La circonstance que la voie d’accès à un terrain ne serait pas ouverte au public est sans incidence sur la conformité du projet par rapport aux conditions d’accès aux terrains par les véhicules de lutte contre l’incendie et de secours

La Commune de Marseille a délivré le 30 juillet 2015 à la société Ogic un permis de construire portant sur la réalisation d’un immeuble dénommé « L’Eperon blanc », comprenant quinze logements et trente-trois places de stationnement.

L’arrêté en date du 30 juillet 2015 a été déféré à la censure du tribunal administratif de Marseille, lequel en a prononcé l’annulation aux termes d’un jugement en date du 8 février 2018.

La société Ogic et la Ville se sont pourvues en cassation contre ce jugement.

La Haute juridiction considère tout d’abord que la notice jointe au dossier de permis de construire était effectivement insuffisante. Les magistrats de relever en effet que la notice « se bornait à indiquer que  » le projet est desservi par une voie privée avec servitude de passage « , et que le plan de masse mentionnait l’existence d’une  » route « , sans autre précision », et de considérer, « par suite », qu’en « jugeant que le service instructeur n’avait pu se prononcer en toute connaissance de cause pour apprécier le caractère suffisant de la desserte du projet, faute de pièces jointes à la demande de permis de construire indiquant l’emplacement de la servitude de passage et ses caractéristiques, le tribunal a porté sur les faits de l’espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation et n’a pas entaché son jugement d’erreur de droit et d’insuffisance de motivation ».

Le Conseil d’Etat censure en revanche le tribunal administratif qui avait conclu à la méconnaissance des prescriptions de l’article 3 de la zone UR du plan local d’urbanisme de la commune.

Le tribunal administratif de Marseille avait retenu, pour annuler le permis de construire accordé à la société Ogic, que celui-ci avait été délivré en méconnaissance des dispositions de l’article 3 de la zone UR du règlement du plan local d’urbanisme, aux termes desquelles « les constructions à réaliser sont desservies par au moins une voie présentant des caractéristiques suffisantes pour permettre l’accès des véhicules de lutte contre l’incendie et de secours ».

Le tribunal administratif avait en effet conclu à la violation de ces prescriptions dès lors que la voie de desserte du terrain d’assiette était fermée à la circulation publique, et que le pétitionnaire ne justifiait pas, tant dans le dossier de demande de permis de construire, que dans le cadre de l’instance, de l’existence d’un titre créant une servitude de passage permettant la desserte de son terrain par les engins d’incendie et de secours.

Après avoir rappelé qu’aux termes des articles L. 1424-2 à L. 1424-4 du code général des collectivités territoriales, les services publics d’incendie et de secours sont, dans le cadre de leurs missions de protection et de secours, en droit d’intervenir sur tout le territoire de la commune, sans que puisse leur être opposé le caractère privé des voies qu’ils doivent emprunter, le Conseil d’Etat précise que « dès lors, pour apprécier les possibilités d’accès de ces services au terrain d’assiette, il appartient seulement à l’autorité compétente et au juge de s’assurer que les caractéristiques physiques d’une voie d’accès permettent l’intervention de leurs engins, la circonstance que cette voie ne serait pas ouverte à la circulation publique ou grevée d »une servitude de passage étant sans incidence ».

Le jugement du tribunal administratif de Marseille est donc annulé en raison de l’erreur de droit qui l’entache, le Conseil d’Etat relevant par ailleurs que le tribunal administratif n’avait pas « recherché, ainsi que cela lui était demandé, si les vices qu’il retenait faisaient obstacle à la régularisation du permis litigieux par un permis modificatif ».

Le jugement est donc annulé, et l’affaire renvoyée au tribunal administratif de Marseille.

CE, 21 octobre 2019, Société Ogic, req. n°419650