Le juge judiciaire est infondé à condamner les assureurs des intervenants à un marché public de travaux à verser une provision à une commune, sans que la responsabilité desdits intervenants n’ait été établie par le juge administratif.

Dans le cadre de la réhabilitation d’un foyer communal, la commune de Tuchan a confié la maîtrise d’œuvre des travaux à Monsieur X et l’exécution des travaux de démolition-gros œuvre-étanchéité à la société Midi Travaux.

Postérieurement à la réception des travaux, prononcée le 19 novembre 2013, des désordres sont apparus.

Et, suite au dépôt du rapport d’expertise, la commune a assigné en référé, sur le fondement de l’article 809 du code de procédure civile, la société Midi Travaux, M. X, ainsi que leurs assureurs respectifs, aux fins d’obtenir le paiement d’une provision.

Saisie de ce litige, la Cour d’appel de Montpellier opère un raisonnement en deux temps.

Elle écarte dans un premier la compétence du juge judiciaire pour connaître de l’action engagée par la commune à l’encontre de l’entrepreneur ainsi que du maître d’œuvre, en raison du caractère administratif des marchés qui les lient à la commune.

Mais, dans un second temps, les juges d’appel retiennent la compétence du juge judiciaire pour se prononcer sur l’action directe exercée par la commune à l’encontre des assureurs, en ce que ces derniers sont liés à leurs assurés par un contrat de droit privé. Ce faisant, constatant la nature décennale des désordres invoqués par la commune, la Cour d’appel considère qu’il pèse sur les assureurs des constructeurs une présomption de responsabilité. Elle condamne donc les assureurs à verser une provision à la commune.

Cependant, sur le fondement de la loi des 16 et 24 août 1790, du décret du 16 fructidor an III et de l’article L. 124-3 du code des assurances, la première chambre civile de la Cour de cassation casse et annule la deuxième partie du raisonnement de la Cour d’appel, en considérant qu’en l’absence de reconnaissance par les assureurs de la responsabilité de leurs assurés, il incombait aux juges d’appel de surseoir à statuer jusqu’à ce que le juge administratif se soit prononcé sur cette responsabilité.

 

Cass., 1ère civ., 11 décembre 2019, n° 18-25441