Introduite par la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 et inscrite à l’article 72 alinéa 4 de la Constitution, l’expérimentation locale permet aux collectivités territoriales et à leurs groupements de déroger, lorsque la loi ou le règlement l’a prévu, à des normes législatives ou réglementaires régissant l’exercice de leurs compétences.
Cet outil d’innovation dans la conduite des politiques publiques n’a toutefois été saisi par les collectivités territoriales qu’à seulement quatre reprises, notamment au sujet de la tarification sociale de l’eau. En effet, l’expérimentation locale est particulièrement complexe à mettre en œuvre et peut dissuader les acteurs locaux.
La procédure constitutionnelle actuelle prévoit que la loi autorisant l’expérimentation doit préciser son objet, sa durée (cinq années maximum), les caractéristiques des collectivités susceptibles d’expérimenter et les dispositions auxquelles il pourra être dérogé (Art. LO. 1113-1 du CGCT).
Ensuite, les collectivités territoriales peuvent manifester leur intention d’y recourir par l’adoption d’une délibération motivée de leur assemblée délibérante. Puis, un décret ministériel fixe la liste des collectivités autorisées à participer à l’expérimentation (Art. LO1113-2 du CGCT).
Avant l’expiration de la durée fixée pour l’expérimentation, le gouvernement transmet un rapport d’évaluation au Parlement qui doit se prononcer sur l’avenir de l’expérimentation. Il peut décider de la prolonger (trois années maximum), la modifier, la maintenir en vue d’une généralisation ou l’abandonner (Art. LO1113-5 et LO1113-6 du CGCT).
Afin de favoriser le recours à ces expérimentations, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, Jacqueline Gourault, a présenté un projet de loi organique « relatif à la simplification des expérimentations » lors du conseil des ministres du 29 juillet 2020.
En substance, ce texte prévoit que les collectivités pourront décider par une simple délibération de participer à une expérimentation sans qu’il leur soit nécessaire d’y être autorisées par décret. Par ailleurs, il consacre deux nouvelles issues aux expérimentations locales :
- d’une part, le possible maintien des mesures prises à titre expérimental – sans généralisation – dans tout ou partie des collectivités ayant participé à l’expérimentation et leur extension à d’autres collectivités territoriales et,
- d’autre part, les normes qui régissent l’exercice de la compétence locale ayant fait l’objet de l’expérimentation pourront être modifiées à l’issue de celle-ci.
C’est dans ce contexte que le 3 novembre 2020, les sénateurs ont largement adopté en première lecture ledit projet de loi organique (par 327 voix pour et 15 voix contre). La version présentée aux sénateurs n’a quasiment pas été amendée. Au titre des rares modifications, les sénateurs ont ajouté que la pérennisation sur une partie seulement du territoire pourra être réalisée sous réserve de respecter le principe constitutionnel d’égalité (Art. 6 du projet de loi).
Ce texte qui marque un droit à la différenciation des collectivités territoriales, n’est que, selon les dires de Jacqueline Gourault au Palais du Luxembourg, la première étape dans un projet plus vaste : « Dès janvier 2021, je présenterai le second temps de cette nouvelle étape de la décentralisation, avec le projet de loi dit « 3D » ou « 4D » : différenciation, décentralisation et déconcentration, auxquelles s’ajoute décomplexification ».
Projet de loi organique relatif à la simplification des expérimentations
Texte n° 14 (2020-2021) adopté par le Sénat le 3 novembre 2020