En cas de divulgation d’informations relatives à l’offre déposée par un candidat à l’attribution d’une délégation de service public, la personne publique doit apprécier si une telle divulgation est susceptible de porter atteinte au principe d’égalité entre les candidats.
La collectivité de Corse a lancé une procédure de passation pour l’attribution de conventions de délégation de service public de transport maritime de marchandises et de passagers entre la Corse et le continent pour une durée de quinze mois.
Ayant vu sa candidature validée par la commission de délégation de service public, la société La Méridionale a déposé des offres pour les lots n° 1 et 4.
Après avoir demandé des compléments d’informations sur les offres de la société La Méridionale, le président du conseil exécutif de la collectivité de Corse a décidé de ne pas admettre la participation de cette société aux négociations pour les lots n° 1 et 4.
Sur le fondement des dispositions prévues par l’article L.551-1 du code de justice administrative, la société évincée a demandé au juge administratif, premièrement, l’annulation des deux décisions prises par le président du conseil exécutif de la collectivité de Corse, deuxièmement, que ses offres soient déclarées recevables, et troisièmement à ce qu’il soit enjoint à la collectivité de Corse de l’admettre à participer à la négociation pour ces deux lots.
A la faveur d’une ordonnance datée du 19 mars 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande, de sorte que la société La Méridionale s’est pourvue en cassation.
Par un arrêt du 24 juin 2019, le Conseil d’Etat a, à son tour, refusé de faire droit aux prétentions de la société requérante.
Pour parvenir à une telle décision, la Haute juridiction a d’abord considéré, après avoir rappelé les dispositions prévues par l’article 25 du décret du 1er février 2016 relatif aux contrats de concessions, que les offres de la société demanderesse étaient inappropriées, dans la mesure où celle-ci avait substitué les bateaux proposés dans ses offres initiales par d’autres navires, et ce après la date limite du dépôt des offres.
Ensuite, si la société La Méridionale soutenait que le pouvoir adjudicateur avait méconnu les dispositions de l’article 23 du même décret en ne l’informant pas des demandes qu’il avait adressées à une société concurrente, le Conseil d’Etat juge – aux prix d’une première substitution de motif – que l’obligation édictée par cet article ne s’applique qu’à la phase d’examen des candidatures. Or, le manquement au principe de transparence s’étant produit au stade de l’examen des offres n’était pas de nature à avoir lésée la société La Méridionale.
Enfin et surtout, la requérante faisait valoir que le principe de confidentialité des offres n’avait pas été respecté, puisque des informations relatives à son offre avaient été divulguées dans la presse.
A l’appui d’un nouveau considérant de principe, la Haute juridiction précise qu’il incombe au pouvoir adjudicateur, dans l’hypothèse où des informations relatives à l’offre d’un candidat auraient été divulguées, d’apprécier si une telle divulgation est de nature à porter atteinte au principe d’égalité entre les candidats :
« 7. En quatrième lieu, les délégations de service public sont soumises aux principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, qui sont des principes généraux du droit de la commande publique. Pour assurer le respect de ces principes, la personne publique informée, avant la signature d’un contrat, de l’existence d’une irrégularité de procédure affectant le choix du concessionnaire doit s’abstenir de signer le contrat litigieux, alors même qu’elle ne serait pas responsable de cette irrégularité. Ainsi, lorsqu’est constatée, au cours de la procédure de passation, qu’ont été divulguées des informations relatives à l’offre déposée par un candidat à l’attribution du contrat, il appartient à la personne publique d’apprécier si cette divulgation peut être regardée comme étant de nature à porter atteinte au principe d’égalité entre les candidats. La seule circonstance qu’une telle divulgation ne soit pas imputable à la personne publique responsable de la procédure de passation ne la dispense pas de cette obligation ».
En l’espèce, le Conseil d’Etat retient que le juge des référés du Tribunal administratif de Bastia a commis une erreur de droit en considérant que la personne publique n’était pas à l’origine de la divulgation d’informations relatives aux offres de la société La Méridonale. Mais, une nouvelle fois, la Haute juridiction opère une substitution de motif en retenant que la société La Méridionale n’avait pu être lésée par cette divulgation, dès lors que ses offres avaient été éliminées.
CE, 24 juin 2019, Société La Méridionale, req. n° 429407