Le pouvoir adjudicateur n’est pas tenu d’exclure de la procédure de passation d’une délégation de service public une société soumissionnaire qui, bien qu’ayant pris connaissance de fichiers concernant l’offre d’une société concurrente mis à sa disposition en raison d’un dysfonctionnement informatique majeur, l’en a averti avant la poursuite de la procédure de négociation et le dépôt de son offre finale

CE, 2 février 2024, Société Suez Eau France, req. n° 489820, publié au recueil Lebon

A la faveur d’une décision rendue le 2 février 2024, publié au recueil Lebon, le Conseil d’Etat apporte des précisions quant à la définition de la clause d’exclusion facultative prévue par l’article L. 3123-8 du code de la commande publique en considérant qu’elle est « constituée lorsque l’autorité concédante identifie des éléments précis et circonstanciés indiquant que l’opérateur a effectué des démarches qu’il savait déloyales en vue d’obtenir des informations dont il connaissait le caractère confidentiel et qui étaient susceptibles de lui procurer un avantage indu dans le cadre de la procédure de passation ».

En l’occurrence, la société Suez Eau France avait notamment demandé au juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Paris d’annuler la procédure de passation de la concession ayant pour objet la délégation du service public de l’eau potable du Syndicat des Eaux d’Ile-de-France (SEDIF) au stade de la décision du 17 octobre 2023 par laquelle le SEDIF a renoncé à exclure la candidature de la société Veolia, a mis un terme aux négociations sans remise préalable d’une offre finale et a fait le choix d’attribuer la concession en litige sur la base des offres intermédiaires remises par les soumissionnaires en novembre 2022 et de procéder à une mise au point avec chacun des soumissionnaires.

En ce qui concerne plus particulièrement la possibilité d’exclusion de la candidature de la société soumissionnaire concurrente, le Conseil d’Etat relève, au même titre que le juge du référé précontractuel, que les moyens tirés de la méconnaissance par le SEDIF des dispositions de l’article L. 3123-8 du code de la commande publique relatives à la possibilité offerte à l’autorité concédante d’exclure un candidat ayant entrepris d’obtenir des informations confidentielles susceptibles de lui conférer un avantage indu étaient infondés.

En effet, il considère que, si des fichiers concernant l’offre de la société requérante Suez Eau France, et identifiables comme tels, avaient été mis à la disposition de sa concurrente Veolia en raison d’un dysfonctionnement informatique majeur dû à une erreur de programmation de la plateforme utilisée par le SEDIF, et que l’entreprise concurrente les avait effectivement  téléchargés, en avait pris connaissance, les avait dupliqués et avait tardé d’en informer le pouvoir adjudicateur de cet incident, elle l’en a néanmoins averti avant la poursuite de la procédure de négociation et le dépôt de son offre finale, de sorte qu’elle devait être considérée comme ayant nécessairement renoncé à tirer parti de ces éléments dans le cadre de la procédure.

En conséquence, le Conseil d’Etat conclut, en déduisant des faits précités, que le SEDIF n’était pas tenu d’exclure la société Veolia de la procédure de passation en litige sur le fondement de l’article L. 3123-8 du code de la commande publique, si bien que le juge des référés n’a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis, ni commis d’erreur de droit.

CE, 2 février 2024, Société Suez Eau France, req. n° 489820, publié au recueil Lebon

 

 

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