Saisi par le Syndicat CGT de la société Cofiroute d’un recours tendant à l’annulation de décision implicite de rejet par laquelle le ministre délégué chargé des transports a rejeté sa demande tendant au retrait de la directive [émanant du ministère des transports] du 26 septembre 1980 relative au service minimum a assuré en cas de grève, sur les autoroutes concédées, le Conseil d’Etat a été amené à préciser les modalités de la réglementation du droit de grève dans ce domaine.
La Haute juridiction a d’abord rappelé le principe figurant à l’alinéa 7 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et intégré au bloc de constitutionnalité selon lequel « le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ». Cette disposition invite le législateur à opérer la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels dont la grève constitue l’une des modalités et la sauvegarde de l’intérêt général, auquel elle peut être de nature à porter atteinte.
S’agissant des modalités de grève dans les services publics, le Conseil d’Etat constate ensuite que les dispositions de la loi du 31 juillet 1963 en vigueur à la date de la directive contestée, se bornent à opérer la conciliation entre les deux impératifs ci-avant exposés sur deux points particuliers : (i) l’obligation de dépôt de préavis préalable à la grève, et (ii) l’interdiction de certaines modalités d’arrêt du travail des agents. Aussi, nonobstant la codification de ces dispositions dans le code du travail, celles-ci ne constituent pas « l’ensemble de la réglementation du droit de grève annoncée par la Constitution ».
Par suite, le Conseil d’Etat rappelle d’abord le principe dégagé par sa jurisprudence Dehaene de 1950, considérant qu’« en l’absence de la complète législation ainsi annoncée par la Constitution, la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour conséquence d’exclure les limitations qui doivent être apportées à ce droit, comme à tout autre, en vue d’en éviter un usage abusif, ou bien contraire aux nécessités de l’ordre public ou aux besoins essentiels du pays » et qu’il appartient à l’autorité administrative responsable du bon fonctionnement d’un service public de fixer elle-même la nature et l’étendue de ces limitations ; puis, il précise alors que « lorsque ce service est concédé, ce pouvoir appartient, sauf texte particulier, à l’autorité concédante, qui, s’agissant des concessions d’autoroutes, est l’Etat. »
Enfin, les juges du Palais royal ont considéré qu’en l’espèce, le ministre des Transports a légalement et sans excéder sa compétence, procédé aux aménagements du droit de grève requis à l’égard des concessions d’autoroutes, par la directive contestée. Conséquemment, la requête du Syndicat CGT de la société Cofiroute est rejetée.
CE, 5 avril 2022, Syndicat CGT de la société Cofiroute, req. n° 450313, aux Tables