Par un arrêt en date du 27 mars 2020 relatif à un avenant à un contrat de concession de distribution d’électricité, le Conseil d’Etat précise les conditions dans lesquelles un contribuable local peut se voir reconnaitre intérêt à agir dans le cadre d’un recours en contestation de la validité d’un contrat administratif en vertu de la jurisprudence dite « Tarn-et-Garonne ».
En l’espèce était contesté un avenant à un contrat de concession relatif au développement et à l’exploitation du réseau d’électricité de la communauté urbaine du Grand Nancy (devenue métropole du Grand Nancy) signé avec ERDF (devenue ENEDIS).
Les requérants, tous contribuables de ladite collectivité, soutenaient que certaines des clauses de l’avenant à cette convention – portant sur le périmètre des ouvrages concédés et l’indemnité due en cas de résiliation anticipée du contrat – étaient susceptibles d’entrainer une augmentation des charges de la collectivité. Les requérants contestaient l’avenant au contrat de concession, ainsi que la délibération de la communauté urbaine portant signature dudit avenant.
La Cour administrative d’appel de Nancy avait rejeté le recours comme irrecevable, considérant que les requérants étaient dépourvus d’intérêt à agir.
C’est sur l’appréciation de cet intérêt à agir que la décision rendue par le Conseil d’Etat apporte des précisions en regard de sa jurisprudence relative à la recevabilité des recours dits Tarn-et-Garonne, dont on rappelle qu’elle permet à « tout tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses » d’en contester la validité dans le cadre d’un recours de plein contentieux.
Parmi les tiers susceptibles d’agir en ce sens figurent notamment les contribuables locaux, dans la lignée de la jurisprudence classique du Conseil d’Etat (CE, 29 mars 1901, Casanova Canazzi). Néanmoins, eu égard à la volonté du juge administratif de limiter l’accès au prétoire à ceux dont la situation est réellement affectée par la conclusion du contrat, la jurisprudence a entrepris de subordonner les contestations émanant de contribuables locaux à des conditions spécifiques.
En matière d’actes unilatéraux des collectivités territoriales, le Conseil d’Etat restreignait déjà classiquement l’accès à ce recours aux cas où l’impact de l’acte sur les finances locales était d’une importance « suffisante » (CE, 1er juin 2016, Commune de Rivedoux-Plage n° 391570).
C’est en écho à cette dernière solution que le Conseil d’Etat est venu préciser, par la décision commentée, qu’il incombe au contribuable qui entend contester la validité d’un contrat administratif de démontrer que « les clauses dont il conteste la validité sont susceptibles d’emporter des conséquences significatives sur les finances ou le patrimoine de la collectivité ».
Autrement dit, si le contribuable peut avoir accès au juge du plein contentieux, et contester ainsi un contrat public auquel il est tiers, il devra démontrer le caractère significatif des conséquences de la convention sur les finances de la collectivité dont il est contribuable pour voir son recours examiné.
Charge, ainsi, aux contribuables de démontrer le caractère « significatif » des conséquences financières des clauses et conventions qu’ils entendent contester.
En l’espèce, l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Nancy a été annulé, au motif qu’il était entaché de deux erreurs de droit. Celle-ci avait, en effet, considéré que le caractère aléatoire et/ou incertain de la mise en jeu des clauses considérées écartait toute lésion effective des intérêts des contribuables et était trop hypothétique pour suffire à établir que les finances ou le patrimoine de la collectivité s’en trouveraient affectés de manière significative. Le Conseil d’Etat juge que « le caractère éventuel ou incertain de la mise en œuvre de clauses [est par lui-même] dépourvu d’incidence sur l’appréciation de leur répercussion possible sur les finances ou le patrimoine de l’autorité concédante » et, qu’en outre, bien qu’incertaine, l’application des clauses contestées était probable au regard de la longue durée du contrat.
L’affaire a été renvoyée à la juridiction d’appel.