Le 12 janvier 2016, le Sénat a conclu avec la Ligue de Paris de Tennis une convention d’autorisation d’occupation temporaire du domaine public en vue de l’exploitation des six courts de tennis situés dans le jardin du Luxembourg, pour une durée de quinze ans.
La société Paris Tennis, qui sollicite l’annulation de cette convention, a vu sa demande rejetée tant par le tribunal administratif de Paris que par la cour administrative d’appel de Paris.
La société Paris Tennis a donc décidé de se pourvoir en cassation.
Le Conseil d’Etat commence par relever que si l’article 8 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, dans sa rédaction issue de l’article 60 de la loi du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, ne prévoit pas explicitement la compétence de la juridiction administrative pour se prononcer sur les litiges relatifs aux contrats publics passés par les assemblées parlementaires, les travaux parlementaires quant à eux révèlent l’intention du législateur de rendre compatibles les dispositions de l’ordonnance avec les exigences de publicité et de mise en concurrence découlant notamment du droit de l’Union européenne.
Ainsi, le Conseil d’Etat en déduit que le juge administratif est compétent pour statuer sur les recours en contestation de la validité de contrats passés par les assemblées parlementaires et susceptibles d’être soumis à des obligations de publicité et de mise en concurrence.
Après avoir rappelé ce principe, la Haute Assemblée procède à la qualification du contrat dont l’annulation est réclamée par la société Paris Tennis. En l’occurrence, le contrat conclu entre le Sénat et la Ligue de Paris de Tennis a pour objet d’autoriser cette dernière à occuper temporairement une partie des dépendances domaniales affectées au Sénat, afin d’y exploiter six courts de tennis, ainsi que des locaux d’accueil, des vestiaires et des sanitaires.
La cour administrative d’appel de Paris a considéré que le contrat en cause doit être regardé comme un contrat d’occupation du domaine public, et non comme une concession de service public, en l’absence de mission de service public d’une part, et de droit de contrôle sur la gestion de l’activité sportive de la Ligue de Paris de Tennis par le Sénat d’autre part.
Ce raisonnement est confirmé par le Conseil d’Etat, lequel constate qu’aucune erreur de qualification juridique n’a été commise par les juges d’appel.
S’agissant désormais de la procédure de passation applicable à un tel contrat, l’article L. 2122-1-1 du code général de la propriété des personnes publiques dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques – qui instaure une procédure de publicité et de mise en concurrence dans le cadre de la conclusion d’un contrat d’occupation ou d’utilisation du domaine public en vue d’une exploitation économique – n’était pas encore entré en vigueur à la date de la signature de la convention conclue entre le Sénat et la Ligue de Paris de Tennis.
Cependant, le Conseil d’Etat considère que les dispositions prévues par l’article 12 de la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur sont susceptibles de s’appliquer aux autorisations d’occupation du domaine public. Le juge de cassation se fonde sur ce point sur la jurisprudence rendue par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 14 juillet 2016, Promoimpresa Srl, aff. C-458/14 et C-67/15 ; CJUE, 30 janvier 2018, College van Burgemeester en Wethouders van de gemeente Amersfoort c./ X BV et Visser Vastgoed Beleggingen BV c./ Raad van de gemeente Appingedam, aff. C-360/15 et C-31/16).
Pourtant, saisie d’un moyen tiré de ce que la réglementation édictée par le Sénat en matière de contrats d’occupation du domaine public méconnaissait le droit de l’Union européenne à la fois au regard du principe de non-discrimination issu de l’article 49 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et des dispositions de la directive du 12 décembre 2006, la cour administrative d’appel de Paris a jugé que la convention conclue entre le Sénat et la Ligue de Paris de Tennis ne présentait pas d’intérêt frontalier certain.
Or, les juges d’appel ont commis une erreur de droit en considérant que l’absence d’intérêt transfrontalier certain avait permis de dispenser le Sénat d’organiser une procédure de mise en concurrence avant la signature du contrat, alors qu’une telle circonstance était sans incidence sur l’application de la directive du 12 décembre 2006.
Le Conseil d’Etat admet donc le pourvoi formé par la société Paris Tennis et annule l’arrêt rendu par la cour administrative d’appel de Paris.