concernées, des opérations de dépollution, qui peuvent être conduites par l’ADEME.
Toutefois, lorsque la pollution constatée présente « un risque grave pour la santé, la sécurité ou la salubrité publiques ou pour l’environnement », l’Etat est, cette fois-ci, contraint de faire usage des ses pouvoirs de police en menant des opérations propres à assurer la mise en sécurité du site, compte tenu de son usage actuel, et à remédier au risque grave qui a été identifié.
Dans le cas d’espèce, eu égard aux initiatives qui avaient été prises par la préfecture, dans une situation de prescription de la responsabilité de l’ancien exploitant, – nouvelles investigations confiées à l’ADEME, puis engagement d’une procédure destinée à sécuriser le site, également sous la maîtrise d’ouvrage de l’ADEME – le Conseil d’Etat a considéré qu’aucune carence fautive n’était caractérisée et a rejeté les conclusions de la commune tendant mettre en jeu la responsabilité pour faute de l’Etat.
CE, 13 novembre 2019, Commune de Marennes, req. n° 416860, publié au recueil Lebon