Des particuliers ont signé un compromis de vente pour l’achat d’une maison d’habitation située sur le territoire de la Commune de Six-Fours-les plages.
Le Maire de la Commune a cependant décidé d’exercer son droit de préemption sur cette propriété, et ce en vue d’aménager une zone d’expansion des crues et de mettre en place un service municipal au sein du bâtiment préempté, et ce après l’avoir réhabilité.
La décision en date du 18 mars 2015 par laquelle le Maire a décidé de préempter la propriété en cause a été déférée devant le tribunal administratif de Toulon par le couple qui désirait acquérir cette propriété et qui était titulaire du compromis de vente.
Le tribunal administratif de Toulon ayant annulé la décision en date du 18 mars 2015, la commune a interjeté appel du jugement qui lui était défavorable.
Pour se prononcer sur la légalité de la décision de préemption en cause, la Cour administrative d’appel de Marseille commence par rappeler les dispositions des articles L.210-1 du code de l’urbanisme qui prévoient que « les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l’intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l’article L. 300-1 à l’exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d’aménagement »
Une fois ces dispositions rappelées, la Cour cite les dispositions de l’article L.300-1 du code de l’urbanisme qui énumère les objets auxquels doivent répondre les actions ou opérations en vue desquelles le droit de préemption peut être exercé :
« Les actions ou opérations d’aménagement ont pour objet de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l’habitat, d’organiser le maintien, l’extension ou l’accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d’enseignement supérieur, de lutter contre l’insalubrité et l’habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels ».
Et la Cour de préciser qu’il « résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d’une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l’exercent, de la réalité d’un projet d’action ou d’opération d’aménagement répondant aux objets mentionnés à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n’auraient pas été définies à cette date, et, d’autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en œuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l’objet de l’opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant ».
Or, dans le cas d’espèce, la Cour, suivant en cela le raisonnement précédemment adopté par le tribunal administratif de Toulon, estime que les conditions posées par l’article L.300-1 du code de l’urbanisme ne sont pas réunies.
Si elle considère que la création d’une zone d’aménagement des crues, qui consiste en un moyen de lutter contre les inondations, revêt un caractère d’intérêt général, tout comme l’installation d’un service municipal, elle juge néanmoins que ces actions n’ont pas la nature d’une opération d’aménagement au sens des dispositions de l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme.
La Cour relève en effet que « la création d’une zone d’expansion des eaux n’est pas directement liée à la réalisation de l’orientation d’aménagement et de programmation N° 7 qui consiste à créer des constructions à vocation résidentielle, des jardins et des espaces verts dans le quartier Mégier de part et d’autre de l’avenue Laënnec » et « que l’acquisition d’un bâtiment pour y installer des fonctionnaires municipaux n’a pas la nature d’un équipement public au sens de ces dispositions ».
Les conditions posées par l’article L.300-1 du code de l’urbanisme n’étant pas réunies, la Cour rejette l’appel de la commune après avoir confirmé l’illégalité de la décision du 18 mars 2015.
CAA Marseille, 18 novembre 2019, Commune de Six-Fours-les-plages, req. n° 17MA04986