Par une décision en date du 24 mars 2021, mentionnée aux tables, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la légalité d’une communication de l’Autorité nationale des jeux, poursuivant ainsi sa jurisprudence sur les modalités de recours en annulation contre les actes de droit souple des autorités de régulation.
En l’espèce, le 18 avril 2019, le collège de l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ci-après « l’ARJEL «), a adopté une délibération indiquant que certaines dispositions du code de la consommation (notamment celles relatives aux clauses abusives et aux pratiques commerciales déloyales) étaient susceptibles de s’appliquer aux opérateurs de jeux et paris en ligne. Ainsi, en cas de méconnaissance de ces règles, le collège peut poursuivre l’opérateur devant la commission des sanctions.
C’est dans ce contexte que l’association française du jeu en ligne a demandé l’annulation de cette décision.
Le Conseil d’Etat commence par rappeler le principe dégagé par sa jurisprudence Société Fairvesta de 2016 :
« Les avis, recommandations, mises en garde et prises de position adoptés par les autorités de régulation dans l’exercice des missions dont elles sont investies, peuvent être déférés au juge de l’excès de pouvoir lorsqu’ils revêtent le caractère de dispositions générales et impératives ou lorsqu’ils énoncent des prescriptions individuelles dont ces autorités pourraient ultérieurement censurer la méconnaissance. Ces actes peuvent également faire l’objet d’un tel recours lorsqu’ils sont de nature à produire des effets notables, notamment de nature économique, ou ont pour objet d’influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles ils s’adressent. Dans ce dernier cas, il appartient au juge, saisi de moyens en ce sens, d’examiner les vices susceptibles d’affecter la légalité de ces actes en tenant compte de leur nature et de leurs caractéristiques, ainsi que du pouvoir d’appréciation dont dispose l’autorité de régulation » (voir CE, Ass., 21 mars 2016, Société Fairvesta international GmbH, req. n° 368082).
En l’espèce, il considère que la délibération attaquée, eu égard à sa portée, est susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. La fin de non-recevoir soulevée par l’Autorité nationale des jeux est ainsi rejetée.
Puis, le Conseil d’Etat se prononce sur la légalité de la délibération du 18 avril 2019. Dans un premier temps, le juge considère que l’Autorité n’a pas méconnu sa compétence en indiquant qu’elle entendait poursuivre devant la commission des sanctions les opérateurs qui auraient commis des manquements en méconnaissance des objectifs garantis légalement par l’Autorité.
Dans un deuxième temps, la Haute juridiction estime que l’opérateur de jeux ou de paris en ligne est effectivement susceptible d’être regardé comme un « professionnel », de même qu’un joueur ou parieur en ligne peut être qualifié de « consommateur », au sens de l’article liminaire du code de la consommation. Il en résulte que l’article 10 de la loi n°2010-476 du 12 mai 2010 n’a pas été méconnu.
Dans un troisième temps, le Conseil d’Etat juge que la communication attaquée ne méconnait pas davantage les articles L. 121-1 et L. 212-1 du code de la consommation. En effet, les contrats de jeux ou de paris en ligne sont effectivement susceptibles de comporter des services les faisant entrer dans la catégorie des contrats de services soumis aux dispositions du code de la consommation relatives aux pratiques commerciales déloyales et aux clauses abusives.
Enfin, le Conseil d’Etat considère que « s’il est loisible à une autorité administrative de prendre, ainsi qu’y a procédé le collège de l’autorité par l’acte attaqué, un acte à caractère général visant à faire connaître l’interprétation qu’elle retient de l’état du droit, elle n’est jamais tenue de le faire. Par suite, l’association requérante n’est pas fondée à soutenir que la délibération litigieuse serait illégale, faute de s’être prononcée sur l’application aux paris en ligne des dispositions de l’article R. 212-3 du code de la consommation relatives aux clauses qui sont, de manière irréfragable, réputées abusives ».
La requêtée présentée par l’association française du jeu en ligne est ainsi rejetée.
CE, 24 mars 2021, Association française du jeu en ligne, req. n° 431786