Le Conseil constitutionnel valide l’obligation fixée par la loi de transformation de la fonction publique d’appliquer une durée de travail de 1 607 heures au sein des collectivités territoriales, mettant ainsi fin aux régimes dérogatoires

Le Conseil constitutionnel valide l’obligation fixée par la loi de transformation de la fonction publique d’appliquer une durée de travail de 1 607 heures au sein des collectivités territoriales, mettant ainsi fin aux régimes dérogatoires

Cons. Const, 29 juillet 2022, n°2022-1006 QPC

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 1er juin 2022, par le Conseil d’Etat d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le premier alinéa du paragraphe I de l’article 47 de la loi n°2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.

Le I de l’article 47 précité indique que :  « Les collectivités territoriales et les établissements publics mentionnés au premier alinéa de l’article 2 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ayant maintenu un régime de travail mis en place antérieurement à la publication de la loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001 relative à la résorption de l’emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu’au temps de travail dans la fonction publique territoriale disposent d’un délai d’un an à compter du renouvellement de leurs assemblées délibérantes pour définir, dans les conditions fixées à l’article 7-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, les règles relatives au temps de travail de leurs agents. Ces règles entrent en application au plus tard le 1er janvier suivant leur définition. Le délai mentionné au premier alinéa du présent I commence à courir : 1 ° En ce qui concerne les collectivités territoriales d’une même catégorie, leurs groupements et les établissements publics qui y sont rattachés, à la date du prochain renouvellement général des assemblées délibérantes des collectivités territoriales de cette catégorie ; 2 ° En ce qui concerne les autres établissements publics, à la date du prochain renouvellement de l’assemblée délibérante ou du conseil d’administration. (…) »

Rappelons à titre préalable que, conformément à la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant disposition statutaire relative à la fonction publique de l’Etat modifié par l’article 48 de la loi °2019-828 du 6 août 2019 précitée et désormais codifiée au code général de la fonction publique (art. L. 611-1), la durée du travail effectif des agents de l’Etat est celle fixée à l’article L. 3121-27 du code du travail. Le décompte du temps de travail des agents de l’Etat est réalisé sur la base d’une durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’Etat précisant notamment les mesures d’adaptation tenant compte des sujétions auxquelles sont soumis certains agents.

Selon les communes requérantes, les dispositions de l’article 47 précité méconnaitraient le principe de libre administration des collectivités territoriales au motif qu’elles obligeraient les collectivités territoriales qui avaient été autorisées à maintenir des régimes de temps de travail dérogatoires, à définir les règles relatives au temps de travail de leurs agents dans les limites applicables aux agents de l’État ; et, porteraient une atteinte injustifiée à l’économie des contrats de travail conclus par les collectivités territoriales avec leurs agents contractuels, en méconnaissance de la liberté contractuelle.

Le Conseil constitutionnel rappelle que :

– en vertu du premier alinéa de l’article 7-1 de la loi du 26 janvier 1984, les collectivités territoriales fixent les règles relatives à la définition, à la durée et à l’aménagement du temps de travail de leurs agents dans les limites applicables aux agents de l’État, en tenant compte de la spécificité des missions exercées par ces collectivités.

– par dérogation, le dernier alinéa de ce même article a permis aux collectivités de maintenir les régimes de temps de travail qu’elles avaient mis en place avant l’entrée en vigueur de la loi n°2001-2 du 3 janvier 2001 relative à la résorption de l’emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu’au temps de travail dans la fonction publique territoriale.

Le Conseil relève que l’article 47 de la loi du 6 août 2019 précité met fin à cette faculté.  En effet, cet article impose aux collectivités territoriales qui en ont fait usage de fixer, par une délibération prise dans le délai d’un an à compter du renouvellement de leurs assemblées délibérantes, les règles relatives au temps de travail de leurs agents dans les limites applicables à ceux de l’État.

Par une décision n° 2022-1006 QPC du 29 juillet 2022, le Conseil constitutionnel considère que la première phrase du premier alinéa du paragraphe I de l’article 47 de la loi n°2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique est conforme à la Constitution.

En effet, le Conseil constitutionnel estime qu’en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu contribuer à l’harmonisation de la durée du temps de travail au sein de la fonction publique territoriale ainsi qu’avec la fonction publique de l’État afin de réduire les inégalités entre les agents et faciliter leur mobilité et que par voie de conséquence, il a poursuivi un objectif d’intérêt général.

Afin d’écarter le grief tiré de la méconnaissance du principe de libre administration des collectivités territoriales, le Conseil constitutionnel juge que, d’une part, les dispositions contestées se bornent, en matière d’emploi, d’organisation du travail et de gestion de leurs personnels, à encadrer la compétence des collectivités territoriales pour fixer les règles relatives au temps de travail de leurs agents et, d’autre part, que les collectivités territoriales qui avaient maintenu des régimes dérogatoires demeurent libres de définir des régimes de travail spécifiques pour tenir compte des sujétions liées à la nature des missions de leurs agents. Enfin, il indique qu’en modifiant le cadre légal dans lequel sont placés les agents publics en matière de temps de travail, le législateur n’a pas porté atteinte à la liberté contractuelle.

Cons. Const, 29 juillet 2022, n°2022-1006 QPC