Le consultant prévu par l’article R. 625-2 du code de justice administrative est tenu de respecter le principe du contradictoire
CE, 10 novembre 2022, Association syndicale autorisée du canal de Ventavon-Saint-Tropez, req. n° 456661
Par un arrêt du 10 novembre 2022 mentionné dans les tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat a été amené à se prononcer sur l’application du principe du contradictoire au consultant prévu par l’article R. 625-2 du code de justice administrative.
Pour mémoire, ces dispositions prévoient que :
« Lorsqu’une question technique ne requiert pas d’investigations complexes, la formation de jugement peut charger la personne qu’elle commet de lui fournir un avis sur les points qu’elle détermine. Elle peut, à cet effet, désigner une personne figurant sur l’un des tableaux établis en application de l’article R. 221-9. Elle peut, le cas échéant, désigner toute autre personne de son choix. Le consultant, à qui le dossier de l’instance n’est pas remis, n’a pas à opérer en respectant une procédure contradictoire à l’égard des parties. (…) ».
En l’espèce, en s’appuyant sur une convention conclue entre l’association syndicale autorisée du canal de Ventavon-Saint-Tropez et Electricité de France en 1972, EDF a sollicité du juge administratif, à titre principal, la condamnation de l’association à lui verser une somme de 207.801,95 euros HT, et, à titre subsidiaire la désignation d’un expert pour évaluer le montant de la consommation d’électricité.
En appel, avant de statuer sur le fond, la Cour administrative d’appel de Marseille a demandé un avis à un consultant technique. A la suite de l’avis rendu par ce dernier, les juges d’appel ont condamné l’association à indemniser EDF.
Estimant que l’avis avait été irrégulièrement émis par le consultant, faute pour ce dernier de l’associer à ses opérations auxquelles les représentants d’EDF étaient présents, l’association s’est pourvue en cassation.
Le Conseil d’Etat rappelle, au visa de l’article R. 625-2 du code de justice administrative, que « si le consultant désigné par le juge n’est pas tenu d’élaborer son avis dans le cadre d’une procédure contradictoire, il doit, dès lors qu’il est amené à entendre l’une des parties au procès ou à examiner des pièces produites par elle, associer en principe l’autre partie au procès à ces auditions ou examens, dans toute la mesure où le respect d’un secret, tel que le secret médical ou le secret des affaires, ne s’y oppose pas ».
Ainsi, le Conseil d’Etat considère que le consultant est tenu de respecter, a minima, le principe du contradictoire en associant, dans la mesure du possible, les parties à ses opérations.
Or, en l’occurrence, le consultant désigné par la Cour administrative d’appel avait pris connaissance de pièces transmises par la société EDF et avait entendu des représentants de cette dernière sans pour autant associer l’association à ces auditions et examens, méconnaissant dès lors le principe du contradictoire.
D’après le Conseil d’Etat, cette circonstance est constitutive d’une erreur de droit.
Cependant, réglant l’affaire au fond, le Conseil d’Etat considère que le non-respect du principe du contradictoire par le consultant ne fait pas obstacle à ce que la teneur des informations contenues dans cet avis puisse être prise en compte, les parties ayant pu formuler leurs observations au cours de la procédure qui a suivi le versement au dossier de cet avis.
Dans ces conditions, le Conseil d’Etat confirme la condamnation de l’association à indemniser EDF.