En qualité de maître d’ouvrage, M. X a conclu un marché avec la société Y B portant sur la réfection d’un escalier extérieur. Ayant refusé de régler le solde, l’assureur du constructeur a diligenté une expertise qui s’est déroulée de façon contradictoire et qui a conclu à l’absence de malfaçons.
Insatisfait des conclusions de cette expertise, M. X a fait réaliser une nouvelle expertise, sans que la société Y B ainsi que son assureur ne soient convoqués, aux termes de laquelle il a été considéré que des travaux de reprise étaient nécessaires.
Le tribunal d’instance de Dijon a, par deux jugements rendus en dernier ressort les 12 septembre 2018 et 6 mars 2019, a condamné la société Y B à payer à M. X une somme au titre des malfaçons.
La société Y B a formé un pourvoi en cassation fondé sur deux moyens.
Premièrement, la société Y B reproche au tribunal d’instance de l’avoir condamnée en se fondant sur une expertise non judiciaire réalisée à la seule demande de M. X, et à laquelle elle n’avait pas été conviée.
Au visa de l’article 16 du code de procédure civile, la Cour de cassation précise que « hormis les cas où la loi en dispose autrement, le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l’une des parties, peu important qu’elle l’ait été en présence de celles-ci ».
Ce faisant, la troisième chambre civile considère que le tribunal d’instance a méconnu ce texte en retenant la responsabilité de la société Y B et en la condamnant à réparation au profit de M. X, en se fondant exclusivement sur les conclusions d’une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l’une des parties par un technicien de son choix, et ce alors que la société Y B n’y avait pas été régulièrement appelée.
Secondement, la société Y B fait grief au jugement d’avoir rejeté sa demande de versement du montant du solde des travaux qu’elle a réalisés au bénéfice de M. X.
Au visa de l’article 1149 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, la Cour de cassation rappelle le principe selon lequel « les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu’il en résulte pour elle ni perte ni profit ».
En effet, c’est sur le fondement du rapport d’expertise non judiciaire et non contradictoire que le tribunal a considéré que des travaux de reprise de l’escalier étaient indispensables.
Or, en décidant d’indemniser intégralement M. X des conséquences des manquements contractuels de la société Y B, sans toutefois condamner celui-ci à verser le solde des travaux exécutés par l’entrepreneur, le tribunal a réparé deux fois le même préjudice.
En conséquence, la troisième chambre civile casse et annule les jugements déférés et renvoie l’affaire devant le tribunal judiciaire de Dijon.
Cass., 3e civ., 14 mai 2020, n° de pourvoi 19-16278 et 19-16279