Par une décision en date du 27 mai 2020, le Conseil d’Etat est venu juger que la signature précipitée d’un marché par un acheteur, postérieurement à la notification de l’introduction d’un référé précontractuel par un concurrent évincée, constitue une violation que le juge du référé contractuel doit sanctionner sur le fondement de l’article L. 551-20 du code de justice administrative.
En l’espèce, la collectivité territoriale de Martinique avait engagé une consultation en vue de la conclusion d’un accord-cadre de prestations de nettoyage de locaux et de sites découpé en neuf lots. La société Clean Bulding s’est portée candidate à l’attribution de plusieurs lots, son offre ayant été retenue pour le lot 8 et rejetée pour les lots 1 à 6 ainsi que le lot 9.
La société Clean Bulding a introduit un référé précontractuel tendant à l’annulation de la procédure de passation du marché pour les lots qui ne lui ont pas été attribués. Le 6 septembre 2019, par le biais de son conseil, la société Clean Bulding a adressé, en début de matinée, à la collectivité territoriale de Martinique la notification du dépôt de la requête en référé.
Par une ordonnance en date du 30 septembre 2019, le juge des référés a considéré qu’il n’y avait pas lieu à statuer dès lors que les marchés querellés avaient été signés, tout en rejetant également le surplus des conclusions présentées en cours d’instance par la requérante sur le fondement de l’article L. 551-13 du code de justice administrative.
La société Clean Bulding s’est pourvue en cassation aux fins d’obtenir l’annulation de l’ordonnance précitée.
Dans cette affaire, le Conseil d’Etat, après avoir rappelé que le délai de suspension court à compter de la réception par l’acheteur de la notification de l’introduction d’un référé, relève que le contrat litigieux avait été signé le 6 septembre 2019, dans la matinée, soit postérieurement à la communication de la télécopie et du courrier d’avocat lui notifiant son référé précontractuel.
A cet égard, le Conseil d’Etat considère que le juge du référé contractuel qui constaterait une méconnaissance de l’article L. 551-4 du code de la justice administrative – en vertu duquel un contrat ne peut pas être signé à compter de la saisine du tribunal administratif – doit nécessairement tirer les conséquences qui en découlent et, conséquemment, prononcer une sanction sur le fondement de l’article L. 551-20 de ce même code :
« Le marché a ainsi été signé par la collectivité en méconnaissance de l’obligation prévue à l’article L. 551-4 du code de justice administrative. Par suite, alors même qu’il avait rejeté les conclusions de la société Clean Building présentées sur le fondement de l’article L. 551-18 du code de justice administrative, le juge du référé contractuel du tribunal administratif était tenu de prononcer l’une des sanctions prévues à l’article L. 551-20 du même code. En s’abstenant de prononcer l’une d’entre elles, il a commis une erreur de droit ».
Aussi, sur ce point, le Conseil d’Etat considère qu’il résulte de l’instruction que la collectivité territoriale de Martinique a signé le contrat litigieux alors même qu’elle avait connaissance de l’introduction d’un référé précontractuel, de sorte qu’« il y a lieu, dans ces conditions, de lui infliger une pénalité financière d’un montant de 10 000 euros en application des dispositions de l’article L. 551-20 du code de justice administrative au titre de la passation des lots n°s 1 à 6 et du lot n° 9 »
Partant, le Conseil d’Etat censure l’ordonnance rendue par le Tribunal administratif de La Martinique le 30 septembre 2019 tout en annulant le lot n°7 et en condamnant la Collectivité Territoriale de Martinique, sur le fondement de l’article L. 551-20 du code de justice administrative, à une pénalité financière d’un montant de 10.000 euros au titre de la passation des lots n°1 à 6.
CE, 27 mai 2020, Société Clean Bulding, req. n°435982