Le maître d’ouvrage qui décide, sur les conseils du maître d’œuvre, de lever l’ensemble des réserves lors de la réception, n’est pas habilité à solliciter ultérieurement une provision à l’entrepreneur

Dans le cadre de la réalisation d’une médiathèque, la Communauté d’agglomération « Grand Angoulême » a confié la maîtrise d’œuvre à un groupement conjoint. Parallèlement, les marchés de travaux de cette opération ont été attribués par la Communauté d’agglomération.

Or, lors de l’exécution des travaux de construction, de nombreuses infiltrations d’eau ont été constatées dans un local situé au sous-sol du bâtiment de la médiathèque.

Une expertise a donc été sollicitée par la Communauté d’agglomération, dont le rapport a conclu à un défaut d’étanchéité des gaines d’échappement, mettant ainsi en cause la maîtrise d’œuvre, qui n’avait pas prévu la réalisation d’un fourreau d’évacuation des eaux de ruissellement.

Des travaux de reprise ont été effectués et ont abouti à la levée des réserves.

C’est dans ces conditions que la Communauté d’agglomération a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Poitiers la condamnation du groupement de maîtrise d’œuvre ainsi que de certains des entrepreneurs à lui verser à titre de provision une somme de 149.457,45 euros, majorée des intérêts au taux légal et des frais d’expertise.

Ayant toutefois été déboutée de sa demande par le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers, la Communauté d’agglomération a interjeté appel auprès du juge des référés de la Cour administrative d’appel de Bordeaux.

Et, ce dernier a d’abord considéré, sur le fondement des dispositions prévues par l’article R.741-7 du code de justice administrative, que l’ordonnance attaquée était irrégulière, faute pour le tribunal administratif d’avoir produit, sur demande de la Cour, la minute du jugement revêtue des signatures des magistrats.

Statuant ensuite sur la demande de provision présentée par la Communauté d’agglomération, le juge des référés de la Cour administrative d’appel de Bordeaux s’est opposé, sur le fondement des dispositions prévues par l’article R.541-1 du code de justice administrative, à ce que la responsabilité des entrepreneurs soit retenue.

En effet, le juge a rappelé que la Communauté d’agglomération avait, sur proposition du maître d’œuvre, pris la décision de lever toutes les réserves lors de la réception des travaux d’étanchéité des carneaux. Or, « la circonstance qu’ils donnaient satisfaction ne permettait pas à elle seule, si le maître d’ouvrage entendait poursuivre au contentieux le remboursement des frais engagés, de prononcer la réception sans réserves, qui n’est plus contestée ».

Par ailleurs, le juge des référés de la Cour administrative d’appel a jugé que la demande de provision présentée par le pouvoir adjudicateur à l’encontre des entrepreneurs ne pouvait aboutir quand bien même « ces marchés n’auraient pas encore fait l’objet de décomptes définitifs ».

S’agissant désormais de la demande provisionnelle formée à l’encontre du groupement de maîtrise d’œuvre, la Communauté d’agglomération soutenait que celui-ci s’était rendu coupable non seulement d’erreurs lors de la conception et de la direction des travaux, mais de surcroît dans l’exercice de son devoir de conseil lors des opérations de réception.

Le juge des référés de la Cour administrative d’appel de Bordeaux a pour sa part retenu un partage de responsabilité entre le mandataire du groupement de maîtrise d’œuvre et le maître d’ouvrage. Il considère ainsi que « ni l’architecte, ni le maître d’ouvrage d’une importante communauté d’agglomération ne pouvaient cependant sérieusement ignorer les conséquences » de la décision de lever toutes les réserves « sur la possibilité de réclamer aux entreprises, sur le fondement de leur responsabilité contractuelle telle qu’elle pouvait être reconnue à la suite des opérations d’expertise alors en cours, le remboursement des sommes qui leur avaient été versées dans le cadre des travaux de reprise des désordres. Par suite, la responsabilité est susceptible d’être partagée ».

Et, s’étant rendu coupable d’une faute de conception et d’une faute lors des opérations de réception, le maître d’œuvre a fait perdre à la Communauté d’agglomération une chance sérieuse d’obtenir réparation.

Ayant fixé la part non sérieusement contestable de son obligation à hauteur de 30% des préjudices indemnisables, le juge des référés de la Cour administrative d’appel de Bordeaux décide de condamner le mandataire du groupement de maîtrise d’œuvre à verser une provision à la Communauté d’agglomération à hauteur de 2.768,24 euros.

CAA Bordeaux, 23 août 2019, Communauté d’agglomération du Grand Angoulême, req. n° 19BX00002