Après établissement du décompte général et définitif, le maître d’ouvrage peut difficilement réclamer au titulaire des sommes dont il n’a pas fait état dans le décompte

Après exécution d’un marché portant sur l’aménagement d’un parc paysager, la société ISS Espaces Verts a présenté à la Commune de Gandrange le décompte final, laquelle avait établi sur cette base un projet de décompte général. Si le titulaire a accepté ce décompte général, il l’a toutefois assorti de deux réserves, l’une tirée de ce que la totalité du montant des acomptes qui figurent dans le décompte ne lui avait pas été versée, l’autre reposant sur le fait que la retenue de garantie opérée n’était pas justifiée.

Postérieurement à l’établissement du décompte général, constatant des retards dans la réalisation du parc paysager, la Commune de Gandrange a pris la décision d’infliger des pénalités de retard à la société ISS Espaces Verts et a procédé à l’émission d’un titre exécutoire.

Saisi de ce litige par la société ISS Espaces Verts, le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé le titre exécutoire et condamné le maître d’ouvrage à verser au titulaire une somme correspondant au règlement du marché.

La Commune de Gandrange a interjeté appel de ce jugement.

Par un arrêt rendu le 28 mai 2019, la Cour administrative d’appel de Nancy a confirmé non seulement l’illégalité du titre exécutoire pris par la Commune de Gandrange, mais de surcroît sa condamnation à régler à la société ISS Espaces Verts le solde du marché.

En effet, les juges d’appel ont premièrement relevé qu’en se bornant à indiquer en guise d’objet du titre litigieux « concerne pénalités SARL ID Verde – parc paysager – décompte des pénalités », la Commune de Gandrange n’avait pas indiqué de façon suffisamment précise les bases de la liquidation de la créance et les éléments de calcul de celle-ci, et ce d’autant plus qu’elle n’avait pas joint le décompte du marché au titre exécutoire.

Deuxièmement, la Cour administrative d’appel a rappelé le principe selon lequel une fois que le décompte général a été établi et signé par le maître d’ouvrage, celui-ci ne peut réclamer au titulaire des sommes dont il n’a pas fait mention dans son décompte. Ce principe est toutefois tempéré dans deux hypothèses :

  • D’une part, lorsqu’une procédure juridictionnelle opposant le maître d’ouvrage au titulaire a été engagée préalablement à l’établissement du décompte ;
  • D’autre part, lorsque le titulaire a contesté sur une partie des sommes inscrites au décompte général. A la Cour administrative d’appel de préciser dans ce second cas de figure qu’il doit exister « un lien entre les sommes réclamées par le maître d’ouvrage et celles à l’égard desquelles le titulaire a émis des réserves».

Or, au cas d’espèce, si la Commune de Gandrange avait repris intégralement le montant de la situation n°7, elle avait refusé de la régler en son intégralité, retenant sur celle-ci le montant des pénalités de retard appliquées postérieurement à l’établissement du décompte.

Retenant que la Commune n’avait pas fait figurer les pénalités de retard dans le décompte général avant de le transmettre revêtu de sa signature au titulaire du marché, la Cour administrative d’appel de Nancy condamne le maître d’ouvrage à régler au titulaire la totalité du montant inscrit sur le décompte.

Au demeurant, les circonstances d’une part que le titulaire aurait eu connaissance de la volonté de la Commune de lui infliger des pénalités et d’autre part que la Commune n’ait pas fait figurer les pénalités de retard dans le décompte général en raison des instructions du trésorier sont sans incidence et ne sont pas susceptibles de l’exonérer de sa responsabilité vis-à-vis de la société ISS Espaces Verts.

CAA Nancy, 28 mai 2019, Commune de Gandrange, req. n° 18NC00502