A l’issue d’une opération de construction, l’action d’un constructeur à l’encontre d’un autre se prescrit par cinq ans à compter du jour où le premier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer

La SNC Finance Plus a, en qualité de maître d’ouvrage, entrepris la construction d’un immeuble, pour lequel elle s’est adjoint les services de M. X, architecte, et de M. Y, carreleur assuré en garantie décennale par la société Maaf Assurances.

Les travaux ont été réceptionnés le 23 décembre 1999.

Mais, se plaignant de l’absence de dispositif d’évacuation des eaux pluviales sur la terrasse d’un appartement et de l’existence de traces sur certaines façades de l’immeuble, le syndicat des copropriétaires a assigné, le 17 décembre 2009, M. X, le 28 décembre 2009, M. Y, et le 25 janvier 2010, la Maaf, en référé expertise.

Un expert a été désigné par ordonnance de référé du 9 février 2010, et aux termes des opérations d’expertise, le syndicat des copropriétaires a assigné M. X en indemnisation par acte du 11 décembre 2013, cependant que ce dernier a appelé en garantie M. Y et la société Maaf par actes du 10 et 12 juin 2014.

Par arrêt du 5 mars 2018, la Cour d’appel de Riom a déclaré l’action en garantie prescrite sur le fondement de l’article 1792-4-3 du code civil, lequel prévoit qu’une prescription de dix ans à compter de la réception s’applique aux recours entre constructeurs fondés sur la responsabilité contractuelle ou quasi-contractuelle.

La Cour d’appel conclut donc que M. Y et la Maaf ont été assignés en référé postérieurement à l’expiration du délai décennal.

Saisie de ce litige, la Cour de cassation rappelle le principe selon lequel le recours d’un constructeur contre un autre constructeur a pour objet de déterminer la charge définitive de la dette que doit supporter chaque responsable.

Cependant, la troisième chambre civile précise, en faisant référence à sa jurisprudence du 8 février 2012 (Cass., 3e civ., 8 février 2012, n° 11-11417), qu’une telle action ne pouvant être fondée sur la garantie décennale, est nécessairement de nature contractuelle ou quasi-contractuelle, selon que les constructeurs soient ou contractuellement liés.

Or, ni le point de départ ni le délai de prescription de l’action en garantie exercée par un constructeur à l’encontre d’un autre ne relèvent de l’article 1792-4-3 du code civil, ces dispositions ayant vocation à s’appliquer uniquement aux actions en responsabilité à l’initiative du maître d’ouvrage contre les constructeurs ou les sous-traitants.

Pour la Cour de cassation, fixer la date de réception comme point de départ du délai de prescription de l’action d’un constructeur à l’encontre d’un autre pourrait avoir pour effet de priver ce premier du droit d’accès à un juge, lorsqu’il est assigné par le maître d’ouvrage en fin de délai d’épreuve.

Ainsi, selon la troisième chambre civile, le recours d’un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant relève des dispositions de l’article 2224 du code civil, lesquelles prévoient que l’action se prescrit par cinq ans, à compter du jour où le premier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Or, la troisième chambre civile fait une nouvelle fois preuve de pédagogie en rappelant les termes de sa jurisprudence du 19 mai 2016 (Cass., 3e civ., 19 mai 2016, n° 15-11355) selon laquelle l’assignation en référé-expertise délivrée par le maître d’ouvrage à l’entrepreneur principal mettant en cause la responsabilité de ce dernier constitue le point de départ du délai de son action récursoire à l’encontre des sous-traitants.

Partant, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt rendu par la Cour d’appel, en ce qu’il a déclaré prescrite l’action en garantie exercée par M. X prescrite contre M. Y et la société Maaf.

Cass., 3e civ., 16 janvier 2020, n° 18-25915