Expropriation pour cause d’utilité publique : possibilité d’invoquer, à l’encontre d’un arrêté de cessibilité, l’illégalité de la DUP ou de l’acte la prorogeant

Expropriation pour cause d’utilité publique : possibilité d’invoquer, à l’encontre d’un arrêté de cessibilité, l’illégalité de la DUP ou de l’acte la prorogeant

Constituent les éléments d’une même opération complexe : l’arrêté de cessibilité, l’acte déclaratif d’utilité publique sur le fondement duquel l’arrêté de cessibilité a été pris, ainsi que l’ensemble des actes prorogeant cette DUP

Dans un arrêt du 4 août 2021 à paraître aux tables du Recueil Lebon, le Conseil d’État a considéré que tout requérant pouvait, par la voie de l’exception d’illégalité, invoquer à l’encontre d’un arrêté de cessibilité un moyen de légalité dirigé contre l’acte déclaratif d’utilité publique sur le fondement duquel l’arrêté litigieux a été pris, mais également un moyen dirigé contre les prorogations de la DUP

En l’occurrence, par un arrêté du 19 décembre 2008, le projet de liaison ferroviaire directe « CDG Express » reliant Paris et l’aéroport Paris-Charles de Gaulle a été déclaré, après la réalisation d’une enquête publique, d’utilité publique.

Après une nouvelle enquête publique ayant pour objet de « présenter au public les modifications substantielles apportées au projet depuis la déclaration d’utilité publique de 2008 », le projet ainsi amendé a, d’une part, été déclaré d’utilité publique par un arrêté du 31 mars 2017 et, d’autre part, fait l’objet d’un arrêté du 25 octobre 2018 portant cessibilité et transfert de gestion au profit de l’Etat des parcelles situées sur le territoire de la commune de Mitry-Mory et des droits mobiliers réels afférents.

Par ailleurs, un décret est venu proroger jusqu’au 17 décembre 2025 le délai pour réaliser les expropriations nécessaires à l’opération.

Par deux requêtes enregistrées au cours de l’année 2019, la commune de Mitry-Mory a saisi le Conseil d’Etat d’une demande tendant :

  • d’une part, à l’annulation du décret du 14 février 2019 autorisant la société Gestionnaire d’infrastructure CDG Express à prendre possession immédiate de certaines propriétés privées nécessaires à l’exécution des travaux de réalisation de la liaison ferroviaire ;
  • d’autre part, à l’annulation de l’arrêté du 25 octobre 2018 portant cessibilité est transfert de gestion au profit de l’Etat précité.

Dans cette affaire, le Conseil d’Etat est revenu sur la possibilité d’exciper, à l’encontre d’un l’arrêté de cessibilité, un moyen tiré de l’illégalité de l’acte déclaratif d’utilité publique

En effet, dans un arrêt du 29 juin 1951, le Conseil d’Etat avait par exemple jugé que les requérants sont fondés à soulever, à l’encontre d’un arrêté de cessibilité, un moyen tiré de l’illégalité de l’acte déclaratif d’utilité publique (CE, 29 juin 1951, Sieur Lavandier et autres, req. n° 95155).

Dans le cadre de l’affaire commentée, le Conseil d’Etat a jugé que : « l’arrêté de cessibilité, l’acte déclaratif d’utilité publique sur le fondement duquel il a été pris et la ou les prorogations dont cet acte a éventuellement fait l’objet constituent les éléments d’une même opération complexe. Dès lors, à l’appui de conclusions dirigées contre l’arrêté de cessibilité, un requérant peut utilement se prévaloir, par la voie de l’exception, de l’illégalité de l’acte déclaratif d’utilité publique ou de l’acte le prorogeant, quand bien même le requérant aurait vu son recours en excès de pouvoir contre la déclaration d’utilité publique ou l’acte la prorogeant, être rejeté. »

Aussi, tout requérant peut par la voie de l’exception d’illégalité, invoquer à l’encontre d’un arrêté de cessibilité un moyen dirigé contre la DUP ou ses prorogations, et ce nonobstant la circonstance que le requérant aurait vu son recours dirigé contre la DUP ou l’acte la prorogeant rejeté.

Toutefois, au cas présent, le juge a rejeté comme non fondés l’ensemble des moyens soulevés par la voie de l’exception d’illégalité.

CE, 4 août 2021, Commune de Mitry-Mory c/ Premier ministre et autres, req. n° 429800, à paraître aux tables du Recueil Lebon