Par une décision en date du 4 février 2021, le Conseil d’Etat considère qu’une citation en justice n’interrompt la prescription que si, d’une part, elle émane de celui qui a la qualité pour exercer le droit menacé par la prescription et, d’autre part, si elle vise celui qui en bénéficierait.
En l’espèce, une communauté de communes a procédé à des travaux de rénovation en vue de l’aménagement d’une médiathèque. La rénovation des locaux prévoyait notamment la création d’une terrasse. Des infiltrations d’eau et des fuites ayant été constatées, le maître d’ouvrage a prononcé la réception du lot « étanchéité » avec réserves et a saisi le juge des référés d’une demande tendant à désigner un expert aux fins, notamment, de se prononcer sur l’origine et l’étendue des désordres.
L’assureur du maître d’ouvrage, appelé en cause, a demandé au juge des référés d’étendre l’expertise aux assureurs des constructeurs.
Le juge des référés a fait droit à la demande formulée par le maître d’ouvrage mais a rejeté les conclusions de l’assureur sur ce point.
Dans ces conditions, l’assureur de la communauté de communes s’est pourvu en cassation contre l’ordonnance de la Cour administrative d’appel de Nancy, laquelle a rejeté son appel.
Le Conseil d’Etat rappelle le cadre juridique de l’effet interruptif de prescription de la citation en justice en ces termes :
« aux termes de l’article 2241 du code civil : » La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription (…) « . Alors même que l’article 2244 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 réservait un effet interruptif aux actes « signifiés à celui qu’on veut empêcher de prescrire », termes qui n’ont pas été repris par le législateur aux nouveaux articles 2239 et 2241 de ce code, il ne résulte ni des dispositions de la loi du 17 juin 2008 ni de ses travaux préparatoires que la réforme des règles de prescription résultant de cette loi aurait eu pour effet d’étendre le bénéfice de la suspension ou de l’interruption du délai de prescription à d’autres personnes que le demandeur à l’action. Il en résulte qu’une citation en justice, au fond ou en référé, n’interrompt la prescription qu’à la double condition d’émaner de celui qui a la qualité pour exercer le droit menacé par la prescription et de viser celui-là même qui en bénéficierait ».
Le Conseil d’Etat ajoute que, s’agissant de la responsabilité décennale des constructeurs, il en résulte que :
« Lorsqu’une demande est dirigée contre un constructeur, la prescription n’est pas interrompue à l’égard de son assureur s’il n’a pas été également cité en justice ».
S’alignant sur la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. 3 ème civ., 29 mars 2018, n° 17-15/042), il en déduit également que :
« Lorsqu’une demande est dirigée contre un assureur au titre de la garantie décennale souscrite par un constructeur, la prescription n’est interrompue qu’à la condition que cette demande précise en quelle qualité il est mis en cause, en mentionnant l’identité du constructeur qu’il assure. A cet égard n’a pas d’effet interruptif de la prescription au profit d’une partie la circonstance que les opérations d’expertise ont déjà été étendues à cet assureur par le juge, d’office ou à la demande d’une autre partie ».
« De son côté, l’assureur du maître de l’ouvrage, susceptible d’être subrogé dans ses droits, bénéficie de l’effet interruptif d’une citation en justice à laquelle le maître d’ouvrage a procédé dans le délai de garantie décennale »
L’ordonnance du juge des référés de la Cour administrative d’appel de Nancy est ainsi annulée pour erreur de droit en ce qu’elle a rejeté les conclusions de l’assureur de la communauté de communes tendant à ce que l’expertise soit déclarée commune et opposable à la société d’assurance en sa qualité d’assureur des trois constructeurs.