Baux commerciaux et domaine public : illustration du contrôle du juge administratif sur le comportement de l’autorité domaniale laissant croire à l’occupant qu’il bénéficie des garanties prévues par la législation sur les baux commerciaux

Rappelons que si, depuis la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, dite loi « Pinel », le code général de la propriété de la personne publique prévoit la possibilité qu’un fonds de commerce soit exploité sur le domaine public, sous réserve de l’existence d’une clientèle propre (art. L. 2124-32-1), cette reconnaissance n’ouvre pas la possibilité de conclure des baux commerciaux sur le domaine public, eu égard aux garanties attachées à ce type de contrat (tacite reconduction, notamment), qui sont incompatibles avec la précarité de principe de l’occupation du domaine public.

Il reste que, comme cela a été précisé par une décision Société des remontées mécaniques Les Houches-Saint-Gervais rendue par le Conseil d’Etat le 24 novembre 2014 (req. n° 352402), le fait, pour l’autorité gestionnaire du domaine public de conclure – illégalement, donc – un bail commercial sur le domaine public ou de laisser « croire à l’exploitant [du] bien qu’il bénéficie des garanties prévues par la législation sur les baux commerciaux » est susceptible d’engager la responsabilité de l’administration. Celle-ci peut être tenue d’indemniser les dépenses qui n’ont été engagées par l’occupant que « dans la perspective d’une exploitation dans le cadre d’un bail commercial ainsi que des préjudices commerciaux et, le cas échéant, financiers qui résultent directement de la faute qu’a commise l’autorité gestionnaire du domaine public en l’induisant sur l’étendue de ses droits ».

La Cour administrative d’appel de Bordeaux était appelée à se prononcer sur un dossier dans lequel le requérant prétendait être titulaire d’un bail commercial ou, à tout le moins, bénéficier des garanties attachées au régime des baux commerciaux.

A la suite d’une délibération du 7 novembre 2011, la commune de Niort avait décidé la résiliation de l’ensemble des conventions d’occupation du domaine public des Halles de Niort, et réévalué pour l’avenir les redevances d’occupation de ces mêmes dépendances.

Intimée de libérer les lieux avant le 31 décembre 2012, une société occupante a contesté la légalité de la délibération précitée et cherché à engager la responsabilité de la commune devant le tribunal administratif de Poitiers, notamment en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation de la convention d’occupation dont elle prétendait être titulaire.

Le Tribunal a considéré que, si c’était à tort que la commune avait recalculé la redevance d’occupation, et que sa responsabilité en était engagée de ce fait, la ville avait, en revanche, considéré à bon droit que la requérante occupait sans titre ladite dépendance, et que, dès lors, elle ne pouvait prétendre à la réparation d’aucun préjudice du fait de la résiliation de la convention dont elle prétendait être titulaire.

La société a fait appel de ce jugement. Elle soutenait qu’elle devait être regardée comme bénéficiaire d’un bail commercial, antérieur au « contrat de location » conclu avec la ville en 1987 et qui aurait été renouvelé par tacite reconduction jusqu’alors. Elle faisait valoir qu’elle occupait, par conséquent, de manière régulière la dépendance domaniale en cause, et que la résiliation prononcée par la ville de Niort était illégale et était intervenue dans des conditions lui ouvrant droit à indemnité.

Les juges d’appel étaient ainsi conduits à vérifier, au regard des éléments du dossier, si la ville pouvait être regardée comme ayant conclu un bail commercial ou « laissé croire à l’exploitant [du] bien qu’il bénéfici[ait] des garanties prévues par la législation sur les baux commerciaux », dans des conditions de nature à engager sa responsabilité, au sens de la décision précitée Société des remontées mécaniques Les Houches-Saint-Gervais.

Après avoir repris les demandes de la société, le juge d’appel tranche en faveur de la commune.

Constatant qu’il « ne ressort […] d’aucune pièce du dossier que la commune, qui a expressément précisé dans la convention du 3 avril 1987 que le bail passé avec les précédents occupants était annulé, aurait laissé croire à la société Richou qu’elle bénéficiait des garanties prévues par la législation des baux commerciaux, et notamment du renouvellement du bail par tacite reconduction », le juge d’appel relève que la responsabilité de la commune ne pouvait être engagée en vertu de la jurisprudence précitée et que la société ne pouvait, par ailleurs, être considérée comme détentrice d’un titre d’occupation du domaine public.

La requête a ainsi été rejetée.

Cette décision d’espèce confirme la nécessité, pour le requérant qui s’y estime fondé, de démontrer de manière tangible les éléments qui, dans le comportement de l’autorité gestionnaire du domaine à son égard, l’ont conduit à considérer être bénéficiaire d’un bail commercial ou des garanties qui y sont légalement attachées.

Cour administrative d’appel de Bordeaux, 14 mai 2020, req. n° 18BX0227

 

 

 

 

 

 

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