A l’origine de la présente affaire, la commune de Nîmes avait attribué en 2012 à la société Culturespaces, une délégation de service public portant sur l’exploitation culturelle et touristique des monuments romains de la ville. L’offre du délégataire sortant n’a cependant pas été retenue lors de l’attribution d’une nouvelle concession prenant effet le 1er novembre 2021 et, dès le 28 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Marseille a dû ordonner à la société Culturespaces de suspendre toute action de destruction et de s’assurer de la conservation des biens matériels et immatériels susceptibles d’être qualifiés de biens de retours.
La commune s’est donc trouvée contrainte de saisir le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, afin qu’il ordonne la restitution de ces biens sur le fondement de l’article L. 521-3 du code de justice administrative. C’est à l’encontre de l’ordonnance de rejet rendue le 13 décembre 2021 que la commune se pourvoit en cassation.
Dans ce cadre, le Conseil d’Etat rappelle que s’il n’appartient pas au juge administratif d’intervenir dans la gestion d’un service public en adressant des injonctions à ceux qui ont contracté avec l’administration, il en va autrement quand l’administration ne peut user de moyens de contrainte à l’encontre de son cocontractant qu’en vertu d’une décision juridictionnelle. Ainsi, « la restitution par le concessionnaire des biens de retour d’une concession, dès lors qu’elle est utile, justifiée par l’urgence et ne se heurte à aucune contestation sérieuse, est au nombre des mesures qui peuvent être ordonnées par le juge des référés sur le fondement de l’article L. 521-3 du code de justice administrative ».
Ensuite, après avoir rappelé le régime des biens de retour nécessaires au fonctionnement du service public et précisé que le contrat ne peut « faire obstacle au retour gratuit de ces biens à la personne publique en fin de concession », le Conseil d’Etat censure l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nîmes pour erreur de droit. Ce dernier avait estimé que les stipulations de la convention de délégation de service public étaient susceptibles de faire obstacle au retour gratuit à la commune des biens nécessaires au fonctionnement du service public, sans d’ailleurs rechercher s’ils constituaient effectivement des biens de retour.
Jugeant enfin l’affaire au fond, le Conseil d’Etat a considéré, dans un premier temps, que la juridiction administrative était effectivement compétente pour connaître du litige dans la mesure où, en l’espèce, les demandes de restitution des différents supports, matériels ou non, n’entrent pas dans le champ des dispositions de l’article L. 331-1 du code de propriété intellectuelle à défaut d’être regardées comme relatives à la propriété littéraire et artistique.
Dans un second temps, il a jugé que constituent des biens de retour :
– le support de film relatif à la Maison Carrée réalisé par le délégataire ;
– les droits d’administration des pages des réseaux sociaux relatives aux monuments faisant l’objet du contrat ; et
– les décors nécessaires à l’organisation annuelle du spectacle des « Grands Jeux Romains ».
Par conséquent, le Conseil d’Etat fait droit aux demandes d’injonction formulées par la commune de Nîmes et tendant à la restitution de ces biens, matériels et immatériels, nécessaires au fonctionnement du service public. L’injonction s’est trouvée justifiée, à chaque fois, par l’utilité et l’urgence de la mesure eu égard à la nécessité pour le nouveau délégataire d’utiliser ces biens pour les événements proches à venir.
CE, 16 mai 2022, Commune de Nîmes, n° 459904, Publié au recueil Lebon