Absence d’urgence à suspendre la Vignette « Crit’Air 1 » accordée aux poids lourds fonctionnant au biocarburant de type B100
CE, ord., 1er septembre 2022, Société Gaz’up et autres c/ Ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, n° 466453
A la faveur d’une ordonnance du 1er septembre 2022, le juge des référés du Conseil d’Etat est venu donner une nouvelle illustration quant à l’appréciation, en matière de vignette « Crit’Air », de la condition d’urgence visée à l’article L. 521-1 du code de justice administrative.
Plus précisément, dans le cadre de l’affaire commentée, la société Gaz’up et autres ont saisi le juge des référés du Conseil d’Etat d’une demande de suspension de l’exécution de l’arrêté du 11 avril 2022 modifiant l’arrêté du 21 juin 2016 établissant la nomenclature des véhicules classés en fonction de leur niveau d’émission de polluants atmosphériques en application de l’article R. 318-2 du code de la route.
Pour mémoire, rappelons que, le 21 juin 2016, a été adopté l’arrêté établissant la nomenclature des véhicules classés en fonction de leur niveau d’émission de polluants atmosphériques et dont l’annexe comporte un tableau classant les véhicules routiers à moteur en fonction de leur niveau d’émission de polluants atmosphériques locaux en fonction de la catégorie du véhicule, de sa motorisation ainsi que de la norme « Euro ».
Par l’arrêté du 11 avril 2022 dont la suspension a été demandée par les sociétés requérantes, l’arrêté du 21 juin 2016, et notamment son annexe, a été modifié afin d’ajouter dans le tableau de classification des véhicules une colonne relative aux véhicules poids lourds- autobus et autocar utilisant exclusivement du biocarburant B100. Plus précisement, l’arrêté du 11 avril 2022 rend ces véhicules éligibles à la vignette « Crit’Air 1 », laquelle est attribuée aux véhicules émettant le moins de polluants atmosphériques.
C’est dans ce cadre que, pour justifier de l’urgence à suspendre l’arrêté litigieux, les requérants ont soutenu que l’arrêté attaqué :
– d’une part, porte gravement atteinte aux intérêts publics s’attachant à la lutte contre la pollution de l’air et les nuisances sonores, mais également à la protection de l’environnement et de la santé publique de manière générale ;
– d’autre part, préjudicie gravement à leurs intérêts économiques en tant qu’il induit une situation de rupture de développement de l’ensemble de la filière GNV-BioGNV, et ce de manière immédiate.
Toutefois, dans le cadre de l’affaire commentée, le juge des référés a adopté une appréciation stricte de la condition visée à l’article L. 521-1 du code de justice administrative.
En effet, afin de rejeter la requête, le juge des référés a considéré que : « […] si les sociétés requérantes soulignent que, au cours des derniers mois, on a assisté à un baisse importante des achats et des immatriculations de poids lourds fonctionnant au gaz naturel et une hausse parallèle des achats et des immatriculations de poids lourds fonctionnant au biocarburant B100 alors que la tendance était jusqu’alors à une hausse régulière des achats et des immatriculations de poids lourds fonctionnant au gaz naturel, elles ne produisent pas d’éléments précis de nature à établir que cette évolution du marché – à la supposer induite par le seul effet de l’arrêté contesté alors que d’autres causes sont évoquées, tenant notamment à la forte hausse du prix du gaz dans le contexte géopolitique actuel – porterait une atteinte à leur rentabilité d’une ampleur telle qu’elle serait de nature à caractériser une urgence au sens des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice, alors en outre qu’il ressort de l’instruction que la gestion d’une flotte de poids lourds obéit à des considérations de moyen et long termes et présente ainsi un certain degré de stabilité. »
Ce n’est pas tout, puisque le juge des référés a également considéré que « Par ailleurs, il ne résulte pas non plus de l’instruction ni des échanges lors de l’audience publique que l’effet de cet éventuel report induirait par lui-même une évolution des émissions de polluants de nature à caractériser une situation d’urgence. Par suite, la condition d’urgence prévue par ces dispositions ne peut être regardée comme remplie, alors en outre que la requête en annulation présentée par les sociétés requérantes devrait être jugée par le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, d’ici à la fin de l’année. »
C’est dans ce cadre que, sans même examiner l’autre condition fixée à l’article L. 521-1 du code de justice administratif pour obtenir la suspension de l’arrêté attaqué, à savoir si les sociétés requérantes font, ou non, état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la l’arrêté litigieux, le juge des référés a rejeté la requête de la société Gaz’up.