Confirmation de la suspension de l’exécution d’une convention de concession par le Conseil d’Etat

En l’occurrence, la commune de Toulon a, par un contrat conclu le 20 août 2020, concédé à la société ALG l’exploitation de la salle de spectacles du Zénith de Toulon pour une durée de cinq ans.

 

La société O., candidate évincée à l’attribution du contrat, a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Toulon, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, en vue d’obtenir la suspension de l’exécution de celui-ci.

 

On rappellera qu’en vertu de cet article, la suspension d’un acte par le juge des référés est conditionnée, d’une part, à l’existence d’une situation d’urgence et, d’autre part, à l’existence d’un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.

En l’occurrence, le juge des référés du Tribunal administratif de Toulon avait considéré que les deux conditions définies par l’article L. 521-1 précité étaient remplies, de sorte que ce dernier avait prononcé la suspension de l’exécution du contrat litigieux.

La commune de Toulon et la société ALG se sont pourvues en cassation en vue de demander l’annulation de cette ordonnance.

S’agissant de la condition d’urgence, le Conseil d’Etat relève, d’une part, que le simple fait que la société requérante n’avait qu’une chance de se voir attribuer le contrat litigieux ne faisait pas obstacle à ce que l’attribution du contrat à une autre société puisse être regardée comme portant une atteinte grave et immédiate à ses intérêts :

« d’une part, la seule circonstance que la société évincée n’avait qu’une chance de se voir attribuer le contrat ne faisait pas, par elle-même, obstacle à ce que l’attribution de celui-ci à une autre société fût regardée comme portant une atteinte grave et immédiate à ses intérêts. La commune de Toulon n’est donc pas fondée à soutenir que le juge des référés, dont l’ordonnance est suffisamment motivée et n’est entachée d’aucune contradiction de motifs, aurait commis une erreur de droit sur ce point ».

Puis, le Conseil d’Etat relève, d’autre part, que le chiffre d’affaire de la société requérante, qui était ici intégralement assuré par l’exploitation des salles de spectacles dont elle avait justement pour mission d’assurer la gestion auparavant, voyait son « avenir à court terme fragilisé » par la perte de ce contrat, de sorte que la condition tenant à l’atteinte grave de ses intérêts était caractérisée :

« D’autre part, en constatant qu’il ressortait des pièces du dossier que le chiffre d’affaires de la société Omega + était intégralement assuré par l’exploitation des salles de spectacles dont elle assurait précédemment la gestion et que son avenir à court terme était fragilisé par la perte de ce contrat et en en déduisant que l’attribution du contrat litigieux à une autre société portait une atteinte grave et immédiate à ses intérêts, l’auteur de l’ordonnance attaquée n’a pas dénaturé les pièces du dossier ».

S’agissant de la condition tenant à l’existence d’un moyen créant un doute quant à la légalité de l’acte attaqué, le Conseil d’Etat a, notamment, retenu que la commune de Toulon avait, en l’occurrence, méconnu le principe d’égalité entre les candidats dans le cadre de la passation du contrat. Plus précisément, celui-ci considère que cette méconnaissance est constituée du fait que l’imprécision des informations données par la commune, concernant la subvention qu’elle était susceptible d’accorder au futur délégataire, avait contribué à fausser l’évaluation des offres sur le critère tenant aux conditions économiques et financières :

« le juge des référés, dont l’ordonnance est suffisamment motivée, n’a pas davantage dénaturé les pièces du dossier ni commis d’erreur de droit en relevant que l’appréciation de la rentabilité de chaque offre était partiellement conditionnée par le régime fiscal applicable à la subvention que la commune était susceptible d’accorder au futur délégataire et en estimant que l’imprécision des informations fournies par la commune sur ce point avait contribué à fausser l’évaluation des offres sur le critère relatif aux « conditions économiques et financières » et à créer une rupture d’égalité entre les candidats ».

Après avoir relevé qu’aucun motif d’intérêt général ne s’opposait à ce qu’il prononce la suspension de l’exécution du contrat litigieux, le Conseil d’Etat confirme que les deux conditions définis à l’article L.521-1 du Code de justice administrative étaient bel et bien remplies en l’occurrence, de sorte que le pourvoi de la commune de Toulon et de la société ALG est rejeté.

CE, 15 février 2021, Commune de Toulon, req. n° 445488