En application du I de l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation (ci-après « CCH ») certaines communes sont tenues d’atteindre, selon les cas, 20% ou 25% de logements sociaux dans le parc de résidences principales. Toutefois, le III de ce même article prévoit un mécanisme d’exemption par décret, pour une période triennale. C’est dans ce contexte que, par un recours en excès de pouvoir, la commune d’Emerainville a sollicité l’annulation du décret n° 2019-1577 en tant qu’elle ne figure pas sur la liste des communes exemptées.
Le Conseil d’Etat rappelle ainsi que pour être exemptées de leurs obligations en matière de logement social, les communes doivent d’abord être proposées comme éligibles à cette exemption par une délibération de l’organe délibérant de l’EPCI auquel elles appartiennent et doivent ensuite être retenues par le décret d’exemption. Ainsi, l’absence de présentation par l’EPCI compétent fait obstacle à ce qu’une commune puisse être retenue par ce décret.
En effet, pour proposer une commune à la demande d’exemption, l’EPCI doit vérifier que celle-ci remplit au moins l’une des trois conditions prévues au III de l’article L. 302-5 du CCH. Mais pour autant, la seule circonstance que la commune remplit une ou plusieurs conditions d’éligibilité n’impose pas à l’EPCI de proposer son exemption. Ce dernier peut toujours refuser de faire cette proposition au vu de l’ensemble des intérêts publics en cause en tenant compte, notamment, « de l’importance de la demande de logements locatifs sociaux sur son territoire, du taux de logements sociaux de la commune, de sa politique en matière de réalisation de logements sociaux et de ses performances passées dans l’atteinte de ces objectifs ».
Enfin, le Conseil d’Etat considère que « si la délibération par laquelle l’organe compétente d’un EPCI se prononce sur des demandes d’exemption de communes lui appartenant revêt, y compris lorsqu’elle refuse de faire droit à une demande, le caractère d’acte préparatoire insusceptible de recours pour excès de pouvoir, des moyens tirés de sa régularité ou de son bien-fondé peuvent, quel que soit le sens de cette délibération, être invoqués devant le juge saisi du décret pris, au titre de la période triennale considérée, sur le fondement du premier alinéa de l’article L. 302-5 du CCH ».
Examinant les faits de l’espèce, la Haute juridiction constate que le conseil communautaire de la communauté d’agglomération Paris – Vallée de la Marne a refusé de proposer que la commune d’Emerainville soit exemptée de ses obligations en matière de logement social alors que celle-ci remplissait l’une des trois conditions alternatives prévues par le III de l’article L. 302-5 du CCH. Ce refus de proposition ne reposant sur aucun intérêt public, le Conseil d’Etat a donc fait droit à l’exception d’illégalité invoquée pour annuler le décret en tant qu’il ne mentionne pas la commune d’Emerainville.
CE, 10 mai 2022, Commune d’Emerainville, n° 439128, Mentionné aux Tables du recueil Lebon