Cass., 3e civ., 14 septembre 2023, n° 22-13.107, publié au bulletin
Par une décision rendue le 14 septembre dernier, publiée au bulletin, la Cour de cassation s’est prononcée sur la recevabilité de la tierce opposition formée par l’assureur à l’encontre d’une décision condamnation son assuré pour un risque couvert.
En l’espèce, les maîtres d’ouvrage d’une opération de construction d’une maison avec un garage ont obtenu la condamnation du maître d’œuvre à la réparation d’un désordre consistant en une erreur altimétrique les privant d’accès à leur garage.
Le maître d’œuvre ayant été radié, les maîtres d’ouvrage ont d’abord mis en demeure l’assureur en responsabilité décennale du maître d’œuvre de payer le montant des condamnations prononcées à l’encontre de son assurée puis l’ont assigné en paiement.
Les juges d’appel ont non seulement jugé recevable la tierce opposition incidente formée par l’assureur à l’encontre du jugement ayant prononcé la condamnation de son assuré, mais de surcroît rejeté les demandes présentées par les maîtres d’ouvrage.
Saisie de ce litige par pourvoi formé par le maître d’ouvrage, la Cour de cassation rappelle que :
- La décision judiciaire condamnant l’assuré à raison de sa responsabilité constitue pour l’assureur de cette responsabilité la réalisation, tant dans son principe que dans son étendue, du risque couvert et lui est opposable, à moins de fraude à son encontre (, 1re civ., 29 octobre 2014, n° 13-23.506) ;
- La fraude, qui rend recevable la tierce opposition de l’assureur à l’encontre de la décision judiciaire condamnant son assuré à réparation, peut être le fait de l’assuré ou du tiers victime (, 1re civ., 27 avril 1994, n° 92-10.905), mais ne peut pas être déduite de la seule absence d’appel en la cause de l’assureur dans l’instance opposant le tiers lésé à l’assuré (Cass., 1re civ., 2 juillet 1991, n° 89-21.622 ; Cass., 2e civ., 22 octobre 2020, n° 19-21.854).
En l’occurrence, la cour d’appel a relevé que l’assureur de responsabilité décennale du constructeur avait opposé, par une lettre du 12 novembre 2015, un refus de garantie aux maîtres de l’ouvrage au motif que le désordre d’altimétrie rendant impossible l’accès des véhicules aux garages, situés 45 cm plus haut que la voirie achevée, était apparent à la réception et n’avait fait l’objet d’aucune réserve.
Pourtant, les maîtres de l’ouvrage avaient ensuite assigné en réparation le seul constructeur, lequel n’avait pas constitué avocat, faisant ainsi ressortir que leurs demandes n’avaient été examinées qu’au vu de leurs seules pièces, avant de mettre l’assureur en demeure de payer le montant des condamnations prononcées contre le constructeur.
En effet, les maîtres de l’ouvrage, qui connaissaient la position de non-garantie de l’assureur en raison du caractère apparent du désordre, avaient délibérément omis de l’informer de l’instance engagée contre le constructeur ou de l’attraire dans la cause pour le mettre devant le fait accompli, caractérisant ainsi une fraude aux droits de l’assureur, rendant de facto recevable sa tierce opposition.
Cass., 3e civ., 14 septembre 2023, n° 22-13.107, publié au bulletin