Le Conseil d’Etat est venu préciser, dans le cadre d’un recours tendant à la contestation du refus de résiliation d’un contrat, que la méconnaissance des règles de publicité et de mise en concurrence n’est pas susceptible, en l’absence de circonstances particulières, d’entacher un contrat d’un vice d’une gravité de nature à faire obstacle à la poursuite de son exécution et que le juge devrait relever d’office.
En l’occurrence, le syndicat départemental d’énergie et d’équipement du Finistère (SDEF) a conclu, le 2 mars 1993, avec Electricité de France (EDF) une convention de concession pour le service public de la distribution d’énergie électrique pour une durée de 30 ans. Par la suite, le champ d’application territorial de cette convention a été étendu à l’île de Sein par un avenant du 4 juin 1993.
Par un courrier du 2 novembre 2016, la société Ile de Sein Energies (IDSE) a demandé au SDEF qu’il soit mis fin à l’exécution de cette convention en ce qu’elle concernait l’île de Sein et que « la concession du réseau de distribution de l’électricité sur l’île » lui soit « transférée ».
Par un courrier du 14 février 2017, le SDEF a rejeté cette demande au motif qu’EDF détenait en application de l’article L. 111-52 du code de l’énergie l’exclusivité de la gestion du réseau de distribution de l’électricité sur l’île.
La société IDSE a dès lors saisi le Tribunal administratif de Rennes en vue de constater l’illégalité de la convention de concession en tant qu’elle portait sur l’île de Sein et de mettre fin à son exécution dans cette même mesure.
Toutefois, par un jugement du 5 novembre 2018, cette demande a été rejetée. La société IDSE a alors interjeté appel de ce jugement. Aussi, par un arrêt du 11 octobre 2019, contre lequel la société IDSE se pourvoit en cassation, la cour administrative d’appel de Nantes a rejeté sa requête. La société IDSE s’est dès lors pourvu en cassation.
Il y a tout d’abord lieu de relever que cette instance s’inscrit dans le cadre du recours de pleine juridiction contre la décision de refus de résilier un contrat administratif. Aussi, dans le cadre de ce recours, un tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par une décision refusant de faire droit à sa demande de mettre fin à l’exécution du contrat peut former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction aux fins de mettre un terme à l’exécution de ce contrat (CE, 30 juin 2017, SMPAT, req. n°398445).
En l’occurrence, plus particulièrement, il est intéressant de relever que la société requérante soutenait que la convention litigieuse avait été irrégulièrement attribué à EDF sans mise en concurrence.
D’une part, la société requérante affirmait que les droits exclusifs dont bénéficiaient EDF en application du 3° de l’article L. 111-52 du code de l’énergie sans limitation de durée pour la gestion du réseau public de distribution d’électricité dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental ne remplissant pas les conditions posées par les dispositions du paragraphe 2 de l’article 106 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
D’autre part, la requérante affirmait que la convention litigieuse méconnaissant l’exigence posée par l’article 24 de la directive 2009/72/CE du 13 juillet 2009 de la désignation par les Etats membres du gestionnaire de réseau de distribution d’électricité pour une durée à déterminer en fonction de considérations d’efficacité et d’équilibre économique.
Le Conseil d’Etat précise que la méconnaissance des règles de publicité et de mise en concurrence n’est pas susceptible, en l’absence de circonstances particulières, d’entacher un contrat d’un vice d’une gravité de nature à faire obstacle à la poursuite de son exécution :
« En second lieu, si la méconnaissance des règles de publicité et de mise en concurrence peut, le cas échéant, être utilement invoquée à l’appui d’un référé précontractuel d’un concurrent évincé ou du recours d’un tiers contestant devant le juge du contrat la validité d’un contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles, cette méconnaissance n’est en revanche pas susceptible, en l’absence de circonstances particulières, d’entacher un contrat d’un vice d’une gravité de nature à faire obstacle à la poursuite de son exécution et que le juge devrait relever d’office. Par suite, la société IDSE, qui n’invoquait aucune circonstance particulière impliquant que le juge du contrat mette fin à l’exécution du contrat, ne pouvait utilement soutenir que la convention litigieuse avait été irrégulièrement attribuée à EDF sans mise en concurrence ».
En d’autres termes, la société requérante, qui n’invoquait aucune circonstance particulière en l’occurrence impliquant que le juge du contrat mette fin à l’exécution du contrat, ne pouvait dès lors soutenir que la convention litigieuse avait été irrégulièrement attribuée à EDF sans mise en concurrence.
CE, 12 avril 2021, Société Ile de Sein Energies, req. n°436663