La commune de Grenoble a conclu en 1999 une convention d’une durée d’un an renouvelable par tacite reconduction, aux termes de laquelle elle mettait gratuitement à la disposition de l’association Football Club Grenoble Rugby (FCGR) des locaux appartenant à son domaine public.
L’association a aménagé dans ces locaux un espace de bar-restaurant qu’elle a ouvert au public, et en a confié l’exploitation à la SAS Le Siège par convention du 5 avril 2005.
Le Maire de la commune de Grenoble devait néanmoins informer le président de l’association FCGR de la résiliation, à compter du 1er juin 2017, de la convention d’occupation du domaine public dont elle bénéficiait et a envisagé de conclure directement avec la SAS Le Siège une convention d’occupation du domaine public à compter de cette même date.
La société a refusé cette proposition, ce qui a conduit la commune à saisir le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, sur le fondement de l’article L. 521-3 du code de justice administrative, d’une demande tendant à ce que son expulsion soit ordonnée.
Le juge des référés a néanmoins rejeté cette requête, la condition d’urgence n’étant pas remplie.
La commune a alors saisi le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, sur le fondement de l’article R. 541-1 du code de justice administrative, d’une requête tendant à ce que la société Le Siège lui verse une somme provisionnelle de 2 500 euros HT mensuelle à compter du 1er juin 2017, en compensation des revenus qu’elle aurait pu percevoir d’un occupant régulier de son domaine public, ainsi que la somme provisionnelle de 7 764 euros en remboursement des sommes acquittées par elle au titre des consommations de fluides de la société pour 2017 et à lui régler le coût provisionnel de ses consommations de fluides à compter du 1er janvier 2018.
Le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble ayant fait droit à la demande de la commune, la Société Le Siège a interjeté appel de l’ordonnance ainsi rendue.
La Cour administrative d’appel de Lyon censure cependant l’ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble en rappelant qu’une personne publique ne peut demander au juge administratif de prononcer une mesure qu’elle a le pouvoir de prendre.
La Cour administrative d’appel revient tout d’abord que les principes applicables en la matière :
« Une commune est fondée à réclamer à l’occupant sans titre de son domaine public, au titre de la période d’occupation irrégulière, une indemnité compensant les revenus qu’elle aurait pu percevoir d’un occupant régulier pendant cette période. A cette fin, elle doit rechercher le montant des redevances qui auraient été appliquées si l’occupant avait été placé dans une situation régulière, soit par référence à un tarif existant, lequel doit tenir compte des avantages de toute nature procurés par l’occupation du domaine public, soit, à défaut de tarif applicable, par référence au revenu, tenant compte des mêmes avantages, qu’aurait pu produire l’occupation régulière de la partie concernée du domaine public communal. Toutefois une collectivité publique est irrecevable à demander au juge administratif de prononcer une mesure qu’elle a le pouvoir de prendre. En particulier, les collectivités territoriales qui peuvent émettre des titres exécutoires à l’encontre de leurs débiteurs, ne peuvent saisir directement le juge administratif d’une demande tendant au recouvrement de leur créance sauf lorsque la créance trouve son origine dans un contrat ».
Dans le cas de la commune de Grenoble, les magistrats de la Cour rappellent que la société Le Siège, bien qu’ayant conclu, « au demeurant irrégulièrement », une convention de mise à disposition des locaux, de matériel et de licence IV, avec l’association FCGR, n’était pas placée dans une situation contractuelle avec la commune.
Partant, la Cour conclut à l’irrecevabilité de la requête en référé de la commune, laquelle aurait dû émettre un titre à l’encontre de la société Le Siège.
CAA Lyon, 2 septembre 2019, Commune de Grenoble, req. n° 18LY04003