Le juge administratif ne peut connaître des demandes tendant à la réparation des dommages résultant de la faute commise par un praticien hospitalier lorsque ce dernier intervient dans le cadre d’une procédure judiciaire, celui-ci devant alors être considéré comme intervenant en qualité de collaborateur occasionnel du service public

Les juridictions administratives sont quotidiennement amenées à statuer sur des contentieux introduits par des patients ayant subi des dommages lors d’interventions ou de prise en charge au sein de services hospitaliers.

En pareille hypothèse, la compétence du juge administratif s’impose dès lors que la responsabilité de la personne publique mise en cause l’est en raison du service public administratif.

Il en va cependant autrement quand le personnel hospitalier à l’origine de la faute est intervenu dans le cadre d’une procédure judicaire, ainsi qu’a eu l’occasion de le préciser la Cour administrative d’appel de Bordeaux récemment.

Après avoir rappelé que « la responsabilité qui peut incomber à l’État ou aux autres personnes morales de droit public en raison des dommages imputés à leurs services publics administratifs est soumise à un régime de droit public et relève en conséquence de la juridiction administrative », la Cour aborde le cas particulier des demandes qui tendent à la réparation des conséquences dommageables des actes indissociables du fonctionnement du service public de la justice :

« En revanche, celle-ci ne saurait connaître de demandes tendant à la réparation d’éventuelles conséquences dommageables des actes indissociables du fonctionnement du service public de la justice. En particulier, les actes intervenus au cours d’une procédure judiciaire se rattachant directement à celle-ci ne peuvent être appréciés, soit en eux-mêmes, soit dans leurs conséquences, que par l’autorité judiciaire ».

Dans le cas d’espèce, la requérante avait sollicité du tribunal administratif la condamnation du Centre hospitalier de Périgueux en réparation des préjudices qu’elle avait subi en raison de l’absence de prescription d’un traitement post-viol suit à son admission au sein de l’établissement.

Cette dernière avait en effet été conduite aux urgences du centre hospitalier de Périgueux par les services de la police et le praticien hospitalier qui l’avait examinée ne lui avait pas prescrit de traitement post-viol.

Ayant au préalable rappelé les dispositions de l’article 60 du code de procédure pénale aux termes duquel « s’il y a lieu de procéder à des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques, l’officier de police judiciaire a recours à toutes personnes qualifiées », et « les personnes ainsi appelées prêtent, par écrit, serment d’apporter leur concours à la justice en leur honneur et en leur conscience », la Cour administrative d’appel considère que le praticien hospitalier qui est intervenu sur réquisition d’un officier de police judicaire agissait comme collaborateur occasionnel du service public :

« Il est constant que l’appelante a été conduite par les services de la police au service des urgences du centre hospitalier au motif qu’elle venait d’être victime d’un viol. Il résulte de l’instruction que l’examen médical dont elle a bénéficié à l’hôpital a été pratiqué par un praticien hospitalier du service de gynécologie obstétrique, qui a prêté serment d’apporter son concours à la justice, sur réquisition d’un officier de police judiciaire agissant sur instruction du procureur de la République de Périgueux et, par suite, agissant, malgré sa qualité d’agent hospitalier, comme collaborateur occasionnel du service public de la justice ».

La Cour retient par conséquent que « la faute résultant de l’absence de prescription d’un traitement prophylactique n’est dès lors pas détachable de la procédure judiciaire à l’occasion de laquelle il a été fait appel à ses services », et en tire les conséquences en jugeant qu’« il n’appartient qu’aux juridictions judiciaires de connaître du litige ainsi soulevé ».

CAA Bordeaux, 30 juillet 2019, E. c/ CH Périgueux, req. n°17BX03822.