Par un arrêt rendu le 13 mars 2019 qui sera mentionné dans les tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat a précisé les conditions d’engagement de la responsabilité pour faute et sans faute de l’administration pour défaut d’exécution d’une décision du juge pénal se prononçant sur une construction édifiée illégalement sans autorisation d’urbanisme.
Sur le fondement des dispositions prévues par les articles L.480-5, L.480-7 et L.480-9 du code de l’urbanisme, la Haute Juridiction a ainsi considéré ce qui suit :
« 3. Il résulte de ces dispositions que, au terme du délai fixé par la décision du juge pénal prise en application de l’article L. 480-5 du code de l’urbanisme, il appartient au maire ou au fonctionnaire compétent, de sa propre initiative ou sur la demande d’un tiers, sous la réserve mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 480-9 du code, de faire procéder d’office à tous travaux nécessaires à l’exécution de cette décision de justice, sauf si des motifs tenant à la sauvegarde de l’ordre ou de la sécurité publics justifient un refus. En outre, lorsqu’elle est saisie d’une demande d’autorisation d’urbanisme visant à régulariser les travaux dont la démolition, la mise en conformité ou la remise en état a été ordonnée par le juge pénal, l’autorité compétente n’est pas tenue de la rejeter et il lui appartient d’apprécier l’opportunité de délivrer une telle autorisation de régularisation, compte tenu de la nature et de la gravité de l’infraction relevée par le juge pénal, des caractéristiques du projet soumis à son examen et des règles d’urbanisme applicables. Dans le cas où, sans motif légal, l’administration refuse de faire procéder d’office aux travaux nécessaires à l’exécution de la décision du juge pénal, sa responsabilité pour faute peut être poursuivie. En cas de refus légal, et donc en l’absence de toute faute de l’administration, la responsabilité sans faute de l’État peut être recherchée, sur le fondement du principe d’égalité devant les charges publiques, par un tiers qui se prévaut d’un préjudice revêtant un caractère grave et spécial ».
En l’espèce, au début des années 2000, le propriétaire d’une habitation avait réalisé, sans permis de construire, des travaux portant notamment sur l’édification d’une terrasse. En 2004, le tribunal correctionnel de Lille avait condamné l’intéressé non seulement à une amende, mais de surcroit à la démolition des travaux construits illégalement. La maison d’habitation en question a été cédée et le nouveau propriétaire n’a pas estimé devoir démolir les travaux d’extension, ou devoir procéder à leur régularisation.
Sur le fondement de l’article L.480-9 du code de l’urbanisme, le voisin de cette maison d’habitation a d’abord demandé, sans succès, au maire de la commune d’ordonner la démolition des travaux irrégulièrement édifiés, avant de solliciter du juge administratif la condamnation de l’Etat, tant sur le terrain de la responsabilité pour faute que de la responsabilité sans faute, à lui verser une somme de 100.000 euros en raison du préjudice subi du fait de sa carence dans l’application du jugement rendu en 2004 par le juge pénal.
Faisant suite au rejet opposé à cette demande d’indemnisation, tant par le Tribunal administratif de Lille, que par la Cour administrative d’appel de Douai, le requérant a décidé de saisir le Conseil d’Etat.
Considérant que les juges d’appel n’avaient commis aucune erreur de droit en relevant qu’aucun des préjudices allégués par le requérant n’était constitué, la Haute Juridiction confirme le rejet de ses prétentions indemnitaires.
CE, 13 mars 2019, req. n° 408123