CE, 5 juillet 2022, M. C c/ Mme D, req. n° 459683, mentionné aux tables du Recueil Lebon
Saisi d’une demande tendant à l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nancy en date du 21 octobre 2021, le Conseil d’Etat est venu apporter des précisions concernant le point de départ du délai de recours contre les décisions d’aliénation de parcelles supportant :
– soit un chemin rural après sa désaffectation ;
– soit des voies du domaine public routier après leur déclassement.
Pour mémoire, il convient de rappeler qu’aux termes :
– de l’article L. 161-10 du code rural et de la pêche maritime, il est prévu que lorsqu’un chemin rural cesse d’être affecté à l’usage du public, sa vente peut être décidée après enquête publique, étant précisé que lorsque l’alinéation est ordonnée les propriétaires riverains doivent être mis en demeure d’acquérir les terrains attenants à leurs propriétés. A défaut pour ces derniers de déposer leur soumission ou une offre suffisante dans un délai d’un mois, l’aliénation des terrains pourra avoir lieu selon les règles applicables en matière de vente de propriétés communales ;
– de l’article L. 112-8 du code de la voirie routière, il est prévu que les propriétaires riverains des voies du domaine public routier ont une priorité pour l’acquisition des parcelles situées au droit de leur propriété et déclassées à la suite d’un changement de tracé des voies ou de l’ouverture d’une voie nouvelle.
Ensuite, après avoir rappelé qu’il résulte de la combinaison des articles R. 421-1 et R. 421-5 du code de justice administrative que le délai de recours n’est pas opposable au requérant lorsque la notification de la décision attaquée ne comporte pas les mentions requises, le Conseil d’Etat est venu préciser, dans le cadre de la décision commentée, que : « le délai de recours contentieux contre une décision d’aliénation de parcelles supportant un chemin rural après sa désaffectation ou de parcelles supportant des voies du domaine public routier après leur déclassement ne peut courir, pour les propriétaires riverains qui doivent être mis en demeure d’acquérir ces parcelles en application des dispositions citées au point 3, qu’à compter de la date à laquelle la décision d’aliénation leur a été notifiée, peu important que cette décision ait été par ailleurs publiée ou affichée. ».
C’est dans ce cadre que le Conseil d’Etat a considéré, au cas présent, que : « le délai de recours contentieux à l’encontre de la délibération litigieuse, qui procédait à l’aliénation, par le biais d’un échange, d’une parcelle supportant un chemin rural, ne pouvait courir à l’égard de Mme D…, propriétaire riveraine de cette parcelle, qu’à compter de la date à laquelle cette délibération lui avait été notifiée. », et ce sans qu’il puisse être opposé à la requérante le principe de sécurité juridique dégagé par le Conseil d’Etat dans sa décision Czabaj du 13 juillet 2016.
En effet, confirmant l’arrêt de cour d’appel de Nancy, le Conseil d’Etat a relevé que la requérante n’avait pas reçu notification de ladite délibération et que ni la commune de Luttange, ni le bénéficiaire de l’échange de parcelle n’apportaient d’élément de nature à établir la date à laquelle elle en aurait eu connaissance de la délibération. Partant, le délai de recours d’un an en application du principe de sécurité juridique ne saurait lui être opposable.
CE, 5 juillet 2022, M. C c/ Mme D, req. n° 459683, mentionné aux tables du Recueil Lebon